La claque est un roman très actuel qui aborde avec délicatesse le sujet rarement traité des violences faites aux hommes.
La claque est le dernier roman de Nicolas Robin, assez différent de ses précédents. Nous l’avions découvert dans le savoureux ‘Roland est mort’ et avions été séduits par sa plume simple et lumineuse, ses situations burlesques et son humour caustique. C’est au thème assez tabou des violences conjugales faites aux hommes que s’attaque ici cet auteur fort sympathique, au talent de conteur indiscutable.
« La violence est apparue incolore, insidieuse, avant d’éclabousser nos murs. D’abord une remarque désobligeante, ensuite des reproches, puis des gifles distribuées entre mes manquements et mes oublis. Je croyais que ce serait passager, que tu allais redevenir comme avant. Et plus tard, un coup de pied, un cendrier lancé à la figure. Tu me cognes pour canaliser la tempête qui prend toute la place dans ta tête. Parce que c’était plus qu’une claque, Marylène, c’était l’hôpital et des points de suture. Une gueule de mec brisé. »
Un réalisme frappant
C’est dans un roman très descriptif, très ancré dans le réel que nous plongeons dès les premières pages. L’auteur raconte dans ce qu’il a de plus trivial le quotidien de Jean-Michel et de sa femme Marylène, un couple apparemment heureux et professionnellement épanoui. Jusqu’à… cette fameuse claque que l’on n’avait pas vue venir – pour un pull en cachemire rétréci au lavage – et qui nous déstabilise autant que lui.
On observe alors la manière dont la toile de la violence se tisse peu à peu autour de Jean-Michel, de manière presque banale, insidieuse. Une claque, ce n’est d’abord « que » ça. Comme lui, on pense d’abord que ça a du être un dérapage, que ça ne peut pas aller plus loin, on se dit que « ça peut arriver » même si on sait bien que non, ça ne doit pas. Sidération, déni, incompréhension se succèdent tandis que Marylène révèle peu à peu un visage cruel, tyrannique. La claque n’était qu’un début…
Un thème abordé avec délicatesse
Si l’histoire est un peu longue à démarrer, la plume de l’auteur – comme à son habitude – nous embarque dès les premières pages. Une écriture rythmée, moderne, parfois teintée d’un soupçon de naïveté et d’une tendresse qui nous décroche çà et là des sourires et permet de garder une certaine légèreté face à un thème lourd et grave. Nous a seulement manqué un peu de profondeur et de nuances dans les émotions, surtout dans le premier tiers du roman.
Mais dès lors que surgit cette première claque, le récit prend une tout autre dimension et on a du mal à décrocher tant cette violence surprend, dérange, questionne. C’est une rencontre assez improbable qui permettra à Jean-Michel de se confier, de voir la situation sous un angle nouveau et de prendre peu à peu les bonnes décisions pour lui. Sa relation pleine d’amour et de tendresse avec le petit Antonin, le fils de Marylène auquel il est attaché comme s’il s’agissait de son propre fils, ouvre également une fenêtre lumineuse sur ce récit.
« Mon agression n’est pas imputable à une meute de fachos, mais à une simple femme pesant trente kilos de moins que moi. Une adversaire brutale qui rentre dans un jean slim. »
Un drame loin des clichés
Avec ce roman, Nicolas Robin nous met face à nos préjugés. Nul besoin d’être « faible » ni « fragile » pour être victime de violences conjugales ; pas nécessaire d’être imposant et « viril » pour être bourreau ; les mécanismes de la violence sont bien plus sournois que cela. Il éclaire ainsi un pan de la réalité – certes minoritaire mais existant – que la société préfère laisser dans l’ombre, pour se concentrer sur les violences « faites aux femmes« . Il aborde également, en filigrane, le thème de la paternité et interroge subtilement sur la place « sacrée » de la mère.
Le personnage de Jean-Michel raconte le sentiment de honte d’un homme couvert de bleus, parce que ça ne pleure pas un homme, surtout un grand bonhomme rugbyman comme lui ; ça ne prend pas de coups un homme, surtout pas de la part d’une femme… Qui soupçonnerait ça ? On est touché par cet être sensible et attachant, par ce père tendre et protecteur, par ce mari qui refuse de céder à son tour à la violence dont il est lui-même victime. Un roman plein d’intelligence et de sensibilité, qui invite à ouvrir notre regard et notre réflexion.