L’Origine du Monde est le premier long-métrage de Laurent Lafitte, dont la plume mordante et l’humour caustique ne pouvaient trouver meilleur écrin que la pièce de Sébastien Thiéry.
L’Origine du Monde fut tout d’abord une pièce à succès sorti de l’esprit haut en couleurs de Sébastien Thiéry. Auteur prolifique, acclamé et reconnu pour ses prises de positions fortes, le destin au cinéma de ce dernier s’était cependant dernièrement soldé par un cuisant échec, avec le bide critique et public de son Momo avec Christian Clavier et Catherine Frot. Les images du premier film en tant que réalisateur de Laurent Lafitte, figurant dans la sélection du Festival de Cannes 2020, laissaient pourtant présager du meilleur, avec sa mise en scène léchée et son casting quatre étoiles : et le moins que l’on puisse dire, c’est que la surprise est totale, tour à tour hilarante et véritablement réussie.
L’Origine du Monde nous conte ainsi l’histoire de Jean-Louis, un avocat bourgeois ayant perdu le goût de la vie et de son mariage, s’apercevant que son cœur a cessé de battre. Sur le conseil de sa femme et d’une coach de vie, il devra s’acquitter d’une photographie du sexe de sa mère pour espérer pouvoir continuer à vivre…
Huis-clos en liberté
Le premier long-métrage de Laurent Lafitte aurait ainsi pu tomber dans le piège du théâtre filmé en huis clos égratignant la bourgeoisie, écrasé par des modèles aussi intimidants du duo Jaoui-Bacri (Un Air de Famille, Cuisine et dépendances) où du récent Le Prénom du duo Alexandre De la Patellière et Mathieu Delaporte. Pourtant, dès son introduction millimétrée où l’acteur et principal protagoniste sort de son luxueux appartement pour une balade nocturne, l’inventivité et l’efficacité comique bénéficient d’une liberté des plus totale. Parce que L’Origine du Monde, sans trop en montrer dans ses premières et très efficaces bandes annonces, en a véritablement dans le ventre.
Passé la mise en scène soignée, perfectionniste, enfermant dans un écrin doré son personnage principal subtilement accompagnée de la superbe photographie d’Alex Cosnefroy et des subtiles compositions de Gabriel Fauré, la direction d’acteurs atteint ici de petits sommets. C’est ainsi un réel plaisir que de retrouver une Karin Viard survoltée, alignant ainsi les prestations remarquables après le Jalouse des frères Foenkinos et le troublant Chanson Douce de Lucie Borleteau. Si Nicole Garcia est impériale, il est peu dire d’un Vincent Macaigne à contre-emploi, tout bonnement hilarant dans le rôle d’un ennuyeux vétérinaire.
Sans ventre mou
La formule est ainsi scrupuleuse et efficace, ne laissant aucun temps mort jusqu’à un final tout bonnement hilarant, atteignant des sommets de comédie rarement vus ces derniers temps. Comme une relecture de la carrière de mère vacharde d’Hélène Vincent (La vie est un long fleuve tranquille, et surtout Bernie) régurgitée par un sale gosse, L’Origine du Monde offre ainsi un terrain de jeu parfait à ses interprètes, dont l’apparente bourgeoisie étriquée se trouve ici transfigurée dans des airs de cartoon trash et complètement frappé. Parce que L’Origine du Monde se montre beaucoup plus ambitieux et libre, même en huis-clos, que de nombreuses comédies hexagonales sans âmes et produites à la pelle.
Le premier film de Laurent Lafitte paraît ainsi être, malgré ses airs d’enfermement dans le ventre d’une mère, dans une vie trop étriquée, où dans le contexte d’une épidémie sanitaire, un véritable bol d’air frais, aussi salvateur que complètement réjouissant. Si l’on pardonnera volontiers à ce premier essai une conclusion abrupte, c’est au nom de son humour ravageur lâché sans aucune restrictions. Et ça, ça fait du bien.