Une année difficile s’avère être le film le moins abouti de son duo d’auteurs, n’y perdant heureusement pas leur précieuse tendresse.
Une année difficile est le huitième long-métrage du duo acclamé Éric Toledano et Olivier Nakache, derrière les succès critiques et publics du mastodonte Intouchables, du Sens de la fête, et d’En thérapie. On a ainsi pu observer dans les œuvres récentes des cinéastes un volet social de plus en plus prononcé dès le tournant opéré avec le plus sombre et fragile Samba, suivi par Hors normes qui, sans délaisser l’humour cher au duo, joignait à merveille leur sens de la comédie et des dialogues mêlé à celui plus documentaire des travailleurs sociaux et à des sujets volontiers plus graves. Une année difficile, sans déroger à la recette magique d’Éric Toledano et Olivier Nakache, de castings prestigieux et de sujets d’actualité importants, à savoir ici le réchauffement climatique et le surendettement, a cependant plus de mal à mêler leurs deux volontés de front.
Parce qu’en ayant traité avec beaucoup de talent les attentats et la pandémie durant les deux formidables saisons d’En Thérapie, en alliant leur maestria de dialogues, de direction d’acteurs et une mise en scène de plus en plus sèche et directe uniquement mise au service de l’émotion, le retour du duo au cinéma était forcément plus qu’attendu, surtout avec une actualité de plus en plus sombre et des sujets aussi importants. Et si Une année difficile réunit certaines de leurs plus grandes qualités, dont un regard toujours aussi tendre sur leurs personnages et des sujets de société très lourds toujours abordés avec beaucoup d’humanité, leur huitième long-métrage s’avère aussi marquer plus frontalement leurs fragiles limites. À savoir celles de jongler entre la comédie et la gravité de leurs sujets, ce qui avec ce huitième long-métrage, paraît presque relever de la mission impossible pour les deux auteurs, non sans certaines belles réussites.
Un équilibre difficile
Une année difficile suit ainsi les destins d’Albert (Pio Marmaï) et Bruno (Jonathan Cohen), tous deux surendettés, rencontrant par hasard Valentine (Noémie Merlant) et son groupe de militants écologistes. D’abord amusés et se servant de cette association pour servir leurs propres intérêts, les deux hommes vont peu à peu s’engager, sentimentalement et plus frontalement dans l’aventure. Et l’on retrouve rapidement dans Une année difficile tout ce qui a mené le duo de réalisateurs aux sommets de la comédie hexagonale : direction d’acteurs parfaite, personnages instantanément attachants, et surtout un rythme toujours aussi enlevé. Jonathan Cohen étonne en clown triste, Pio Marmaï excelle dans un rôle plus ambigu et Noémie Merlant s’avère toujours aussi lumineuse. Mais, tout aussi rapidement, le scénario d’Éric Toledano et Olivier Nakache marque ses limites.
Parce qu’en ne sachant plus choisir entre les destins, il faut l’avouer, assez attendus de sa pourtant attachante galerie de personnages, et ses foisonnants sujets qui s’avèrent un temps délaissés pour n’être finalement qu’injustement sacrifiés et ne servir que de toile de fond à une formule ici plutôt paresseuse, Une année difficile déçoit. Les répliques, comme les gags, se font plus lourds et plus répétitifs, à l’image du personnage de Mathieu Amalric, bénévole dans une association de surendettement qui ne se voit cantonné qu’à un running-gag de tentative d’entrée au casino se répétant inutilement. Le surendettement des deux personnages se voit ainsi purement et simplement abandonné, tout comme le combat écologique et d’actions coup-de-poing servant uniquement de prétexte à une histoire d’amour finalement assez fade. Le trop rare Grégoire Leprince-Ringuet pâtit ainsi comme Mathieu Amalric de ces choix assez décevants, passant du militant fidèle à un ennemi amoureux assez pathétique.
Plus intouchables
Une année difficile traduit ainsi ses foisonnants sujets en de (presque) inconséquents prétextes à un schéma qu’Éric Toledano et Olivier Nakache ne réinventent jamais. Jamais la résolution, où même l’approfondissement de leurs sujets ne leurs tiennent autant à cœur que de délivrer une histoire d’amour toute aussi inaboutie, se terminant, de manière très expéditive, par une valse en plein confinement qui s’avère aussi belle que complètement rocambolesque. On reste ainsi aussi charmés par les acteurs que frustrés devant tant de belles promesses ici injustement réduites à de pures éléments narratifs. Pourtant, malgré toutes ces faiblesses qui auraient pu faire dangereusement pencher le film vers l’amère déception, le charme opère et demeure toujours prégnant, et Une année difficile n’efface jamais la sympathie que l’on peut porter à l’œuvre des deux cinéastes, confirmant ici, une fois de plus, leur regard toujours aussi tendre et drolatique sur le genre humain.
On pourra ainsi trouver toujours présente, au milieu de tant de pistes inabouties et d’incompréhensibles choix scénaristiques, tout ce qui fait la beauté du cinéma d’Éric Tolédano et Olivier Nakache. D’une observation toujours aussi fine des échanges humains, et des portraits tout en détails de petits héros du quotidien, au cours d’échanges bouleversants de justesse, ramenant Une année difficile du côté du cœur et l’éloignant quelque peu de la déception. Ainsi, si ce huitième long-métrage est surement leur moins abouti, il n’en demeure pas moins un réel plaisir de comédie populaire au sens le plus noble du terme, remettant en son cœur toute l’humanité de leur deux auteurs, qui malgré leurs faiblesses, n’ont ici encore pas fini de charmer. Jusqu’à un véritable essoufflement ?
Une année difficile est actuellement en salles.
Avis
Une année difficile paraît facilement comme le film le moins abouti de son duo de cinéastes, et démontre ici de manière plus frontale la fragilité d'une formule qui paraît ici sérieusement réchauffée. Délaissant inutilement des sujets importants pour délivrer une mécanique de comédie assez répétitive et paresseuse, il n'en demeure pas moins une humanité et une tendresse toujours présentes, qui rapprochent le film du côté du cœur plutôt que de la déception.