Light of my life rejoint l’intime de Casey Affleck, qui après avoir mis en scène la fausse retraite de Joaquin Phoenix, revient en filigrane sur son silence du mouvement #MeToo au détour d’un film post-apocalyptique résolument intimiste.
Casey Affleck, après avoir été accusé d’harcèlement sexuel, est resté très silencieux durant le mouvement #MeToo. Un silence de bonne augure que l’acteur-réalisateur a sûrement préféré transfigurer en long-métrage avec Light of my Life qui poursuit la veine intimiste entamée par I’m Still Here qui mettait en scène sous forme de mockumentaire la fausse retraite de son pote Joaquin Phoenix. Et ce n’est ainsi pas un hasard de voir au générique, même lors de très brèves apparitions pourtant fondamentales, le nom d’Elisabeth Moss, figure de proue d’un cinéma féministe excellant dans les personnages de femmes bafouées reprenant peu à peu le pouvoir, à la tête de la série The Handmaid’s Tale et de The Invisible Man cette année.
Maison mère
Parce que si Light of my Life paraît ainsi être une réponse intime et sincère au mouvement #MeToo, Casey Affleck y prend en ici une posture d’élégante allégeance sur ses erreurs passées au détour d’une déclaration d’amour au féminin. Ainsi le second film de l’acteur-réalisateur se trouve être à des années lumières des Fils de l’Homme évoqué sur son affiche, le film de Casey Affleck mettant dès ses premières minutes à nu ses personnages dans un long dialogue filmé au plus près des visages où la magie d’acteur et de conteur de Casey Affleck est ici confrontée aux limites d’un monde qui n’a plus la place pour de belles histoires mettant en avant l’homme comme sauveur de l’humanité.
Le personnage de père protecteur campé par l’acteur-réalisateur n’a ainsi pas les épaules pour faire face à la si lourde tâche qui lui incombe de protéger et d’élever sa fille qui paraît être l’une des dernières de son espèce après une épidémie ayant éliminé toutes les femmes, Light of my Life lorgnant ainsi plus vers la vision de Steven Spielberg dans La Guerre des Mondes et de son personnage de père américain confronté aux limites de son héroïsme. Sauf qu’ici, nul besoin d’effets de style, d’effets spéciaux et de techniques mouvements de caméra empruntés sur la même voie du film post-apocalyptique par d’impressionnants aînés tels qu’Alfonso Cuarón, Steven Spielberg où encore John Hillcoat avec La Route, évitant ainsi à Light of my Life d’écrasantes et inutiles comparaisons tant le film de Casey Affleck choisit la voie de la modestie et de l’effacement.
Masculin toxique
Light of my Life réussit ainsi avec peu d’artifices à nous dépeindre une relation père-fille sincère où le rôle de sauveur est bien trop grand pour un homme qui ne peut résumer sa mission qu’en de répétitives tâches afin de précipiter l’évasion d’un rôle qu’il n’a malheureusement pas les épaules de porter. Mettant volontiers de côté toute scène d’affrontement et refusant la grandiloquence, les sentences religieuses comme refuge et misant sur ses deux formidables interprètes pour pleinement nous emporter, le second long-métrage de Casey Affleck croque ainsi avec tendresse une quête de pardon et d’allégeance à une cause qui le dépasse et dont l’acteur-réalisateur se fait vibrant défenseur dans un émouvant élan de modestie .
Light of my life réussit ainsi à n’être que le touchant aveu d’un acteur-réalisateur conscient de ses limites et de celles d’un patriarcat toxique pour croquer, derrière la voie d’un film post-apocalyptique, l’échec du héros américain contemporain. Rejoignant la vision de La Guerre des Mondes de Steven Spielberg avec l’intimiste et le féminisme comme seules figures de proue, Light of my life réussit ainsi à toucher pleinement sa cible.