Kompromat s’empare du sujet brûlant de la violence de la société russe pour mettre en scène un Gilles Lellouche en fuite, injustement accusé. Un thriller bien fade malgré ses belles ambitions.
Kompromat est le quatrième film de l’année porté par Gilles Lellouche. Après des incursions dans le drame historique avec le fade Adieu Monsieur Haffman, le thriller politique sincère mais caricatural Goliath, avant le Fumer fait tousser de Quentin Dupieux et un certain Astérix prévu en début d’année, Kompromat laisser augurer de belles promesses, surtout mis en scène par Jérôme Salle. Rare sont en effet les réalisateurs français à jongler avec aisance dans plusieurs de genres, des thrillers Anthony Zimmer et Zulu aux blockbusters d’action qu’étaient les deux opus de Largo Winch et surtout la biographie du très beau L’Odyssée. Avec le sujet brûlant du système politique russe, d’une histoire inspirée de faits réels et d’une traque haletante, tout était fait pour jouer avec nos nerfs. Et pourtant.
Komproquo
Il y ainsi un fossé entre les trailers nerveux dévoilés avant la sortie de Kompromat et ce qu’est réellement le long-métrage de Jérôme Salle. Loin du film de traque, le film s’égare et s’alourdit en voulant exploser de trop nombreuses pistes. En débutant au cœur de la violence d’un régime au détour d’une incursion très réussie dans une prison russe et d’un système judiciaire pourri jusqu’à la moelle, le scénario de Caryl Férey et de Jérôme Salle n’aura ainsi de cesse de se charger en poncifs pour retirer une à une les belles ambitions de cette traque en pays hostile. De cette histoire vraie tout bonnement saisissante caressant les questionnements intéressants (l’homosexualité, le rejet d’autres modes de vies et de pensées, la religion) , on ne retiendra ainsi et malheureusement que les ficelles grotesques d’un scénario qui fait passer entre leurs filets un Gilles Lellouche n’ayant de cesse de jouer les héros invincibles.
Pourtant, le destin de cet expatrié français comme les autres prend d’abord aux tripes. Incarcéré sans aucune raison dans l’enfer des prisons russes et campé par un Gilles Lellouche très convaincant, la photographie anxiogène du très doué Matias Boucard sert à merveille le récit mené par un Jérôme Salle explorant avec brio le genre du huis-clos. Les scènes en prison, où lorsque le protagoniste se trouve enfermé seul dans une maison transfigurée en prison mentale, sont ainsi les meilleures. Malheureusement, des flashbacks inutilement nombreux viennent parasiter cette introduction saisissante pour mener le récit vers des poncifs, de la crise conjugale au couple russe à l’agonie servant de parabole à tout un régime, aussi au bord de l’implosion, et de terrifiants (mais très bêtes) hommes de mains en chasse, tout s’estompe pour ressembler à un projet finalement très maladroit.
Défaut document
Parce que toutes ces lourdes incartades font finalement patiner un récit qui n’en demandait pas tant. Surtout, toutes s’avèrent finalement inexploitées où inexpliquées lorsqu’elles ne sombrent pas totalement dans le ridicule, avec en parangon une scène d’amour dans une voiture devant la frontière estonienne. On ressent ainsi pourtant clairement dans les intentions de Jérôme Salle une envie de saisir la violence de tout un régime, qui résonne encore aujourd’hui de manière brûlante. Là où le metteur en scène réussissait avec brio à saisir les zones d’ombres de Jacques-Yves Cousteau, et ce sur plusieurs époques et de tout un drame familial magistralement mis en scène dans L’Odyssée, Kompromat paraît sonner comme un véritable aveu de faiblesse d’un réalisateur franchement dépassé par la lourdeur de son sujet.
Il ne reste ainsi de Kompromat qu’une poignée de scènes véritablement haletantes dans un mélange maladroit de bonnes intentions très mal amenées. Si l’on admire toujours la mise en scène de Jérôme Salle et l’on reconnaît ici le talent d’un Gilles Lellouche une fois de plus très convaincant, il ne reste malheureusement de cette promesse de traque adaptée d’une ahurissante histoire vraie à l’actualité brûlante qu’un projet attendu, lorsqu’il ne se prend pas les pieds dans le tapis de ses nombreux et inutiles sous-intrigues, retirant le souffle d’un film qui s’était pourtant promis de nous le couper.
Kompromat est sorti le 7 septembre 2022.
Avis
Kompromat, après une introduction efficace et sans accrocs, s'égare malheureusement dans d'inutiles et maladroites sous-intrigues retirant à la fois la force du propos de Jérôme Salle et toute la belle tension que promettait ce sujet brûlant. Il ne reste ainsi de Kompromat qu'une poignée de scènes véritablement prenantes au milieu d'un défilé de pistes inabouties, évoquées sans être approfondies et véritablement maladroites.