Avec Les Petites Victoires, Mélanie Auffret poursuit son hommage aux héros du quotidien, dans une comédie honnête et bienveillante.
Les Petites Victoires, deuxième long-métrage de Mélanie Auffret, prend ici une fois de plus pour décor sa Bretagne natale, après Roxane. Son premier film mettait ainsi en scène un fermier au bord de la faillite décidant de faire le buzz sur internet pour sauver son exploitation. Des héros régionaux, trop peu représentés au cinéma, dont Les Petites Victoires poursuit l’entreprise, en s’attaquant à celui du maire d’une petite bourgade de 400 habitants. Un rôle parfois réduit au strict minimum, dont le lien durant la pandémie s’est cependant avéré primordial pour nombre de petites et grandes communes.
Après Guillaume de Tonquédec et Léa Drucker, Julia Piaton et Michel Blanc se partagent l’affiche, dans les rôles respectifs d’une maire et enseignante débordée et d’un soixantenaire endeuillé souhaitant apprendre à lire. Illettrisme, petites villes délaissées et broyées par de plus grandes communautés de communes, manque de médecins, et héroïsme du rôle de maire : autant de sujets qui auraient pu alourdir ces Petites Victoires si elles n’étaient pas amenés avec autant de sympathie, de respect, et surtout de générosité. Parce que si Mélanie Auffret n’est pas une grande cinéaste, on décèle pourtant chez elle une vision lorgnant parfois vers le documentaire, ce qui fait la force de son métrage, comme sa plus grande faiblesse.
Les petites villes
Alice (Julia Piaton), est donc débordée. Entre son poste de maire d’une commune de 400 âmes abandonnée, sans commerces ni médecins, et celui d’enseignante alors que son école ne compte pas assez d’élèves pour rester ouverte, Émile Menoux (Michel Blanc), un soixantenaire endeuillé, franchit sa porte pour apprendre à lire. Et malgré la modestie sympathique de l’entreprise, tous ces sujets s’avèrent donc traités avec beaucoup de bienveillance, dans un métrage dont l’énergie communicative s’avère parfaitement portée par une Julie Piaton rayonnante. De notre cher cinéma français et de son versant plus social, la question du dosage reste ainsi primordiale. Des meilleurs exemples, avec les récents Ouistreham et Un autre monde, aux plus fragiles avec Les Cadors, dont Les Petites Victoires conserve la belle modestie en ne surchargeant cependant jamais la barque.
Parce que la vision cinématographique de Mélanie Auffret est certes réduite au minimum, mais pas à rien. La cinéaste sait mettre en scène sans excès et trahison des personnages, scènes et lieux du quotidien, de l’octogénaire sans médecin à la mère de famille au bout du rouleau en passant par le bistrot clandestin local, peuplé de visages bien connus de nos chères campagnes. Tout, dans Les Petites Victoires, respire ainsi l’authenticité, et c’est là sa plus grande qualité, celle d’une cinéaste populaire qui sans images fortes sait cependant instiller une immédiate sympathie. Cependant, c’est lorsqu’elle veut verser dans l’humour que Les Petites Victoires s’essouffle un peu : l’opposition entre la vulgarité d’un sexagénaire et de jeunes enfants paraît ainsi répétée, datant un petit peu trop un film aux sujets pourtant très contemporains.
Les petits héros
Ainsi, si Michel Blanc se révèle bien plus attachant que dans ses derniers métrages où le cinéma n’avait su lui offrir que d’insupportables carricatures (Docteur?, Les Cadors), on comprend pourquoi Mélanie Auffret parvient à s’attirer des acteurs de talent dans ses petites productions lorsqu’on peut admirer le superbe portrait réservé à la non moins talentueuse Julia Piaton. Tout sonne juste dans ce rôle de femme engagée, ayant mis sa vie personnelle à l’arrêt pour le bien commun. Tout cela est ainsi très justement illustré lors d’une scène de doute, où le personnage se contente juste d’admirer quelques secondes la vie de son petit village, et de comprendre instantanément l’importance de son rôle et celui de son sacrifice.
Regardée comme une personne malléable au regard de gens de sa génération, le personnage rejoint ainsi logiquement le faussement ridicule fermier de Roxane, son précédent long-métrage, qui récitait du Cyrano de Bergerac sur les réseaux sociaux autour de ses poules. Parce que malgré ses grosses faiblesses, la véritable promesse des Petites Victoires s’avère complètement réussie : celui de rendre hommage à des héros du quotidien, qui sans le savoir, inspirent et permettent de faire vivre de petites structures étouffées dans un système carnassier qui délaisse l’humain pour le profit et la rentabilité. De grands et beaux sujets, dans un petit film, et si ce n’était pas là, une certes petite, mais belle victoire ?
Les Petites Victoires est actuellement au cinéma.
Avis
Malgré la modestie de son entreprise, d'une vision lorgnant plus volontiers vers le documentaire régional que vers le cinéma, Mélanie Auffret poursuit très justement son hommage aux héros du quotidien. Après le fermier de Roxane, ce portrait de maire des Petites Victoires sonne toujours aussi juste, d'un film souffrant certes de grosses faiblesses mais permettant d'aborder nombre de sujets d'actualité avec bienveillance, justesse et surtout beaucoup de générosité.