Panic Room débarquera dans les salles en 2002, après une production assez mouvementée. 5e film de David Fincher, il permettra au réalisateur de renouer avec le succès, après l’échec de Fight Club. Un huis-clos tout en tension qui dynamise le genre du home invasion, porté par un casting de talent !
Après le tournage exigent de Fight Club, David Fincher décide de se tourner vers une expérience plus reposante. Un film de commande, en mode « popcorn movie » pour la Columbia. Il portera donc son dévolu sur Panic Room, script écrit par David Koepp (Jurassic Park, Spider-Man, Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal).
Inspiré par l’essor des « chambres de survie » au début des années 2000, le scénariste souhaite écrire une histoire dans un lieu unique. En effet, le film introduit Meg Altman et sa fille Sarah, emménageant dans une riche demeure de l’Upper West Side à New York. Mais lors de cette première nuit, 3 cambrioleurs vont débarquer pour tenter de trouver 3 millions de dollars laissés par leur précédent propriétaire. Le début d’un huis-clos plein de tension !
Initialement, Nicole Kidman devait tenir le rôle titre de Meg Altman. Tandis que le tournage avait déjà débuté, cette dernière a dû quitté la production 2 semaines plus tard à cause d’une blessure de genou. Jodie Foster la remplace donc, après avoir annulé sa présidence au Festival de Cannes 2001. Désireuse de tourner avec Fincher coûte que coûte (elle devait déjà tenir un rôle dans The Game), inutile de dire qu’elle trouve ici un rôle sur-mesure.
Malheureusement, cette dernière découvrira sa grossesse lors du tournage, obligeant à un stand-by de la production ainsi que des reshoots quelques mois plus tard. Pas de quoi saborder une entreprise qui permettra à Fincher de tourner dans un lieu unique, entièrement construit en studio ! Un excellent boulot designé par Arthur Max (Se7en, Gladiator, American Gangster, Prometheus), qui sera en effet un personnage à part entière du film.
Un modèle d’exploitation de lieu
Fincher comparera Panic Room à Fenêtre sur Cour ou même Maman j’ai raté l’avion dans l’envie d’utiliser une seule unité de lieu durant la quasi-totalité de l’intrigue. En effet, mis à part l’introduction (et le plan final), le film se passe intégralement dans cette grande demeure à 4 étages. Si ce concept n’a rien de de nouveau (jusqu’au récent Don’t Breathe), Fincher l’utilisera à des fins narratives et de mise en scène pour y véhiculer une tension constante.
En séquestrant ses personnages dans la panic room (chambre forte blindée munie de toutes sortes de caméra donnant sur les différentes pièces de la maison), le film joue habilement de la notion de cloisonnement. Pourtant, dès les premières minutes (et un formidable plan séquence), la caméra virevolte dans chaque pièce pour donner toutes les informations dont a besoin le spectateur. Une spatialisation concrètement expliquée et assimilée par le simple pouvoir de l’image, permettant d’obtenir une topographie mentale de chacun des lieux en 3 dimensions !
Un exercice de style au service de l’histoire donc, permettant un rythme sans grand temps mort. Chaque action de Panic Room est ainsi montrée dans l’ordre chronologique avec une réelle immédiateté : cela se traduit par la notion de développer le point de vue de chaque personnage et leurs actions immédiates en temps réel. Ce que l’on pourrait donc perdre en surprise par instants, on le gagne en implication et en tension. Le spectateur a donc accès un point de vue omniscient diablement ludique et terriblement prenant.
En poursuivant les expérimentations visuelles de Fight Club, Fincher passe un cran au-dessus avec Panic Room : via des CGI parfaitement incorporés, la caméra traverse les murs, se loge dans une serrure, court le long d’un tuyau, passe à travers une cafetière ou lorgne au millimètre près d’un mur… Un véritable festin de style toujours au service de la narration, comme l’usage de split-screen par exemple (très De Palma-style). Une recherche d’efficience qui est clairement la grande force du film !
Le piège de la sécurité
Dans Panic Room, la maison est à la fois une prison et une forteresse. En effet, alors que le duo principal se croit à l’abri dans la fameuse pièce blindée, il n’a aucun moyen de contacter l’extérieur. Même la demeure sera isolée afin d’empêcher toute sortie. De plus, un des 3 agresseurs n’est autre qu’un technicien qui installe ce type de panic room. Une idée ingénieuse rajoutant du piment à l’intrigue, et qui alimente le jeu du chat et de la souris ambiant.
Le tout dans un bel emballage visuel des plus travaillés (Fincher style!). Darius Khondji (Se7en, The Lost City of Z, Uncut Gems) était initialement engagé, mais devant des divergences à s’adapter au rythme de la production, il fut remplacé par Conrad W. Hall (fils de Conrad L. Hall, le chef op’ de American Beauty et Les Sentiers de la Perdition). Ayant déjà bossé en 2nde équipe sur les précédents films de Fincher, il connait les exigences du patron : une photographie usant à merveille de l’obscurité et des ombres prononcées, et une lumière globale qui n’est pas sans rappeler les intérieurs de Se7en. C’est encore une fois de toute beauté.
La caméra de Fincher étant un comme un personnage épieur, parlons évidemment des protagonistes de Panic Room. Si leur parcours global n’est pas des plus surprenants ou profonds (en particulier au sein de la filmo de Fincher), ils sont tous immédiatement caractérisés sans bout de gras. Le duo Meg (Jodie Foster) et Sarah (Kristen Stewart dans son premier rôle notable), initialement dans un rapport conflictuel lié au divorce de Meg, fonctionne à merveille de manière complémentaire. Mais c’est surtout du côté des 3 assaillants que les étincelles fusent. Inspirés par le Trésor de la Sierra Madre, Fincher et Koepp utilisent ces personnages diamétralement opposés pour créer du suspense supplémentaire.
Forest Whitaker (Rogue One, La Rage au ventre) tire son épingle du jeu en Burnham, voleur en bleu de travail et aux motivations nobles. Un personnage de malfrat néanmoins, intelligent, doté d’un code d’honneur et absolument pas manichéen. Jared Leto (Blade Runner 2049, Suicide Squad) démontrait ici toute l’étendue de son talent après son apparition dans Fight Club et son rôle dans Requiem for a Dream. « Junior » donc, est un personnage pathétique et hautement détestable, mais bien moins que le dénommé Raoul (Dwight Yoakam). Une ordure méprisable longuement montré masqué, et qui sera le violent électron libre de la bande. Bref, un casting de talent dirigé de main de maître, mais à ce stade il n’y a plus rien d’étonnant.
Maman, j’ai raté mon glucagon
Panic Room est également une leçon dans la manière de gérer son rythme et de varier ses enjeux. Bien qu’il s’agit sans nul doute du film de Fincher le moins profond, ténébreux ou multi-couches dans ses thèmes, le film aborde quand même avec intelligence l’illusion de sécurité. Un thème très en vogue au début du nouveau millénaire, et encore plus après le 11 septembre. L’occasion donc de constamment renverser les situations : panic room non raccordée au téléphone, infiltration de gaz inflammable, mari pris en otage… Peu importe les centimètres de béton, rien ne semble pouvoir nous protéger d’autrui !
De plus, le diabète de Sarah (jamais explicité d’entrée de jeu mais implémenté au fil du récit de manière complètement fluide) sera rajouté comme source d’embûches, afin de trouver sa seringue à l’extérieur. Et si il faut encore aborder un autre point notable : les policiers ne sont pas dépeints comme incompétents, et sont utilisés dans une très bonne séquence de dialogue lors du dernier tiers. De quoi admirablement jongler en rapports de force, tout au long des 1h50 de film !
Enfin, Panic Room marque la dernière collaboration avec Howard Shore (Se7en, le Seigneur des Anneaux) à la BO. Une musique moins marquante il faut bien le dire, mais qui fait bien le job par des envolées atmosphériques très Hermann-esques (« Working Elevator » en est le parfait exemple) ! Une source d’inspiration qui n’est pas sans rappeler La Mort aux Trousses d’Alfred Hitchcock, via notamment une séquence d’intro offrant des panoramas sur les buildings de la ville.
Si Panic Room pèche un tantinet dans une dernière partie plus attendue et dans les clous blockbusteresques (notamment sa fin), inutile de dire qu’il s’agit quand même d’une masterclass de réalisation. En plus d’être un petit succès (plus de 196 millions de dollars pour un budget de 48 millions), c’est aussi un tournant pour le réalisateur, qui abandonnera la pellicule pour le numérique par la suite. D’un simple home invasion grand public, Fincher réussit à créer un thriller sous tension, totalement en phase avec ses thèmes de l’enfermement et la solitude. Un film sous-estimé à l’efficacité redoutable en somme !