Totto-Chan : La Petite Fille à la fenêtre de Shinnosuke Yakuwa est un film d’animation japonais adapté de l’autobiographie de Kuroyanagi Tetsuko. Un récit sur la joie de l’enfance et les possibilités infinies de l’éducation.
Tetsuko Kuroyanagi, appelée Totto-Chan est une petite fille intelligente et débordante d’énergie. Après avoir été renvoyée de son école à Tokyo pour sa « mauvaise conduite », ses parents l’inscrivent à Tomoe, une institution bien différente de la première. Ici, les classes sont des wagons de train et le proviseur un homme ouvert à l’éducation positive. Amenés à faire preuve d’autonomie, les enfants y grandissent en toute liberté. Jusqu’à ce que la guerre éclate…
Pas comme les autres
En adaptant l’autobiographie de Kuroyanagi Tetsuko, Shinnosuke Yakuwa présente un film sur l’enfance différent des autres, simplement parce que Totto-Chan est elle-même une petite fille différente. Perçue comme une perturbatrice par la plupart des adultes, elle n’entre pas dans les clous de ce qu’on appelle « une enfant sage ». Excentrique, débrouillarde, pleine d’entrain et de joie, Totto-Chan s’extasie devant la moindre petite chose, ne cesse de poser des questions, de parler, de bouger. A tel point que sa propre mère est parfois embarrassée par ce comportement sans gêne.
Ce caractère extravagant fait la singularité du personnage et le réalisateur parvient à en saisir toute l’intensité. On s’attache rapidement à cette enfant qui dissimule derrière son énergie sa gentillesse et son attention. A l’écoute des autres, elle cherche continuellement à aider, à comprendre le monde qui l’entoure et à effacer les inégalités. En se prenant d’amitié pour Yasuaki, un camarade atteint de polio, elle tente de le sortir de son isolement pour qu’il apprenne à s’accepter tel qu’il est.
Vivre malgré tout
Totto-Chan : La Petite Fille à la fenêtre donne une magnifique image de ce que peut être l’éducation positive. Tomoe est une école qui puise sa force dans la différence. Ici, chacun est accepté avec ses particularités et le jugement n’a pas lieu d’être. Les professeurs, comme le proviseur, laissent les élèves expérimenter, choisir leurs activités et développer leur créativité. Les règles strictes s’effacent au profit d’une écoute attentive et d’un regard bienveillant.
Au fil du film, on voit Totto-Chan grandir au sein de cette école et s’émanciper. Les années passent et avec elles la seconde guerre mondiale s’installe. Point de bascule du récit, elle affecte cet environnement chaleureux et la vie familiale de Totto-Chan. Shinnosuke Yakuwa rend compte des difficultés au quotidien – la restriction alimentaire, les bombardements, le manque de travail – sans jamais alourdir le récit. Plus la guerre se déploie et plus notre relation aux personnages se renforce.
Le rose de la joie
D’abord étonné, on s’habitue rapidement au style graphique des personnages du film, représentés avec un visage plus grand qu’au naturel et des pommettes continuellement teintées d’un rose pâle. Immergé dans des décors naturels représentés dans un dessin 2D propre au cinéma d’animation japonais, on se surprend à flâner avec eux et à se surpasser pour grimper en haut d’un arbre.
Plusieurs séquences sont également dédiées aux rêves de Totto-Chan et de Yasuaki. Plongé dans leur esprit, on accède à un monde aux couleurs étincelantes. Le graphisme évolue, laissant apparaître les traits du crayon et un fond teinté de blanc. A l’inverse, dans un scène dédiée à un cauchemar, le noir et blanc se substitue aux couleurs et les personnages deviennent des marionnettes sombres et tristes, figées dans du carton aux formes angulaires qui entrent en rupture avec les formes ondoyantes des rêves.
Totto-Chan : La Petite Fille à la fenêtre est original aussi bien dans le fond que dans sa forme. Un film émouvant et sincère.
Totto-Chan : La Petite Fille à la fenêtre a reçu le Prix Paul Grimault au Festival international du film d’animation d’Annecy 2024 et sortira le 1er janvier au cinéma.
Avis
Totto-Chan : La Petite Fille à la fenêtre de Shinnosuke Yakuwa est un film d'animation qui nous emmène dans un Japon frappé par la guerre. Un film d'une grande finesse et beauté, où la joie côtoie le malheur. Grâce à son personnage extravaguant, le long-métrage nous emmène loin, très loin.