Silent Night aurait dû tout avoir du film évènement pour tout cinéphage amateur d’action : c’est le retour de John Woo ! En effet, réalisateur ayant fait la gloire du cinéma hongkongais dans les années 80-90 revient aux USA pour un concept alléchant : un revenge movie muet ! Malheureusement, le résultat vire à l’inquiétante douche froide, dans ce qui pourrait s’apparenter à la mort d’un cinéaste.
Les 20 dernières années auront été compliquées pour John Woo, réalisateur émérite d’Une Balle dans la tête, Hardboiled ou bien The Killer. Une figure de proue du cinéma HK des 80’s-90’s, qui comme Tsui Hark, ce sera heurté à la machinerie Hollywoodienne dans des films à la qualité variable (Hard Target, Broken Arrow, Paycheck ou bien Mission Impossible 2). Seul le désormais culte Volte/Face semble avoir passé le cap des années.
Pourtant, même en revenant dans son fief d’origine, la magie n’opérait plus, en témoigne son pas terrible Manhunt (tentative aseptisée de renouer avec ses films d’action d’antan). Seuls le formidable dyptique des 3 Royaumes et The Crossing auront su s’imposer comme de belles réussites, au sein de deux décennies d’échecs artistiques.
Noël qui a les boules
C’est donc avec un espoir non-dissimulé que Silent Night était attendu ! Pourtant, ce nouveau métrage signe son retour aux États-Unis, donc la prudence était de mise. Mais ce film d’action a pour lui un concept de base plutôt excitant : nous sommes à la veille de Noël, mais la guerre des gangs fait rage dans les rues. C’est dans ce contexte que le jeune fils de Brian Godlock (Joel Kinnaman) est tué en tant que victime collatérale !
Pire, Brian est également blessé à la gorge et ne peut désormais plus parler. Mais pas de quoi se morfondre, car le bonhomme va fomenter une vengeance musclée au Noël suivant ! Et tout comme le protagoniste, Silent Night est un film entièrement muet ! Une promesse intéressante, pouvant permettre d’expurger ce revenge movie de tout gras narratif pour offrir du hardboiled bien musclé et énervé…eh bah non !
N’y allons pas par quatre chemins, Silent Night est sans nul doute le pire film US de John Woo avec Paycheck, et donc son pire film tout court. La faute à une exécution de son concept qui ne fonctionne tout simplement pas, et un scénario aussi lambda que le remake de Death Wish par Eli Roth. Après sa séquence d’intro relativement efficace posant aisément les enjeux, il faudra attendre la moitié du métrage pour que l’intrigue se lance réellement, et avoir une séquence de pugilat musclé.
Finies les colombes
Et même à cet instant le constat reste relativement terrible, tant le style de John Woo est complètement aux abonnés absents ! La faute peut-être à une production lancée comme une balle via un tournage éclair sans grande préparation. Car si les 3 (oui seulement 3) séquences d’action de Silent Night ne sont pas particulièrement ratées, rien ne se dégage de ces séquences tournées comme du sous-John Wick avec une lisibilité appréciable, mais sans punch ni énergie kinétique.
Pourtant, Joel Kinnaman s’implique comme il peut dans le film, n’émettant aucun mot pour véhiculer la détresse d’un personnage au final plus survolé que touchant, préférant laisser de côté sa femme utilisée comme porte-manteau durant toute l’intrigue. La scène la plus intéressante interviendra lors du climax du métrage, sous la forme d’un plan-séquence au sein d’une cage d’escalier : un passage pas déplaisant, mais sans aspérité, et loin des hauts standards du genre.
Silent Night : nec plus bêta du film d’action
Car il faut également en parler : outre un aspect plutôt anémique en terme d’action, Silent Night se vautre dans les grandes largeurs d’un point de vue dramaturgique pur. En expurgeant son métrage de toute parole, John Woo annihile toute émotion possible, et rend toute progression narrative complètement laborieuse (à contrario du récent Traquée). La faute également à une facture visuelle digne d’un DTV de luxe, à l’imagerie numérique loin du style expressionniste et romantique que l’on pourrait attendre du réalisateur.
Le plus bel exemple étant non pas les scènes curieusement drôles où Brian et sa femme ne communiquent pas par simple volonté d’appliquer le concept du muet, mais dans la non-caractérisation totale des personnages de Kid Cudi et Harold Torres. Le premier campe ainsi un flic se voulant dans la tradition « Woo-esque », mais rattaché de manière artificielle à l’intrigue. Le second incarne le fameux bad guy du métrage, totalement transparent malgré ses tatouages faciaux.
Au final, la BO signée Marco Beltrami (Ford v Ferrari, Logan) est à l’image du style général de Silent Night : générique, anonyme, et oubliable. Un énième sous-John Wick sans âme, réalisé sans passion et sans impact malgré la violence (numérique) affichée. Mais surtout, c’est la sinistre confirmation que John Woo est bel et bien mort… Un triste actioner donc, qui n’use même pas de son contexte de Christmas movie de surcroît !
Silent Night sortira le 29 décembre 2023 sur Prime Video, et en DVD/Blu-ray le 29 février 2024
Avis
Silent Night aurait pu être un actioner sec et resserré, mais demeure au final un mauvais revenge movie sans style et sans âme. Le constat est terrible, tant le style de John Woo est aux abonnés absents, en plus de bazarder un concept appliqué au forceps. Une bien mauvaise façon de conclure cette année donc !