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Accueil - Critique Smoke Sauna Sisterhood : dans la fumée de l’intimité
Critique Smoke Sauna Sisterhood : dans la fumée de l’intimité
© Ants Tammik/Alexandra Film
Cinéma

Critique Smoke Sauna Sisterhood : dans la fumée de l’intimité

Lucine Bastard-Rosset Lucine Bastard-Rosset18 mars 2024Aucun commentaireIl vous reste 4 minutes à lireUpdated:18 mars 2024
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Sélectionné dans une cinquantaine de festivals et auréolé d’une vingtaine de prix dont celui du meilleur documentaire du Sundance Film Festival en 2023, Anna Hints signe un documentaire bouleversant qui donne la parole aux femmes : Smoke Sauna Sisterhood.

Il existe en Võromaa en Estonie des “smoke sauna”, des saunas à fumée ancrés dans les traditions de la communauté võro. Anna Hints s’est tournée vers ces espaces où des femmes se recueillent ensemble et partagent ce qu’elles taisent ailleurs. Elle y déploie une regard singulier porté par des images d’une grande délicatesse. Un cocon que capte la réalisatrice à travers son documentaire Smoke Sauna Sisterhood. 

© Ants Tammik – Alexandra Film

Il aura fallu 7 ans à Anna Hints pour réaliser Smoke Sauna Sisterhood et récolter des scènes d’une infinie tendresse. Dans ce smoke sauna perdu en plein cœur d’une forêt se livrent des femmes. Elles parlent de leur vie, de leurs expériences, des traumatismes qu’elles ont traversés. Dans cette cabane fermée enveloppée de fumée, la pensée se libère des barreaux que nous érigeons pour nous protéger et nous dissimuler au reste du monde. Une proximité transmise par une caméra qui se place au plus près des corps et de leur intimité.  

Dans l’intimité des corps

Les plans filmés en caméra portée sont étrangement proches de la peinture et de la photographie. Les images parlent d’elles-mêmes, elles respirent à travers cette fumée qui tourbillonne dans l’air. L’abstraction est parfois totale, il suffit de se laisser porter par ces volutes vaporeuses qui emplissent l’écran et fusionnent avec la musique. Les chants traditionnels vibrent d’une énergie méditative, on se détend en compagnie de ces femmes. 

© Ants Tammik – Alexandra Film

Et puis les corps se dévoilent dans un clair obscur qui rappelle le peintre Caravage. Des femmes nues filmées en gros plan. On aperçoit une jambe, un sein, un buste, un visage, sans qu’il n’y ait aucune sexualisation des corps qui se révèlent à nous tels qu’ils sont. Anna Hints précise qu’il était très important pour elle “de filmer la nudité, les corps de femmes sans regard masculin, sans sexualiser ni objectiver les corps”. Une intention qu’elle parvient parfaitement à retranscrire. 

© Ants Tammik – Alexandra Film

Durant les 88 minutes du film, seuls quelques visages sont montrés. On devine dans ce choix la volonté de certaines femmes de ne pas donner leur identité. Un moyen pour elles de parler sans avoir peur d’être reconnues. Par moments, on ne parvient même plus à identifier une voix, mais cet anonymat n’est pas dérangeant. Au contraire, on se dit que chacune de nous pourrait être à leur place, une sorte de confession entre personnes de confiance. 

Dans l’intimité des paroles

De cette intimité des corps découle l’intimité des paroles. D’un seul coup, elles s’ouvrent à nous et on boit leurs pensées. Plus question de cacher qui l’on est, ce que l’on pense et ressent. Le sauna ouvre les vannes et on laisse sortir ce qu’on garde à l’intérieur, enfermé au plus profond de soi. Le plus beau, c’est qu’elles s’écoutent entre elles. Lorsqu’une femme raconte un souvenir, son récit sera entendu jusqu’au bout. Parfois il entrainera des réactions, parfois un silence le plus total. 

© Ants Tammik – Alexandra Film

Ces femmes abordent des sujets qui nous touchent toutes, on accueille ces mots et parfois ils nous font mal. Parce qu’on se reconnait, qu’on y entrevoit une amie,… Elles parlent de la mort, de la pression sociale qu’on leur inflige, du cancer, de l’amour que porte une mère à son enfant, des règles, des violences conjugales, du viol. Des thématiques considérées comme taboues, que l’on croit peu représentatives mais qui sont au contraire bien trop présentes autour de nous. 

“J’ai tristement remarqué durant le tournage que lorsqu’on va au sauna avec des femmes, toutes racontent avoir subi du harcèlement ou des agressions. Cela m’a effectivement surprise de constater que ces histoires sont banales, les femmes maltraitées par le patriarcat, c’est universel !”

Anna Hints
© Ants Tammik – Alexandra Film

Smoke Saune Sisterhood est un documentaire sur la féminité, sur ce que ça entraine d’être femme dans notre société. Un regard intime porté par une femme sur d’autres femmes. Une œuvre résolument sublime qui s’insinue en nous.

Smoke Sauna Sisterhood d’Anna Hints sortira au cinéma le 20 mars 2024.

Avis

8.5 Intime

Avec Smoke Sauna Sisterhood, Anna Hints livre un documentaire d'une grande douceur. En filmant dans une grande intimité un groupe de femmes qui se retrouvent dans un sauna en Estonie, elle présente des images bouleversantes de sincérité. Une oreille tendue vers des paroles libérées.

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