En 1972, des rescapés d’un crash d’avion dans la Cordière des Andes ont dû survivre dans des conditions d’isolement extrêmes, et recourir au cannibalisme face à une mort certaine. Une histoire incroyable contée dans Le Cercle des Neiges, que Juan Antonio Bayona (L’Orphelinat, The Impossible, Quelques minutes après minuit) souhaite mettre en scène de la manière la plus authentique possible dans un tout nouveau film produit par Netflix. Le résultat est non seulement à la hauteur des espérances, mais les dépasse allègrement pour ce qui s’apparente à un des meilleurs survivals de mémoire récente.
Nous sommes le 13 octobre 1972 : le vol Fuerza Aérea 571 au départ de l’Uruguay et à destination du Chili s’écrase au sommet de la Cordière des Andes. Alors que se trouvent à son bord des familles ou bien une équipe de rugby, ce sont pas moins de 17 passagers sur les 45 qui vont mourir lors du crash (ou dans les 24h suivant les blessures). La trentaine de rescapés vont ensuite vivre un terrible enfer : survivre plus de 2 mois dans des conditions extrêmes, sans nourriture, et après que les recherches aient été abandonnées.
D’autres mourront par la suite, au cours d’une histoire terrible qui aura défrayé la chronique, les survivants ayant en effet eu recours à l’anthropophagie (se nourrir des êtres humains décédés), avant que deux rescapés entreprennent un long périple de 10 jours pour tenter de trouver de l’aide. Un fait désormais qualifié de « miracle des Andes », qui avant Le Cercle des Neiges, avait déjà été adapté dans Les Survivants en 1993.
Un récit extrêmement marquant dans tout le monde hispanique et d’Amérique latine, et qui pourtant demeure relativement inconnu du monde occidental dans ces faits autre que le sensationnalisme du cannibalisme. Et malgré un film américain de Frank Marshall qui remaniait un tantinet cet épisode de manière Hollywoodienne, c’est précisément avec la volonté de retranscrire avec une vraie authenticité émotionnelle et viscérale cette survie dans l’enfer des Andes que Juan Antonio Bayona a décidé de réaliser Le Cercle des Neiges.
Le meilleur film de J.A. Bayona
Réalisateur espagnol de grand talent à qui l’on doit une renaissance du cinéma fantastique espagnol (L’Orphelinat), une des plus déchirants métrages sur le deuil de la décennie (Quelques minutes après minuit) ou encore le meilleur opus de la saga Jurassic World. Néanmoins, Bayona ne s’est pas seulement illustré comme un metteur en scène hors-pair du cinéma de genre : The Impossible retraçait déjà un terrible évènement (le tsunami de Sumatra en 2004) via le point de vue d’une famille occidentale.
Il n’est donc pas étonnant de le retrouver sur Le Cercle des Neiges..qui s’installe aisément comme son meilleur film avec A Monster Calls ! Débutant de manière extrêmement succincte pour présenter rapidement les passagers : quelques embrassades à l’aéroport, un regard sur les membres-clés du XV des Old Christians, puis le calvaire débute, proposant 2h20 riche en tension et émotion !
C’est simple, après un travail faramineux de documentation (plus de 60h d’entretiens avec les survivants), Juan Antonio Bayona signe avec Le Cercle des Neiges un des meilleurs survivals de mémoire récente. Toujours centré sur l’humain, le cinéaste déploie là encore une mise en scène impressionnante d’immersion. Du tonitruant crash d’avion jusque dans l’utilisation de courte focale pour mieux représenter l’exiguïté (un des moments de bravoure du métrage est une séquence de post-avalanche montrant tous les personnages prisonniers sous la glace durant 4 jours !), Bayona fait montre d’un arsenal de fabrication toujours au service de son sujet.
Page blanche sur la condition humaine
Et si Le Cercle des Neiges enchaîne les péripéties toutes plus dingues les unes que les autres, il faut régulièrement se pincer pour constater que oui, tout ce qui est dépeint y est véridique. Mais c’est finalement dans son intimité et ses tripes (plutôt que dans le sensationnalisme) que Juan Antonio Bayona parvient à faire de son film une superbe réflexion sur la condition humaine. Dans ses immenses panoramas d’étendue blanches (un paradis maudit coupé du monde), Bayona capte à la fois la détresse de corps parqués en intérieur (jusque dans les détails liés à la cécité engendrée par le froid) et la grandeur d’une nature où nous ne sommes que peu de choses.
Le script se permet également d’aborder sans fard les questionnements moraux et théologiques de l’anthropophagie : alors que les morts s’enchaînent, que les seuls aliments restants sont des cigarettes ou du cuir de siège, avons-nous le droit humain de se servir des corps comme aliment pour survivre ? Une authenticité de chaque instant là encore, tandis que Le Cercle des Neiges (comme son nom l’indique) nous fait découvrir un nouveau fonctionnement sociétal, tel un microcosme de survie où les lois de l’Homme ont besoin d’être remaniées pour entretenir une lueur d’espoir.
On ressort de là à la fois ému, lessivé et admiratif d’une aventure humaine magnifiquement incarnée par un casting hispanique incarnant chaque personnage réel avec une vraie déférence. Le Cercle des Neiges a d’ailleurs la bonne idée de placer le personnage de Numa Turcatti (très bon Enzo Vogrincic Roldán) en protagoniste principal..pour mieux retourner cette notion plus tard !
Le Cercle des Neiges : déjà un incontournable de 2024
La cerise sur le gâteau glacé tient également dans la magnifique BO signée Michael Giacchino (The Batman, Les Indestructibles), émulant avec une certaine maestria emphatique l’édifiant portrait d’âmes en proie à la désolation la plus totale, perdant leur humanité et leur foi, avant de la retrouver ressuscitée. Bref, Bayona signe avec Le Cercle des Neiges un magnifique départ instantané pour 2024, autant qu’un des meilleurs films de l’année.
Le Cercle des Neiges sortira sur Netflix le 4 janvier 2024
avis
Le Cercle des Neiges peut déjà se targuer d'être un des meilleurs films que l'on verra cette année. Juan Antonio Bayona s'illustre encore une fois comme une des meilleurs metteurs en scène actuels,proposant ni plus ni moins qu'un des plus mémorables survivals de mémoire récente, rendant enfin ses lettres de noblesse à une incroyable histoire vraie, où condition humaine et émotion se retrouvent mêlées pour mieux secouer nos tripes. Excellent !