I Care a Lot, c’est Rosamund Pike qui retrouve pour notre plus grand plaisir un rôle à la hauteur de son machiavélique talent. Devant le réalisateur du piteux La 5ème Vague, le plaisir se dégonfle pourtant rapidement.
Depuis son impressionnante prestation dans le Gone Girl de David Fincher, Rosamund Pike avait pris un soin tout particulier à inscrire sa carrière dans un cinéma indépendant riche de nouvelles propositions pour sa carrière, en s’écartant volontiers de sa marquante prestation à la fois diabolique et glaçante qui aurait pu la cantonner au seul et même rôle. Après avoir campé Marie Curie dans le Radioactive de Marjane Satrapi, l’actrice britannique renoue pourtant avec la prestation qui lui a permise d’enfin paraître en haut de l’affiche avec le point de non-retour fêtant honteusement le départ de Pierce Brosnan Meurs un autre jour pour I Care a Lot. Rosamund Pike y retrouve ainsi le rôle d’une femme froide, opportuniste et calculatrice, qui détourne la loi à son bon plaisir pour amasser le plus de bénéfices sur des personnes âgées fortunées injustement mises sous tutelle. Un exercice joyeusement amoral qui se mue rapidement en déluge grossier.
Les meilleures auspices
Parce qu’I Care a Lot débute sous les meilleures auspices (sans jeu de mot). J. Blakeson, scénariste et metteur en scène, épouse ainsi complètement la prestation impériale de son actrice pour une comédie noire joyeusement amorale aussi proprette que finement exécutée. Bénéficiant d’une photographie soignée et d’un récit malin, l’incursion dans le récit du génial Peter Dinklage semble alors annoncer un boulevard pour l’affrontement entre deux acteurs au sommet de leur art. D’un côté, on retrouve ainsi avec un plaisir intact Rosamund Pike qui semble revisiter son rôle d’Amy de Gone Girl dans une synthèse de femme forte et indépendante complètement détachée de présence masculine face à un Peter Dinklage jouissif en parrain de la mafia zen perpétuellement au bord de l’implosion.
Cependant, la mécanique si bien huilée se grippe, et la promesse d’un duel jouissif laisse rapidement place à la grossièreté d’un récit qui troque son élégance pour un inarrêtable et rocambolesque jeu de massacre. Coupant net avec l’impeccable première partie d’I Care a Lot, le récit de J. Blakeson se vautre alors dans la facilité, en troquant l’écrin idéal de paradis amoral taillé sur mesure pour son actrice principale en un enfer mafieux fait de tueries et d’enlèvements exécuté sans la moindre finesse. I Care a Lot semble alors déchiré en deux, entre l’élégance et un récit qui échappe complètement à son metteur en scène et scénariste, jusqu’à un interminable et rocambolesque final faisant définitivement sombrer le film dans l’excès.
Very EHPAD Trip
La surenchère sied ainsi mal à I Care a Lot qui perd ainsi tout l’impeccable équilibre qu’il avait su brillamment instiller. Transfigurant son héroïne proprette et vénale en prédatrice mettant au tapis du mafieux russe de la plus aisée des manières, le film de J. Blakeson se revêt alors d’une tenue d’actionner qui ne lui sied guère, et fait ainsi sombrer son film dans une surenchère qu’il n’arrive jamais à stopper. Consacrant ainsi de la plus saugrenue des manières l’amoralité au rang de norme pour s’en sortir, I Care a Lot conclut alors un récit devenu pataud. D’une belle promesse de comédie maîtrisée, I Care a Lot pêche finalement par excès, et comme son insatiable héroïne, le long-métrage de J. Blakeson semble clairement avoir les yeux plus gros que le ventre.
Parasité par l’orgueil de sa jouissive héroïne et se vautrant dans l’excès, I Care a Lot passe de la belle promesse au film pataud et grossier, tranchant net avec la belle promesse de comédie joyeusement amorale que le métrage laissait augurer. I Care a Lot, and this is definitely too much.