Tralala fait pousser la chansonnette au cinéma libre et fantasque des Frères Larrieu. Plaisant, mais tournant malheureusement rapidement en rond.
Tralala n’avait rien d’un pari audacieux dans le cinéma déjà très libre des Frères Larrieu. Ayant déjà oscillé avec les genres, de la comédie apocalyptique des Derniers jours du Monde au thriller érotique avec L’Amour est un Crime Parfait, il était presque évident de voir un jour les frères cinéastes s’emparer d’un genre aussi haut en couleurs que celui de la comédie musicale. Entouré d’un casting de choix, dont leur sixième collaboration avec Mathieu Amalric, chaque acteur s’est ainsi vu écrire des chansons par un artiste, de Philippe Katerine à Bertrand Belin (qui joue aussi l’acteur avec beaucoup de talent) en passant par Jeanne Cherhal, Étienne Daho et Dominique A. Une belle et alléchante promesse, pour une proposition qui s’étiole en cours de route.
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Tralala mineur
Tralala (Mathieu Amalric) est un musicien vagabond sans-domicile fixe. Lorsqu’il tombe sous le charme d’une jeune femme (Galatea Belluggi), qui disparaît, il est hypnotisé et se met en tête de la retrouver jusqu’à Lourdes, se trouvant embarqué dans un mensonge où Tralala prendra l’identité d’un homme disparu une vingtaine d’années plus tôt. Et dès le départ, tout fonctionne. L’errance du héros, de Paris jusque dans les rues de Lourdes (ville natale des cinéastes), propose ainsi le meilleur du cinéma des Frères Larrieu. Les superbes choix musicaux épousent ainsi parfaitement les contours d’un personnage tout en mystères, se lançant en quête d’une aventure sentimentale peuplée de personnages toujours aussi fantasques et brillamment campés.
Passant volontiers d’univers en univers musicaux avec beaucoup de cohérence et de justesse (Le producteur Renaud Létang est à la supervision musicale), les titres choisis habillent ainsi parfaitement chacun des personnages, avec en parangon un numéro dansé par Mélanie Thierry dans une boutique de souvenirs bleutée. Malheureusement, cette liberté propre au cinéma des Frères Larrieu, rythmée par des notes épousant à merveille leurs images, finit par rapidement faire du sur-place. Une trop imposante galerie de personnages et un récit qui se laisse étouffer par une surenchère qui ne sied guère plus à Tralala. La démarche libre et poétique se mue alors en un scénario qui ne se retient plus d’imposer un lourd passé familial aux personnages, amenuisant ainsi les interprètes comme le récit.
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Histoire Lourdes
Tralala troquera ainsi sa belle et solaire énergie en un improbable imbroglio familial où la grâce des interprètes sera ainsi tout bonnement écrasée, et ce, malgré la beauté de leurs prestations. Tourné juste avant le confinement, le huitième long-métrage des Frères Larrieu possédait ainsi, et ce, malgré des masques brillamment ajoutés au scénario, un sentiment d’insouciance et de liberté propre à tout leur cinéma. Les voir s’emparer du genre de la comédie musicale, qui semble ici un temps faciliter leur écriture de personnages, aurait ainsi pu signer une de leurs meilleures œuvres, si elle ne s’était pas rapidement trouvée stoppée par un scénario maladroit.
Si l’on passera ainsi volontiers sur un derniers tiers très décevant, il est cependant toujours de bon ton de se plonger dans le cinéma des Frères Larrieu, qui, même sur une durée limitée, se révèle être un parfait échappatoire à notre morne actualité. Il demeure ainsi dans ce maladroit Tralala, une proposition radieuse et insouciante, que l’on aurait aimé voir se prolonger, et le temps d’un film, comme nous, fuir ses lourdes responsabilités.