L’Empire relève plus d’une compilation lourdingue et fainéante du cinéma de Bruno Dumont plutôt que d’une quelconque tentative de space-opéra.
Avec L’Empire, Bruno Dumont choisit donc la voie du space-opéra pour conter les origines de son héros de La Vie de Jésus, en renouant avec certains personnages et décors de son plus gros succès populaire, la mini-série P‘tit Quinquin. Et malgré l’ambition d’un tel projet, et une distribution plus que mouvementée, ayant notamment vu défiler des noms comme ceux de Virginie Efira, Lily-Rose Depp ou encore Adèle Haenel, le cinéaste ne semble pourtant rien bouleverser de sa petite machinerie, faite d’image naturaliste, d’acteurs amateurs, et du surnaturel émergeant du réel. Pourtant, on en attendait sûrement beaucoup plus au vu de sa bande-annonce, alliant l’univers reconnaissable entre milles autres du réalisateur allié à des effets spéciaux plutôt alléchants dans ce qui s’annonçait être comme une proposition aussi originale qu’inattendue.
Mais voilà, sans jamais tutoyer le pire, l’ennui pointe cependant très vite dans cet Empire, qui ne s’empare finalement de science-fiction que sous-couvert d’un épais ressort comique, tentant vainement de faire oublier un fond quasi-inexistant d’un cinéaste qui se répète dangereusement. Parce que mis à part les mêmes personnages abonnés aux mêmes répliques, et un univers fantastique grossièrement accolé aux paysages de la côte d’Opale, malgré de très beaux effets visuels, le douzième long-métrage de Bruno Dumont ennuie longuement et questionne beaucoup sur l’intérêt à la fois d’une telle démarche et de la présence à la fois d’un tel budget, et d’un tel casting.
Le réveil de la farce
L’Empire raconte donc l’éternel affrontement entre les forces du bien et du mal au cœur d’une petite ville du Nord de la France, opposant Jony (Brandon Vlieghe), protégeant l’enfant d’un empereur démoniaque (qui après une masse noire, prendra finalement les traits de Fabrice Luchini) et Line (Anamaria Vartolomei) et Rudy (Julien Manier), cherchant à tout prix à lui retirer l’enfant. Et puis, c’est à peu près tout. Deux apparitions (inutiles) de son duo adoré de policiers du petit écran, deux grands acteurs (Camille Cottin et Fabrice Luchini) déblatérant des tirades incompréhensibles sur le bien, le mal, et les humains, et (on le redit) de très beaux effets visuels, pour un projet qui semblait uniquement compter sur son côté space-opéra pour tenter de proposer quelque chose de neuf.
Parce que ce qui semble vraiment intéresser Bruno Dumont, bien au-delà des récits mythologiques et d’une éventuelle ambition formelle, ce sont les scènes d’ébats filmées au drone entre ses interprètes, véritables cœurs d’une intrigue qui ne s’envole jamais vraiment, patinant inutilement et inexplicablement autour d’un enfant que l’on pourrait enlever pour faire régner le bien dans la galaxie, résumé à deux scènes tout bonnement ridicules. Les sabres-lasers ne servent à rien, tout comme ces magnifiques vaisseaux-cathédrales, à part à habiller un récit vide en tout point, qui semble uniquement compter sur la farce et jamais sur la force que la science-fiction pourrait lui insuffler.
Bruno Duvide
À l’image d’un Quentin Dupieux ne traitant jamais de Salvador Dali qu’en répétant ad-nauseam sa machinerie absurde tournant rapidement à vide, Bruno Dumont ne va jamais jusqu’au bout de son récit galactique qu’en s’en débarrassant tout bonnement et simplement, telle une plaisanterie grossière sortie de la bouche d’un enfant. Puisque dans L’Empire, tout relève finalement de la blague, de la parodie et du pastiche appuyé d’un cinéaste qui n’a finalement rien trouvé de mieux que d’évoquer le space-opéra pour tenter de dissimuler une absence totale d’idées scénaristiques, malgré sa direction artistique inexplicablement soignée, portée par une galerie de personnages cantonnée soit à ne répéter des répliques où des postures absurdes dans des décors naturels, l’ensemble, après avoir ennuyé, finit par irriter.
Comme si finalement l’originalité était devenue l’excuse facile pour pallier à une évidente et finalement cruelle flemmardise, et d’un caprice qui aurait très bien pu ne jamais dépasser le stade de l’idée, ici transfiguré en projet à 7 millions d’euros. On ressort ainsi presque interloqué non pas par la fausse originalité, et le côté finalement jamais drolatique de L’Empire mais par cette réelle et sérieuse impression de vide qui nous aura accompagnée durant près de deux heures, et ne se clôt tragiquement pas après avoir quitté la salle. De l’impression d’un délire qui n’a jamais eu lieu qu’au moment où des producteurs ont pris au sérieux un tel projet et attribué des acteurs et un budget à un cinéaste qui n’en méritait peut-être pas tant.
L’Empire est actuellement en salles.
Avis
L'Empire ne se sert du space-opéra que comme d'une blague, unique d'intérêt d'un récit inexistant s'étirant sur près de deux heures. Jamais amusant, toujours ennuyant, le seul délire du douzième long-métrage relève peut-être de son existence, qui aurait très bien pu rester au stade de la simple blague.