Quand Guy Ritchie et Jason Statham arrêtent de niaiser, ils nous offrent Un homme en colère, remake burné du Convoyeur avec Dupontel.
Un musculeux chauve devient convoyeur de fond, mais il n’a pas l’air d’être là pour faire le café. Comme toujours, un film avec Jason Statham annonce souvent de poétiques discussions où métaphores lyriques sur l’âme humaine et digressions profondément émotionnelles vont de paires. On déconne. Rassurez-vous, il est bien question de pains dans la tronche et de façon plutôt très énervée dans Un homme en colère où notre chauve préféré nous sort l’une de ses meilleures performances, tout simplement.
Si Statham est à son paroxysme de la brutalité dans ce long-métrage, il en va également de même pour le fameux Guy Ritchie, définitivement de retour en grande forme après le très jouissif Gentlemen. Le réalisateur britannique adapte donc dans cet Homme en colère, Wrath of Man dans la langue de Shakespeare, le film français Le convoyeur de Nicolas Boukhrief, dont il suit de très près le pitch originel même si la seconde partie de ce remake s’offre sa propre identité, singulière et bien couillue comme il faut. Une réécriture maline, où l’on peut croiser quelques incohérences, mais qui colle parfaitement au ton méchant du métrage.
Two smoking barrels
Catégorisé dans des rôles ambivalents très second degré, l’acteur anglais oscille généralement entre punchlines et les torgnoles pour faire de son image de marque celle du gros bourrin à l’humour aussi gras que ses droites. Ainsi les rôles offerts par Guy Ritchie au début de sa carrière musclée ont vite imposé ce statut bon enfant, parce qu’entre nous, un film avec Jason Statham c’est toujours (ou presque) appréciable, détente.
Pourtant, dans Un homme en colère, notre musculeuse boule de billard opère un changement de ton appréciable, très premier degré, pour asseoir un personnage comme toujours laconique, mais loin de ses penchants pour la déconnade. Ici pas de place pour les blagues, le mec est venu pour faire mal et il le fait très bien. Toujours patibulaire, il excelle dans ce rôle agressif où les coups d’une extrême brutalité n’ont d’égal que leur sobriété. Tout se casse, tout se brise, tout se flingue, tout explose. Qu’ils croisent Statham lancé à pleine allure, ou comme dommages collatéraux, on souffre pour chacun des personnages, dont ceux brillamment interprétés d’ailleurs par Holt McCallany, Josh Hartnett, ou Scott Eastwood.
Car c’est là également que la réécriture d’Un homme en colère se distingue de celle du Convoyeur, en changeant petit à petit de focalisation. Si l’on suit d’abord la vengeance froide et consciencieuse d’un père endeuillé auquel on s’identifie, on en vient à comprendre également les braqueurs, vulgaires déchets perdus d’une société qui ne veut pas d’eux. Pour autant, on ne peut au final que se trouver révolté par l’une ou l’autre de ces personnalisations, née de la haine pure, tant la mise en scène nous force à contempler l’horreur de l’absurdité ultra violente de leurs quêtes respectives.
A ce titre, il convient de noter la maestria de la réalisation de Guy Ritchie. Si le bonhomme nous propose de longs plans séquence ou quelques facéties de montage alterné en chapitrant et déconstruisant la temporalité du métrage, il appose surtout à l’ensemble une mise en scène froide, en parfaite adéquation avec son sujet extrêmement noir. Moins fun que le reste de la filmographie des deux intéressés, cette nouvelle réunion du duo britannique le plus stylé en est par contre la plus agressive, la plus aseptisée. Le réalisateur britannique abandonne, temporairement pour les besoins agressifs de ce remake, les effets de style qui le caractérisent, lui permettant de livrer une œuvre sourde, brutale et viscérale, galvanisée par la bande-son monolithique de Christopher Benstead, comme l’oeuvre elle même, assommante de justesse.
Guy Ritchie et Jason Statham ne sont pas venus pour enfiler des perles et force est de reconnaître qu’ils proposent avec Un homme en colère une œuvre singulière qui vous mettra une sacrée claque.