En ces temps de pénurie cinématographique, et à l’heure où les cinémas sont fermés, difficile de trouver quoi que ce soit pour égayer notre humeur. Mais c’est évidemment sans compter Sylvie’s Love, une histoire d’amour portée par Tessa Thompson et Nnamdi Asomugha ! Produite par Amazon Studios, ce film d’Eugene Ashe est une belle surprise au soin indéniable, capable de réchauffer nos cœurs !
Sylvie’s Love conte l’histoire de Sylvie Parker et Robert Halloway, à la fin des 50’s. La première est issue d’une bonne famille, et travaille en tant que disquaire dans la boutique de son père. Passionnée de télévision, elle rêve en secret de devenir productrice dans ce milieu émergent. C’est à ce moment qu’elle fera la rencontre fortuite de Robert, un élégant saxophoniste débarquant à New York avec son groupe de jazz, dans l’espoir de se faire un nom dans le milieu musical.
Ce sera évidemment le début d’une attirance réciproque, qui se transformera en romance passionnée. Mais comme toute histoire de ce type, Sylvie’s Love introduit des éléments perturbateurs pour contrecarrer cet amour fusionnel. S’ensuivra une ellipse de 5 ans, au terme de laquelle le chemin des deux ex-amants se recroisera. Dans sa structure, le film parait donc familier, mais le réalisateur Eugene Ashe se sert d’un schéma connu pour en décupler la force évocatrice et universelle !
En effet, le film se passe majoritairement à Harlem dans les années 50-60, avec un casting quasi exclusivement afro-américain. On serait tenté de se dire que cette entreprise sera une aubaine pour y dénoncer les inégalités raciales de l’époque. Que nenni, Sylvie’s Love ancre certes ces personnages dans un contexte d’époque réaliste (les femmes noires n’avaient pas accès à des postes hauts placés) mais se concentre à 100% sur l’histoire de ses 2 protagonistes.
En s’inspirant d’autres films du genre comme Sur la route de Madison ou Nos plus belles années, Eugene Ashe livre donc une romance « à l’ancienne ». Pleine d’optimisme, l’intrigue se veut donc familière plutôt qu’inédite, mais là est la clé : Sylvie’s Love est moderne de par le fait d’allouer de l’espace à des individus non représentés dans le cinéma Hollywoodien d’antan. Et c’est dans ce mariage entre traditionalité et modernisme que le film trouve sa voix, en particulier au moyen d’une fabrication exemplaire.
Sylvie’s Beauty
De son tout premier plan jusqu’au dernier, le constat est le même : Sylvie’s Love est beau ! La photographie y est somptueuse, parvenant à reproduire le grain caractéristique des pellicules 16 mm d’époque. Un plaisir pour les yeux de chaque instant, pour une image organique renforçant la sensualité charnelle de quelques scènes-clés. On retiendra par ailleurs les décors de bars lounge renvoyant pas mal au Mo Better Blues de Spike Lee, et même quelques séquences aux lumières chaudes évoquant le sublime In the Mood for Love de Wong Kar-wai (on retrouve même la fameuse musique « Quizas » de cette dernière, dans une scène impliquant Eva Longoria).
Une comparaison à faire toute proportion gardée, mais non moins sensée de par la pureté d’intention du film. Que ce soit dans le tempo, l’importance du silence, des jeux de regard et l’attention au toucher, le réalisateur arrive à dépeindre une romance construite qui ne verse jamais dans le pathos, le cucul-la-praline ou l’eau de rose. Le tout se suit avec un plaisir, et le spectateur ne peut qu’avoir de l’empathie pour cet amour contrarié entre 2 êtres de milieux sociaux différents. Cette adhésion se fait très majoritairement par l’interprétation des 2 acteurs centraux.
Nanmdi Asomugha (mari à la ville de Kerry Washington pour les curieux) avait déjà été remarqué pour son rôle dans Crown Heights, mais trouve ici son meilleur rôle. Suave et véritable jazzman, Robert est incarné tout en retenue. Loin de la figure du séducteur invétéré et infaillible, on tient ici une interprétation accordant une place à la vulnérabilité du personnage. Un atout de charme, qui n’est pas sans rappeler Ryan Gosling dans La La Land pour ce qui est de l’importance de la passion (musicale ou amoureuse) dans ses choix de vie.
Tessa Tompson (Creed, Thor Ragnarok, Westworld) quand à elle illumine encore une fois l’écran de son charisme. Que ce soit dans son apparence (tout fan de garde-robe d’époque sera aux anges) ou son acting, Tessa incarne une femme qui n’est pas un faire-valoir romantique prête à minauder face aux beaux yeux du héros. Au contraire, Sylvie est le personnage le plus fouillé du film. Le « Love » du titre pourra d’ailleurs aussi bien décrire sa relation avec Robert, que l’objet de convoitise du récit par les hommes de sa vie ou sa passion télévisuelle.
Un drame romantique réussi tout simplement
Outre son casting, ce qui démarque réellement Sylvie’s Love est dans la peinture de femme qu’il dresse : à l’inverse des figures féminines d’époque cantonnées à rester au foyer, Sylvie s’épanouit autrement que dans l’amour qu’on lui porte. Une émancipation professionnelle moderne qui ne trahit jamais le contexte du film, et se révèle aussi importante dans l’arc narratif de Sylvie que sa relation avec Robert.
Au final, si l’on n’est jamais réellement surpris par la structure narrative du film, Sylvie’s Love transpire la passion dans chacun de ses domaines. Soigné dans sa réalisation, parfois même somptueux via une photographie travaillée, on tient là un vrai film romantique à l’ancienne qui ne sent pas la naphtaline. Touchant, sensuel et avec un duo principal dont l’alchimie transparait à chaque seconde, c’est une des belles surprises de cette fin d’année !