Lumière ! nous livre l’histoire passionnante d’hommes et de femmes qui ont rêvé si fort de l’avenir, qu’ils ont fini par l’inventer.
Nous y voilà ! L’édition 2024 du Festival d’Avignon a démarré, les rues et les théâtres s’emplissent peu à peu d’une douce euphorie. Et quelle meilleure manière d’ouvrir les festivités que par une pièce dont le titre y invite précisément ! Quelle meilleure manière, surtout, de démarrer les festivités que par un coup de cœur…
« Bientôt tout le monde sera éclairé par l’électricité et personne ne saura que tout ça a existé » Thomas Edison
Le spectacle qui va éblouir Avignon
À Avignon, pendant le festival, les bruits courent encore plus vite qu’ailleurs. À la vitesse de la lumière pourrait-on même dire ! Et c’est généralement assez vite que l’on peut deviner, sentir, soupçonner quelles pièces se retrouveront plus souvent que d’autres dans les conversations des files d’attente, dans le si précieux bouche à oreille qui donne son âme au festival. Lesquelles feront l’unanimité, ou presque.
On se souvient évidemment de l’engouement instantané suscité par l’inoubliable Oublie-moi, en 2022. Ou par la merveilleuse Éva Rami dans Va aimer ! en 2023, d’ailleurs récompensée du Molière du meilleur seul.e en scène en mai dernier. Si on vous dit tout cela, c’est parce qu’il se pourrait bien que Lumière ! soit de ceux-là et s’inscrive très rapidement comme l’un des incontournables de cette édition 2024…
La course au progrès… et ses ombres
Nous sommes à New-York, en 1878. Trois couples mènent une course effrénée au progrès. Parmi eux, un certain Thomas Edison est obsédé à l’idée de changer le monde en devenant le maître de l’électricité. Avec ses inventions très bon marché, il s’invite partout dans les foyers. Mais son succès va en inspirer d’autres, au moins aussi déterminés que lui à marquer le monde de leur empreinte. C’est le cas de Georges Westinghouse et de Nikola Tesla. Le premier voit là une opportunité financière qu’il ne peut pas laisser s’échapper, le second est quant à lui le seul à avoir trouvé la solution pour éclairer le monde…
Leurs femmes respectives, loin d’être dans l’ombre, s’imposent par leurs sacrifices, leur soutien. Mais aussi par leur engagement féroce, l’une en faveur de la peine de mort, l’autre contre, sans avoir la moindre idée de là où leur combat va les mener… Tout comme Edison et Westinghouse qui sont à mille lieux d’imaginer de quelle manière leur lumineuse invention va leur échapper pour écrire l’une des pages les plus sombres de l’histoire… Nous pourrions vous en dire plus, certains le feront sans doute. Mais nous vous priverions alors de l’effet le plus brillamment réussi de la pièce avec son final inattendu et bouleversant.
« Le monde n’a pas seulement besoin de progrès. Il a besoin de justice et d’humanité. »
C’est l’histoire d’une invention qui a changé le monde. D’une manière évidente, en ajoutant du confort, du plaisir, du divertissement à notre quotidien. Et d’une manière toute autre, à laquelle on pense beaucoup moins… On s’instruit, on (re)découvre de grands inventeurs, leurs rêves, leurs paradoxes ; on se trouve confronté à la manière dont les choses peuvent nous échapper, aux bonnes idées qui, tombées entre de mauvaise mains, valeurs et convictions, peuvent se changer en véritables armes. Car la lumière peut parfois aveugler au point de nous faire oublier qu’elle implique inévitablement l’ombre. Et, de créer à détruire, il n’y a parfois qu’un peu de courant…
Lumière ! : un petit bijou
Cette pièce de Stéphane Landowski est une vraie réussite. La scénographie de Georges Vauraz, en complicité avec les lumières de Denis Koransky qui vont, viennent, jaillissent, vacillent à travers une multitude d’ampoules disposées dans un immense panneau de bois, est un petit bijou. En effet, elle place la lumière au centre et offre un univers très évocateur et poétique où l’on pourrait presque sentir palpiter les cœurs en proie à la passion, à la peur, à la colère, à l’excitation.
Quant à la distribution, elle est simplement parfaite. On retrouve une partie de la belle équipe de la pièce Le roi des pâquerettes, à savoir Maxence Gaillard, Lauriane Lacaze et Guillaume D’Harcourt. Viennent s’y ajouter le tout aussi convaincant Mathias Marty, et le toujours aussi exceptionnel Ethan Oliel. Ce dernier, Moliérisé pour son rôle dans Le cercle des poètes disparus, habite ici littéralement un Nikola Tesla, ingénieur de génie, sensible et excentrique, dont le français approximatif donne lieu à quelques drôleries tout à fait charmantes ! « Est-ce qu’il n’est pas ? » !
Il y a de la finesse, de la subtilité dans la mise en scène de Maxence Gaillard. Tout comme dans les touches d’humour qui se glissent à travers quelques habiles allusions à notre monde contemporain. Peut-être nous aurait-il simplement manqué un tout petit quelque chose pour que cette belle découverte se change en coup de cœur… jusqu’à ce qu’une révélation finale ne vienne tout éclairer sous un nouveau jour et dévoiler une construction brillante ! Il ne nous manque donc rien, nous sommes bluffés. Et c’est un coup de cœur.
Lumière !, de Stéphane Landowski, mise en scène Maxence Gaillard, avec Lauriane Lacaze, Lou Lefevre, Guillaume d’Harcourt, Maxence Gaillard, Mathias Marty & Ethan Oliel en alternance avec Romain Arnaud-Kneisky, se joue au Théâtre du Girasole, du 2 au 21 juillet 2024 à 15h30 (relâche les lundis).
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Avis
Chacun des six personnages de cette passionnante histoire a un rôle à jouer, une destinée qui nous captive. Et la manière dont leurs parcours, si différents, se rejoignent et s'influencent est fascinante et mise en scène avec brio. Rien n'est anecdotique dans ce récit où l'ombre et la lumière se répondent et se répandent...