Réalisé par Jay Roach, Scandale (Bombshell en version originale) propose un casting de choix récompensé aux Oscars et aux Golden Globes, partagé entre Nicole Kidman, Charlize Theron et Margot Robbie. L’œuvre qu’on attendait beaucoup en ce début d’année 2020 revient sur l’une des premières affaires de harcèlement sexuel ayant amorcé le mouvement #MeToo.
Peut-être vous souvenez-vous qu’il y a quelques années, la chaîne d’informations américaine Fox News (notre critique de The Loudest Voice) se trouvait au cœur d’une triste histoire. Roger Ailes, son président et fondateur, se voyait accusé par l’une des présentatrices, Gretchen Carlson, de harcèlement sexuel. Survenue quelques temps avant l’affaire Weinstein, celle-ci avait fait couler beaucoup d’encre en raison de son ampleur. En effet, une dizaine de journalistes ont fait plier la chaîne, obtenant le renvoi de son président suite à ces accusations. Cette histoire, qui a notamment posé les premiers jalons du #MeToo, a profondément marqué les esprits aussi parce qu’elle éclatait dans le milieu conservateur et médiatique, où ce fonctionnement demeure particulièrement tabou. Scandale, produit par Bron Studios et Denver and Delilah Productions, s’inspire des récits des vraies personnes concernées.
Un casting outrageusement sexy
Dès les premières images, il apparaît évident que le film ne se déroulera pas dans un milieu classique de la vie de tous les jours. Megyn Kelly, jouée par Charlize Theron, nous présente l’organisation de la chaîne conservatrice Fox News, pour laquelle elle travaille. Poses et tenues suggestives, bienvenue dans l’univers où le visuel prime sur tout. Ce n’est certainement pas le président et fondateur de la société, brillamment interprété par John Lighthow, qui dira le contraire ! Rapidement, la narratrice, robe ultra moulante aux couleurs de la nation, faux cils et chevelure abondants, évoque le système de promotion canapé en vigueur. « C’est un média visuel », ne cesse de répéter son créateur. Une devise qu’il utilise notamment pour examiner de très près l’anatomie des jeunes femmes qu’il promeut à l’antenne.
Le décor est donc vite planté : sur fond de feu d’artifice aux couleurs des Etats-Unis, les nouvelles recrues féminines de cette entreprise se voient recrutées pour leur plastique et reléguées au rang de femmes objets subissant le harcèlement sexuel de leur hiérarchie. Pour peu que l’on s’arrête à cette première lecture, on pourrait presque rétorquer « qu’elles savent qu’elle sont attirantes et que ce milieu fonctionne comme ça ». Sauf qu’au lieu de présenter simplement de pauvres victimes face à un odieux patron, l’œuvre s’emploie petit à petit à nuancer son propos et à mesure que le film avance, gagne en intensité.
Accusations fracassantes et tensions grandissantes
Tout commence lorsque Gretchen Carlson, jouée par Nicole Kidman, dénonce publiquement le harcèlement sexuel dont elle a été victime. Celle-ci clame que, puisqu’elle refuse de céder aux avances de Roger Ailes, ce dernier lui réserve les créneaux télévisuels les moins avantageux et la prive de certaines promotions. Nous sommes en 2016 et il s’agit alors de l’un des premiers scandales de ce type dans ce milieu conservateur (la Fox constituant un des médias supporter de Donald Trump à l’époque) et à échelle nationale. Pendant que les médias la décrédibilisent, justifiant son acte par son renvoi de la chaîne, les journalistes en interne s’interrogent.
Peu à peu, des clans se forment. Megyn Kelly, vedette de la chaîne, demeure mystérieusement silencieuse et une nouvelle recrue, Kayla, interprétée par Margot Robbie, intègre la Fox. Jeune, naïve, très apprêtée, cette dernière se fait rapidement convoquer chez le président mais pas pour parler business.
À mesure que les langues se délient, plusieurs employées dénoncent un harcèlement similaire. Seule Megyn Kelly refuse de s’exprimer car comme elle l’avouera plus tard, malgré le harcèlement qu’elle a effectivement subi, son poste ne lui a pas été retiré.
Le malaise du harcèlement exposé
Au fur et à mesure du film, une vérité s’impose toutefois au spectateur : une fois aspirée dans cette spirale, impossible d’en sortir. La force de Scandale réside notamment dans une scène qui résume tout son propos. Kayla, nouvelle recrue de la chaîne, fervente adoratrice de Fox News et agaçante de naïveté, se retrouve convoquée chez le président. Celui-ci lui demande progressivement de relever sa robe jusqu’à sa taille pour regarder ses jambes et le véritable malaise se fait alors sentir. Face au regard lubrique et à l’attitude parfaitement calme de son interlocuteur, les instants d’hésitation et de terreur de la jeune femme ressortent clairement. Le sol s’effondre sous ses pieds, ses rêves de présentatrice s’arrêtent ici, aux portes de son intimité.
Pas besoin de montrer davantage d’actes sexuels, le sentiment de désarroi du personnage en cet instant précis demeure très justement retranscrit et ne laisse pas indifférent. De la même manière, la description verbale des agissements de Roger Ailes que Kayla fera au téléphone à la fin du film suffit à générer un profond malaise chez ceux qui l’écoutent.
Un scandale justifié
Le thème du harcèlement sexuel reste au cœur de l’actualité et fait bien des émules. Pas assez pris au sérieux pour certains, exagéré selon d’autres, il représente un sujet délicat auquel le réalisateur Jay Roach s’attaque admirablement. Si l’univers très artificiel dans lequel il se déroule peut bloquer certains spectateurs dans leur appréciation, il pose malgré tout les questions essentielles : « était-ce ce que j’ai dit ? Ce que je portais ? Un geste que j’ai eu ? Cette histoire me définit-elle en tant que personne ? Va-t-elle me suivre toute ma vie ? ». Laissant les spectateurs répondre, l’œuvre a le mérite de projeter ces situations et questionnements terribles sur grand écran.
Scandale sortira sur les écrans le 22 janvier 2020.
Léa B.