Orianie, Opéra-Rock réunit une vingtaine d’artistes amateurs – comédiens et musiciens – sur scène pour un spectacle rythmé mêlant humour et tragédie.
Orianie, Opéra-Rock est un spectacle qui fait du bien, ne serait-ce que pour le plaisir de voir autant d’artistes réunis sur scène avec une si belle énergie. En effet, une dizaine de comédiens et autant de musiciens interprètent cette création librement inspirée de Crime et Châtiment de Dostoïevski.
C’est à l’occasion de deux représentations à la MPAA Saint-Germain de Paris que nous avons découvert cette jeune et talentueuse troupe qui signe ici sa seconde création. Et, en pleine lecture de l’œuvre de Dostoïevski (mieux vaut tard que jamais !), nous ne pouvions pas ne pas être curieux de découvrir cette libre adaptation du célèbre roman russe. Libre et rock’n’roll ! Une belle et ambitieuse performance !
Dostoïevski version rock
En effet, écrit et composé par Vincent Pépin, Orianie puise ses références musicales auprès de Pink Floyd, Toto ou encore Snarky Puppy nous dit-on. Et, on ne peut pas dire le contraire : sur scène, ça envoie ! Dans une pénombre légèrement enfumée, on observe d’abord un défilé silencieux de lampes torches. Les musiciens se mettent en place, les premières notes s’élèvent, le rock s’installe tranquillement…
Dès les premiers instants, l’atmosphère est posée. Les jeux de lumière aux nuances souvent bleutées dévoilent un décor simple mais efficace, fait de pneus, bidons métalliques, portières de voiture et autre vieux canapé tagué. Nous sommes dans les quartiers mal famés d’Orianie, « le dédale » comme ils l’appellent. Ici, on tente péniblement de survivre à la misère, à la famine et au vice. Ici, c’est Aléone, baron du mal, qui règne en maître, toujours suivi de ses sbires.
Du crime au châtiment
Rhodia, jeune étudiant, vit avec Anastasia, toxicomane en proie à un profond désespoir, dans ces quartiers pauvres. Il voit en Aléone un moyen de les sortir de leur misérable condition. Mais, de mauvaises rencontres en mauvais choix, il se trouve mêlé à des complots et enquêtes qui l’enferment progressivement dans la solitude.
Le premier acte s’applique davantage à poser le décor, à installer les relations entre les différents personnages, à mettre en évidence les jeux d’amour et de pouvoir en place, tandis que le deuxième acte se concentre sur le personnage de Rhodia, ses tourments intérieurs. Le rythme est alors sensiblement différent dans cette seconde partie. Les choses se posent, s’éclaircissent, s’approfondissent.
On glisse ainsi du crime au châtiment, et l’on retrouve bien la dualité et l’engrenage psychologique troublants auxquels le Rhodia de Dostoïevski est confronté tandis que, pris au piège de ses propres choix et de ses actes, l’étau se ressert de plus en plus sur lui. C’est à la descente aux enfers intérieure d’un homme que l’on assiste, avec toutefois l’espoir qui demeure à travers la main tendue d’un nouvel amour.
Une partition joliment nuancée
Et puisque nous parlons de Rhodia, il nous faut saluer la performance solide, captivante et juste en tous points de Martin Renwick dans ce rôle. Autre comédien à tirer son épingle du jeu : Clément Pérez, dans le rôle du sans-abri, Marmelade, dont les apparitions – plus ou moins discrètes ! – nous régalent à chaque fois. Ce personnage subtilement clownesque et attendrissant apporte un soupçon d’humour et de légèreté qui pourrait même être un peu plus poussé.
De quoi trancher avec le rôle du charismatique Aléone – redoutablement interprété par Kévin Daron – qui par sa seule présence et son jeu de sourcils insuffle la terreur dès qu’il entre sur scène. Un contraste intéressant que l’on retrouve également dans la musique, teintée de jolies nuances, qui alterne envolées rock – où batterie, guitare, saxo, trompette et basse prennent le pouvoir – et élans parfois plus oniriques – où flûte, harpe, violon, violoncelle et clavier gagnent du terrain.
Une compagnie prometteuse !
Bien qu’ils soient présents sur scène, ce n’est pas aux musiciens que l’on doit les petites fausses notes de ce spectacle. Côté chant, pour commencer, le niveau n’est pas toujours égal, et certaines fragilités se font sentir, surtout dans le premier acte. Fragilités que l’on retrouve dans les quelques pas de danse qui, de fait, n’apportent pas grand chose, ni sur le plan esthétique, ni au niveau de l’histoire.
Enfin, si la musique de Vincent Pépin (que l’on fredonne en quittant la salle !) est clairement l’un des gros atouts de ce spectacle, elle recouvre parfois un peu trop les voix et rend, ça et là, la compréhension des paroles hasardeuse. Rien de trop gênant toutefois, ni d’insurmontable d’ailleurs pour cette troupe qui semble avoir bien des ressources et du talent dans ses rangs !
C’est d’ailleurs pour cela que, malgré ces petits défauts que le temps devrait corriger, cet opéra-rock parvient sans peine à séduire et à réjouir une salle comble. Il n’y a pas de (Splendide) Hasard !