Le Comte de Monte-Cristo confirme le règne de Pierre Niney sur le cinéma français, dans une adaptation solide mais manquant cruellement d’identité.
Le Comte de Monte-Cristo est un projet que nous redoutions. Il faut dire que le diptyque consacré aux Trois Mousquetaires scénarisé par ses deux réalisateurs, Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, avait été une belle douche froide, tant au niveau de l’écriture que de la mise en scène d’un Martin Bourboulon jamais à l’aise, à l’image de ses scénaristes, avec l’ambition immense du roman d’Alexandre Dumas, n’en tirant qu’un spectacle bâclé sans aucune fougue. Il était donc presque évident de s’attendre à une troisième déconvenue (nous exemptons Eiffel que nous avions aimé), c’était heureusement sans compter qu’Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, sans avoir gommé certains de leurs pires défauts, semblent néanmoins avoir appris de leurs erreurs.
Parce qu’il faut dire que face aux trois heures du Comte de Monte-Cristo, si nous en ressortons certes lessivés, et toujours assailli par ce sentiment de déception, le spectacle s’avère tenu et l’adaptation efficace. Au cœur de cette néanmoins fragile remontada, un acteur en état de grâce, à qui tout réussit, entouré de belles pointures qui amènent un peu d’âme à une adaptation qui se vautre à peu près toujours sur les mêmes points, mais qui possède une mise en scène beaucoup plus soignée, preuve que le duo de scénaristes s’avère être de bien meilleurs cinéastes.
Le Comte de Niney-Cristo
Pierre Niney est donc Edmond Dantès, jeune marin fraichement nommé capitaine, à qui tout sourit, voguant vers un mariage heureux avec Mercedes Herrera (Anaïs Demoustier), avant qu’il ne soit trahi par un trio machiavélique l’envoyant pour des années de galère, avant son retour vingt années plus tard avec une envie de justice se muant en quête vengeresse. Et si l’histoire, multi-adaptée, ayant fait les grandes heures de la télévision française avec en parangon des adaptations successivement portées par Jacques Weber et Gérard Depardieu, n’a guère changée, Pierre Niney convainc rapidement malgré son jeune âge en homme d’une quarantaine d’années, froid et meurtri, dans un projet pensé à sa gloire, et confirme son talent, depuis Yves Saint-Laurent, à rehausser des productions assez sages uniquement par son interprétation.
Autour de lui, il se révèle rapidement un problème d’écriture, avec une préférence franche pour les rôles masculins respectivement tenus par Pierfrancesco Favino, cruellement attachant en une poignée de scènes, Laurent Lafitte et Patrick Mille, jouissifs, et si Anaïs Demoustier s’en sort toujours avec grâce, il en est, à l’instar des Trois Mousquetaires, tout autre pour les personnages féminins. Si l’on oubliera le manque d’aisance de Bastien Bouillon, Julie de Bona et Anamaria Vartolomei composent avec ce qu’elles ont, c’est à dire pas grand chose pour l’une, et un accent ridicule ainsi qu’un personnage écrit à la truelle pour l’autre, pointant un certain manque de modernité dans l’écriture de la part de ses réalisateurs.
Le Comte est rond
Ce n’est malheureusement pas la seule faiblesse de cette adaptation, qui si elle se tient (presque) sans accrocs pendant plus de deux heures, souffre néanmoins d’un manque cruel d’appropriation de la part de ses auteurs. On se demande ainsi quelle est la véritable vision du roman d’Alexandre Dumas par Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, et la véritable ambition des cinéastes, autre que celle de signer un blockbuster populaire, ici dénué de tout autre propos qu’une sage mise à jour dont l’intérêt interroge perpétuellement, surtout lorsqu’il réussit à irrémédiablement manquer son final. Ainsi, si le Comte de Monte-Cristo demeure un rêve d’acteur et de producteurs, il ne l’est jamais ici vraiment, du point de vue totalement absent des cinéastes.
Pourtant, le progrès est à noter, surtout en comparaison des deux précédentes adaptations des Trois Mousquetaires. On retiendra ainsi, comme un rappel au Prénom, le talent d’Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte pour croquer les scènes de repas, avec une séquence de dîner à la fois terrifiante et réellement jouissive. De plus, le budget immense est ici visible, et certains décors et séquences impressionnent de par leur excellente facture technique, enfin justement mise à l’honneur, de la photographie de Nicolas Bolduc, en passant par les costumes de Thierry Delettre, et les notes, qui ont enfin le temps d’exister, de Jérôme Rebotier. Autant de raison d’aller admirer ce grand spectacle populaire qui permettra peut-être de découvrir l’œuvre d’Alexandre Dumas, pour un compte qui tombe ici tout rond.
Le Comte de Monte-Cristo est sorti le 28 juin 2024.
Avis
Le Comte de Monte-Cristo marque un réel pas en terme de qualité par rapport au gâchis total qu'avait été les deux opus des Trois Mousquetaires. Si le duo de scénaristes s'avère ici meilleur en tant que cinéastes, l'intérêt de cette nouvelle adaptation, au-delà de son efficacité et de son véhicule rêvé pour son acteur principal, interroge perpétuellement.