On ne présente plus Wes Anderson, le cinéaste le plus symétrique qui existe, au style adulé et pastiché sans cesse. Il revient en compétition au Festival de Cannes 2025 avec The Phoenician Scheme deux ans après Asteroid City pour un film qui coche toutes les cases de la « to do list » du réalisateur.
Les univers de Wes Anderson sont des mondes avec des codes qui leur sont propres et souvent on a le droit à un récit porté sur absurde avec un prisme émotionnel familial. Dans The Phoenician Scheme, on découvre Zsa-zsa Korda (Benicio Del Toro) un businessman qui fait trembler les marchés et réputé au cœur de pierre. Néanmoins, il a un problème : il passe son temps à subir des tentatives d’assassinat, ce qui commence à lui faire poser des questions sur l’héritage qu’il va laisser et à qui. Sur ses dix enfants, ll choisit donc son unique fille (Mia Threapleton) pour hériter de ses affaires avant de l’embarquer dans une aventure existentielle et loufoque, le fameux « Phoenician scheme » du titre.

Petit bonbon de cinéma
Il y a un phénomène indéniable avec les productions du cinéaste : il est difficile de ne pas prendre du plaisir devant. Son humour absurde avec des personnages hauts en couleur, qui sont interprétés par le gratin d’Hollywood (Bill Murray, Scarlett Johansson, Tom Hanks, Benedict Cumberbatch et on en passe), se révèle encore une fois charmant. Quelle joie de découvrir Del Toro dans un rôle avec un tel bagou, de savourer la première apparition dans le cinéma « andersonien » d’un Michael Cera hilarant en spécialiste des insectes et d’une Mia Threapleton magique dans son rôle de la fille nonne aux allures du Narcisse noir ou de Dieul seul le sait.

Et puis, comment ne pas écrire sur la légendaire mise en scène de Wes Anderson ? C’est encore une fois un délice de tous les instants face à la panoplie créative déployée dans la composition de plans raffinés et originaux. Indéniablement, il y a un amour pour la fabrication filmique : Anderson et son équipe sont en perpétuelle recherches esthétiques et narratives, piochant leurs inspirations de droite à gauche, de la peinture au cinéma. L’ensemble est d’une homogénéité sans faille et certains plans nous restent en mémoire longtemps après la séance comme celui du générique d’ouverture qui condense à lui tout seul le style « andersonien » : sa précision, sa créativité, sa beauté.
Mise à distance non volontaire du spectateur
Le seul souci inhérent au style de Wes Anderson – et cela compte pour toutes ses dernières œuvres, pas seulement pour The Phoenician Scheme – c’est qu’il perd la connexion émotionnelle avec le spectateur. Ses plans sont tellement sophistiqués, ses histoires si abstraites, que malgré un raccord avec quelque chose de tangible et sensible comme cette histoire touchante de relation père/fille, on reste en dehors de l’émotion brute. Il va si loin dans le cinéma de genre stylisé qu’il peine à faire ressortir des émotions réelles. Le désintérêt n’est pas pour autant total, mais malgré notre envie de nous impliquer plus dans le récit, on reste à la surface.

De ce fait, il faut admettre que tous les clichés que l’on connait sur le style visuel et narratif du cinéaste sont encore une fois présents de The Phoenician Scheme. Pour le spectateur qui apprécie la patte du bonhomme, le film est un délice qui se savoure comme une bonne pâtisserie, mais pour les autres… Passez votre chemin. Néanmoins, à notre sens, cela reste l’un de ses meilleurs derniers films, car malgré les tics de langage cinématographique, le long-métrage possède un scénario assez astucieux avec différentes couches de lecture.
Le cinéaste reste donc au sommet de son art, mais il serait temps qu’il évolue un peu… voir beaucoup, à la folie ? En tout cas, lors de la conférence de presse avec Festival de Cannes, Wes Anderson a annoncé que son prochain film serait plus sombre et différent. Que sera, sera, mais on est intrigué !
The Phoenician Scheme sort au cinéma le 28 mai 2025. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes ici.
Avis
Les années passent et se ressemblent avec Wes Anderson. La dernière friandise du cinéaste, The Phoenician Scheme, a tous les attraits et les défauts de ses dernières productions. Néanmoins, on ne gâche pas notre bonheur face à tant de générosités visuelles et narratives, avec cet humour toujours aussi impeccable et ce casting où on retrouve la moitié des comédiens d'Hollywood dans des rôles bourrés d'auto-dérision. Plaisir coupable !