Une zone à défendre nous emmène dans la ZAD bien connue de Disney+, où les bons sentiments étouffent toute tension.
Une zone à défendre est le troisième long-métrage de Romain Cogitore, qui après Nos Résistances et L’Autre Continent, étend l’obsession du cinéaste pour les romances contrariées en zone hostile. Et après la Seconde Guerre Mondiale et la maladie pour toiles de fonds, Romain Cogitore observe les cœurs se déchirer dans un lieu hautement politique et un terrain de cinéma quasi-vierge : la ZAD, où zone à défendre. Et c’est ce qui attire, en plus de son duo de prestigieux acteurs, vers un premier questionnement : comment rendre cinématographique une zone de combat acharnée sans verser dans le cliché et le mélodrame facile ? Et bien, en voyant Lyna Khoudri avec des dreadlocks, et François Civil, sans l’accent marseillais mais quasiment avec la même coupe, rejouer le flic de BAC Nord, les craintes commencent déjà à affluer.

On se souvient ainsi, avec une certaine horreur et une crainte toute similaire, de l’avalanche de clichés sirupeux de The Last Face de Sean Penn qui avait l’extrême mauvais goût de filmer l’histoire d’amour de deux sauveurs blancs, respectivement campés par Javier Bardem et Charlize Theron, sur fond d’humanitaire et de conflits internationaux en Afrique. Heureusement, dès les premières minutes, Romain Cogitore gomme presque toutes ces craintes en s’approchant au plus près de cette ZAD, sur fond d’affrontement policier, toujours brûlant d’actualité. Et si malheureusement le fond politique et toute tension inhérente au sujet s’avère injustement sacrifié, il reste cependant l’alchimie entre deux formidables acteurs, qui après le très moyen Les Trois Mousquetaires – D’Artagnan (et Buzz l’Éclair où tous deux doublaient ensemble) attendent encore un vrai bon film pour pleinement briller à leur juste mesure.
L’amour sans naturel
Greg (François Civil), flic infiltré de la DGSI, est chargé d’infiltrer une ZAD où il fait la rencontre de Myriam (Lyna Khoudri), meneuse de la lutte consistant à empêcher la construction d’un barrage. 18 mois plus tard, Greg découvre que Myriam a eu un enfant de lui… Et déjà, malgré ce pitch plutôt prometteur mêlant Avatar (évidemment juste au niveau du synopsis) et les personnages marginaux du cinéma de Gustave Kervern et Benoît Délépine, Une zone à défendre déçoit quelque peu. Parce que si l’on entre avec beaucoup de soin dans cette fameuse ZAD, scrutant avec beaucoup de minutie toute cette micro-société au travers de ses décors superbement reconstitués et réellement vivants, on ne croit jamais à l’alchimie soudaine entre ces deux personnages que tout semble opposer. Malgré une certaine tension, le volet policier campé par la trop rare Nathalie Richard s’avère finalement aussi artificiel que cette romance expéditive.

Heureusement, il y a dans la deuxième partie du long-métrage de Clément Cogitore tout ce qui avait permis à ses deux précédents projets de l’emporter : une histoire d’amour contrariée, et des idéaux qui s’effondrent, ici malheureusement au détriment de toute tension et de tout message politique inhérent à son décor. François Civil et Lyna Khoudri quittent alors peu à peu leurs stéréotypes respectifs et délivrent des performances à fleur de peau, délivrant au passage le véritable cœur émotionnel de cette zone à défendre, qui permettra alors au film de se suivre avec beaucoup d’intérêt, malgré un empilement de déceptions. Parce que de l’intrigue policière et d’un pouvoir abusif, simplement évoqué par un ministre acharné dont on ne saura finalement rien, comme des actions coup-de poings de militants réduits à de simples évocations judiciaires, Une zone à défendre s’avère malheureusement perpétuellement tomber à côté de la plaque.
Politique-toc
Pourtant, Disney+ avait offert avec sa superbe série Oussekine tout ce qui semble manquer à cette Zone à défendre. Cette ZAD, qui donne pourtant son nom au film, aurait pu être remplacée par une toute autre toile de fond, tant elle ne s’avère réduite, surtout dans sa deuxième partie, qu’à un simple décor, dénué de vie et de direction, que l’on voit peu à peu s’effilocher comme la simple et grossière métaphore de sa pourtant belle histoire d’amour. On doit ainsi les plus beaux moments du métrage lorsqu’il s‘éloigne de cette ZAD, où les sentiments contrariés explosent, chez une mère compatissante campée par la trop rare et toujours magistrale Anne Alvaro, où presque sans aucun bruit que des larmes étouffées, sur une simple aire d’autoroute, enfermé dans l’habitacle d’une voiture. De la résignation forcée de militants étouffée, d’une politique autoritaire et d’un pouvoir à la solde de puissances privées, on ne saura finalement rien.

Alors qu’il aurait pu être un thriller sentimental au contexte politique écologiste et militant brûlant d’actualité, Une zone à défendre ne paraît finalement être qu’une histoire d’amour certes séduisante et prenante car campée par deux excellents interprètes, mais finalement rien de plus. Une impression de frustration perpétuelle qui assèche le film, comme le barrage contre lequel ses personnages se battent, d’une belle promesse manquée et rapidement étouffée, heureusement maintenue en intérêt par un amour qui ne peut malheureusement pas tout sauver, pas même une forêt, et malheureusement pas tout un film.
Une zone à défendre est disponible sur Disney+.
Avis
Une zone à défendre aligne les déceptions : de son contexte politique brûlant, comme de son territoire encore très peu exploré au cinéma, il ne reste malheureusement qu'une belle histoire d'amour, qui maintient en intérêt grâce à ses deux solides interprètes, mais ne peut hélas sauver ni une forêt, ni tout un film.