En 1967, Ken Loach signait son premier film pour le cinéma, Poor Cow. Aujourd’hui, 56 ans plus tard, il présente ce qui semblerait être sa dernière création. The Old Oak (Le Vieux Chêne en français) renvoie à tout ce qui fait la beauté du cinéma de son réalisateur. Un récit philanthrope où il dévoile son amour pour l’humanité.
The Old Oak nous amène à la rencontre de la population d’un vieux village perdu au Nord de l’Angleterre, confrontée à l’arrivée subite de réfugiés syriens. Anciennement porté par l’industrie des mines de charbon, ce lieu-dit tombe aux mains de la pauvreté. Une jeunesse désespérée et affamée y côtoie des familles qui peinent à vivre et des hommes qui trouvent leur unique réconfort dans le seul lieu collectif du village, le Pub. The Old Oak devient ainsi le bar où tout est dit, où les rumeurs tombent, où les âmes s’égarent et se rassemblent.
Photographier la vie
Photographier le réel, Ken Loach s’y attèle depuis ses débuts. Il est un réalisateur de la vie quotidienne qui filme au plus près les populations précaires et rurales. Comme un hommage à sa propre œuvre, le personnage de Yara (Ebla Mari) transmet ce désir de capter le monde tel qu’il est. Elle fait de la photographie son moyen de résistance et c’est grâce à ce regard protecteur qu’elle survit. Elle conserve les traces d’un peuple au temps de la guerre, de ces terres qu’elle a du fuir avec d’autres familles, espérant trouver en Angleterre un havre de paix.
Ces photographies ponctuent l’ensemble du film, comme un rappel irrémédiable du passé. Aux photos de Yara se joignent celles retraçant l’histoire du village. Le récit en images d’une bataille qui a touché un pays entier : la grève nationale des mineurs de 1984-1985 contre la fermeture de mines de charbon, réprimée sans concession par Margaret Thatcher. C’est sur ce fond de lutte que se construit le film. Comme réponse, Ken Loach met en avant une vision communautaire. S’unir pour mieux survivre, pallier la misère en mangeant ensemble autour d’un même repas.
Une tendresse infinie
Ken Loach dresse le portrait d’un homme abîmé par la vie et enseveli sous une solitude immense, TJ Ballantine (Dave Turner). Patron du pub The Old Oak, il est à l’image de cet arbre centenaire : sa vie est ballotée par les coups durs mais il continue malgré tout à avancer. A cette volonté d’aller de l’avant se joint une nostalgie du temps révolu. Ce regard se retrouve dans les discussions de comptoir entre habitués. Chacun revient sur son histoire, telle une douce comptine qu’on se remémore. Et s’il était possible de se ressouder ?
Le lien que tissent M. Ballantine et Yara est profond et cela malgré le fait que tout semble les opposer. Finalement, quand on s’y penche de plus près, on se rend compte que leurs histoires se complètent. Elles entrent en écho, soudées par une même passion : la photographie. Tous deux se comprennent et ne se jugent pas, se soutiennent dans les moments de deuil, sans un mot, juste en étant présents. Cependant, cette bienveillance n’est pas partagée par tous et une fracture se crée. L’arrivée de ces populations migrantes est pour certains un moyen de nourrir le rejet de l’autre et le racisme. Ils ont trouvé le bouc émissaire parfait.
Un rejet de l’autre
The Old Oak prend appui sur une thématique polémique actuelle : le rejet de l’autre, et plus particulièrement des réfugiés politiques. Ken Loach l’aborde de manière détournée, en se penchant sur la vie d’une petite communauté pauvre. Le racisme est vu à travers le regard malveillant des anciens du village, qui se confortent dans l’idée que leurs malheurs quotidiens sont accrus par ces arrivants, en rejetant le poids de leur misère sur leur dos. Pourtant, Ken Loach ne s’arrête pas à cette question raciale et s’en empare pour la détourner. Il se penche sur le cœur de la vie, sur ce qui nous unit.
Si Ken Loach traite de thématiques sociales dures, il choisit d’opter pour un regard attendrissant et doux. Il dresse ainsi un film optimiste qui fait de l’empathie son moteur central, le moyen de pacifier une situation conflictuelle. La volonté et la joie de vivre de Yara est communicative et accroît cet apaisement. The Old Oak fait du bien.
The Old Oak sort en salle le 25 octobre 2023.
Avis
Ken Loach sort de sa lignée des films sombres en proposant un récit optimiste qui met en avant la force de la communauté et du lien social. Une histoire d'une grande douceur qui apaise les esprits et devant laquelle on se sent détendu. The Old Oak nous fait traverser différentes émotions intensément, mais toujours avec beaucoup de délicatesse.