L’équipe du magnifique The Place Beyond the Pines revient en grande pompe avec leur nouveau film Sound of Metal, distribué en France par Tandem et porté par Riz Ahmed. Un drame intimiste mais malheureusement assez mineur.
Le concept d’un joueur de métal perdant son ouïe à cause de son art et qui doit apprendre à vivre avec son handicap promettait un drame poignant, surtout au vu de l’équipe créative à la barre : Darius Marder, scénariste de The Place Beyond The Pines à sa première réalisation accompagné à la production de Derek Cianfrance, réalisateur de ce dernier. Notre déception ne peut être alors cachée, cela malgré que le film soit tout à fait honnête et convenable.
En effet, rien dans la mise en scène et la réalisation ne dénote. La caméra se veut au plus près des personnages avec un aspect réaliste et la gestion du son est évidemment assez intéressante dans un film sur la surdité. Mais si rien ne trahit la mise en œuvre de ce métrage, rien ne la sublime pour autant.
Aucune scène ne marque réellement par la puissance de sa mise en scène ou de sa technique, le style quasi-documentaire ne nous permettant pas de nous mettre esthétiquement grand chose sous le dent. La lumière est constamment naturelle et la réalisation reste froide, rigide avec des cadres pas spécialement composés et une caméra épaule qui cherche rarement au-delà du simple champ contre champ.
Sound of Metal, un film trop minimaliste
Une intention technique simpliste qui aurait pu être rattrapé par une puissance dramatique élevée mais qui au final reste tout aussi mineur. L’histoire pouvait donner l’occasion de voir un artiste, se retrouver du jour au lendemain dans l’incapacité d’exercer son art et toutes les conséquences que cela pouvaient avoir sur sa vie qui ne trouvait du sens que dans sa musique. Mais ce n’est jamais le cas, l’élément perturbateur arrivant bien trop tôt dans la narration, nous ne sommes pas totalement impliqués dans la perte d’audition du personnage principal. Nous ne ressentons pas ce à quoi cela correspond pour lui.
La ligne directrice sera alors la quête de sérénité à travers l’acceptation de soi et de sa condition. Un canevas certes universel mais au final des plus classiques. On suit le protagoniste Ruben incarné par un encore très bon Riz Ahmed, qui apprend à vivre sa surdité au sein d’une communauté de malentendants. Alors que l’on commence à s’attacher aux personnages secondaires et à leur bienveillance manifeste, Ruben, encore plus endetté qu’auparavant, se retrouve évincé par ces derniers car il opte pour un implant auditif, allant à l’encontre des idées de cette communauté.
Alors que l’on veut de manière évidente nous vendre ce choix comme une erreur fatale du personnage et un obstacle, on ne peut s’empêcher de se dire que l’on aurait probablement fait comme lui pour récupérer partiellement le sens perdu. Ses camarades à la base bienveillants opèrent un virage comportemental à 180 degrés, les rendant presque antipathiques dans leur décision d’abandonner Ruben. Évidemment cela est écrit pour concorder avec le parcours initiatique et la morale du film. Mais ce retournement est amené de manière tellement poussive que l’on ne peut s’empêcher d’aller dans le sens du protagoniste et son désir de retrouver son ouïe et par extension son art.
A tel point que lorsque le film se conclue sur l’acceptation de son handicap et son rejet de l’implant, nous nous questionnons réellement sur le réalisme de la situation en nous posant la question suivante : est-ce que si une personne malentendante avait le moyen de retrouver partiellement son ouïe, le refuserait-elle ? N’étant pas dans cette situation, nous nous avancerons pas sur une réponse formelle, mais d’un point de vue cinématographique, la morale paraît nous manquer de nuance et d’humanité, dans toutes les imperfections qu’elle entraîne.
Une représentation sincère et touchante de la surdité
Par ailleurs, en termes de dramaturgie, l’histoire reste au final assez maigre en moments forts et rebondissements, le seul véritable obstacle étant celui précédemment cité et la fin avec Olivia Cooke, le tout misant sur une approche minimaliste et intimiste. En résulte évidemment un récit peu poignant. Mais là où il perd en puissance, il gagne en sincérité. En effet, nous assistons à l’apprentissage de Ruben à la langue des signes et en tant que spectateur nous découvrons ce que cela signifie que de devenir malentendant.
Ici réside toute la qualité du récit, dans sa représentation réaliste de cet handicap, en lui apportant une vraie visibilité. L’honnêteté de la transposition de la surdité à l’écran -avec des seconds rôles vraiment malentendants (ou qui connaissent le milieu) ou bien avec un Riz Ahmed qui use de bouchons d’oreilles spéciaux pour expérimenter l’absence d’audition tout en apprenant pendant six mois la langue des signes- nous fait ressentir une sincérité touchante dans la démarche. Nous sommes alors bien plus captivés par ce que nous apprend le film sur la surdité que par ses mécaniques narratives ou cinématographiques.
Sound of Metal marque alors bien plus pour la représentation sincère de l’handicap et la communauté malentendante qu’il dresse que par sa production purement cinématographique, qui malgré une conception pas déconnante s’avère assez maigre en proposition de 7ème art.