Hong Sangsoo livre avec Walk up un nouveau multi-portraits intimiste. Un long-métrage fait de rencontres et de discussions autour d’un verre. On peut le dire, Hong Sangsoo a vraiment l’art de faire un film avec un rien.
Alors oui, dans Walk up on monte, toujours plus haut dans cet immeuble où l’on a du mal à se repérer. Le lieu a beau être unique, il se fragmente en une infinité d’espaces, qui laissent libre court à l’intimité des personnages. Ici, personne ne se connait véritablement, les mots ont du mal à sortir, du moins au début. Et puis, comme si un déclic se faisait, imperceptible et subtil, les langues se délient. La parole n’a alors plus de limite, elle monte dans les étages et se faufile entre les cloisons. On apprend à connaître ces mystérieux personnages, ils s’ouvrent à nous à cœur ouvert et on accueille avec plaisir leurs pensées.

Walk up présente des fragments de la vie de Byungsoo (inteprété par son acteur phare Kwon Haehyo), ce cinéaste célèbre qui décide de retourner voir une amie de longue date afin de lui présenter sa fille, Sunhee. Comme un songe éveillé, le film présente un mélange de temporalités qui nous livre différentes facettes de cet homme. A la fois père, mari, ami et réalisateur, il se révèle à nous jusqu’au moment où l’on ne sait plus distinguer le rêve du réel. L’onirisme s’empare de l’image et de la bande son et on est happé par cette liberté de la forme.
On parle autour d’un verre
Dans Walk up, ce n’est pas par leurs actions qu’on se familiarise avec les personnages, mais avec leurs paroles. La langue devient la traduction immédiate de leurs ressentis et se joint aux mimiques qu’il faut apprendre à décrypter. Sunhee (interprétée par Song Sunmi) se change alors en cette jeune fille dont le corps continuellement en retrait et ses yeux fuyants traduisent une grande timidité. Quant à Ms. Kim (Lee Hyeyoung), elle est au contraire assez confiante de l’effet qu’elle produit sur autrui et ne semble pas gênée de dévoiler ouvertement son attirance envers les “gens qui ont du succès” et donc envers Byungsoo.

Dans le cinéma de Hong Sangsoo, il est habituel que les personnages boivent. L’alcool est un être à part entière, celui qui retire les filtres. Plus question de compter les bouteilles qui se multiplient sur les tables, elles s’écoulent et font dériver les fils des discussions. Un flot intarissable de paroles. On sonde les personnages grâce aux mots qu’ils prononcent et à ceux dits lorsqu’ils ne sont pas là, car quoi de mieux qu’un regard extérieur pour apprendre à cerner la personnalité de quelqu’un ? Et de ces filtres qui se retirent, naît et disparaît le malaise, il vacille pour ensuite mieux se stabiliser.
Un regard immobile
Hong Sangsoo ne fait pas dans le surplus et épure son cinéma au maximum (scénario écrit au jour le jour, équipe réduite, décors naturels). Il en résulte une image dénudée, portée à son ultime dépouillement. Le noir et blanc englobent les personnages tandis que les plans statiques offrent un regard direct sur les séquences. Et celles-ci durent… mais étrangement, le temps ne paraît pas long.

Hong Sangsoo présente un cinéma qui prend le temps, dans une société où tout va toujours plus vite. Aller voir l’un de ses films, s’est se permettre de se poser et de profiter de cet art de l’instant.
Walk up sera à découvrir au cinéma à partir du 21 février.
Avis
Le dernier film de Hong Sangsoo nous emmène à la découverte de la vie dans un étrange immeuble. Walk up est un film de l'instant, où les discussions s'offrent à nous sans aucun filtre. Les personnages deviennent l'unique centre d'intérêt, et ils se déploient à travers un portrait doux et épuré.