Et Dieu créa le sport nous conte avec beaucoup d’humour, d’intelligence et de fantaisie les origines et les enjeux du sport.
À l’approche des Jeux Olympiques qui s’apprêtent à faire bouillonner Paris, voilà une pièce qui tombe fort à propos. Une comédie déjantée qui nous livre une version burlesque… et pourtant loin d’être insensée, de la genèse du sport.
Cinq anges face à une mission de taille !
« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. » Ça, c’est la Bible qui le dit. Et puis… il ne se passa rien, vraiment rien. Jusqu’à ce que quelque chose se passe ! Le Big Bang ! Ils sont assis les uns à côté des autres, observent et commentent cet évènement, l’apparition de l’Homme. Hitler, Bonaparte, César, Staline, le Général Leclerc… pas vraiment que du beau monde ! Alors forcément, les choses ont fini par déraper.
« Ils », ce sont les cinq anges assis face à nous avec leurs doudounes colorées et leur air candide. Ils ont été envoyés sur Terre par Dieu pour régler le problème de la guerre. Pour tenter de mener à bien une mission aussi ambitieuse et périlleuse, il faut de la joie, beaucoup de joie, un (gros) peu de naïveté sans doute, de l’imagination, de l’audace aussi… bref, une âme d’enfant finalement. Et ça tombe bien, car ces cinq là n’ont pas été choisis par hasard.
Et si la Terre n’était qu’un immense ballon ?
Molly, Harold, Douglas, Travis et Eunice incarnent respectivement l’ingéniosité, la loyauté, la ferveur, la lucidité et la rigueur. Face à ce qu’ils perçoivent des hommes et de la violence qui jaillit ou sommeille en eux, des conflits qui les animent et les mettent à l’épreuve, leur vient l’idée d’inventer un nouveau langage qui passera par le corps. Ou plutôt, une multitude de langages pour que chaque guerre, chaque peuple, chaque type d’individu dispose d’un moyen de communication qui lui convient. L’idée ? Résoudre les « petites guerres » pour empêcher les plus grandes et ramener la joie au centre.
C’est ainsi que naquirent la course à pieds, la natation synchronisée, le basket, le golf, le tennis, la boxe, l’aquagym, le patinage artistique et une tout un tas d’autres sports qu’ils nous passent en revue avec beaucoup de drôlerie, d’autodérision et tout de même une certaine lucidité. Pour autant, et malgré toute leur bonne volonté, la paix reviendra-t-elle sur Terre ? Hum, on aimerait bien avoir une bonne nouvelle…
Et Dieu créa le sport : la réalité du terrain
En théorie, le collectif, la cohésion et la joie, ça semblait être un bon programme pour affronter les problèmes de l’univers. Mais c’était sans compter l’ambivalence de l’humain. En pratique, la joie collective d’une victoire fêtée au Champomy a rapidement fait de se transformer en une 3ème, voire 5ème mi-temps façon beuverie sans plus grand chose de joie ni de collectif ! Car les sportifs, eux, ne sont pas des anges et, sur le terrain, les belles valeurs sont comme les bons matchs : pas toujours au rendez-vous !
« Le football est le reflet de notre société. Regardez bien l’expression d’un joueur sur le terrain, c’est sa photographie dans la vie. »
Aimé Jacquet
C’est la réalité dans laquelle nous plongent de temps à autre des témoignages de sportifs dont le parcours ne s’est pas toujours passé comme prévu, tandis que les anges ouvrent le courrier qui leur est adressé. On se retrouve ainsi dans la tête de Roger Federer, Lance Armstrong, ou encore de Zidane après son fameux coup de tête de 2006 pendant la finale de la Coupe du Monde de foot ! Des lectures qui réservent quelques surprises !
Une équipe de haut niveau !
C’est toujours un bonheur de retrouver sur scène Alexis Chevalier, Grégoire Roqueplo et Marguerite Kloeckner, qui nous avaient régalé avec leur fantaisie absurde, Tiquetonne. Il se dégage de leur jeu une joie sincère et une sorte de pureté enfantine qui les rend attachant.e.s et tend à faire oublier les quelques irrégularités de rythme et autres petites longueurs que l’on pardonne… sans se faire prier !
Ils partagent ici la scène avec Thibault Truffert et Sibyille de Montigny qui complètent parfaitement le tableau ! La complicité est au rendez-vous, et chacun y va de ses mimiques et de son petit grain de folie. La voix de Nelson Montfort vient également, de temps à autre, s’adresser à eux pour les aider à garder le cap de leur mission, et des airs de chants religieux se glissent parfois ça-et-là au détour d’une chansonnette pour un effet des plus réussis !
Et si l’ensemble fonctionne très bien, Marguerite Kloeckner et Alexis Chevalier, tous deux également à l’écriture de cette création loufoque, auraient toutefois pu pousser le bouchon un peu plus loin du côté de l’absurde. On le sait car nous connaissons les talents en présence ! Le moment n’en reste pas moins fort réjouissant. Alors le sport, une réussite ou non ? Spoiler : pour combattre la guerre… insuffisant. Mais un outil néanmoins formidable pour célébrer ce dont déborde cette comédie : la joie, l’enfance et le collectif.
Et Dieu créa le sport, de Marguerite Kloeckner et Alexis Chevalier, mise en scène Alexis Chevalier, avec Alexis Chevalier, Marguerite Kloeckner, Sibylle de Montigny, Grégoire Roqueplo, Thibault Truffert et la voix de Nelson Monfort, se joue le jeudi 30 mai à l’Espace Georges Bernanos.
Avis
On aime beaucoup de choses dans cette création : l'originalité du thème, l'intelligence à peine dissimulée du propos, la dimension loufoque qui fonctionne parfaitement, la sincérité du jeu... Sur la scène, ces cinq comédien.ne.s forment une belle équipe qui incarne parfaitement les valeurs qu'ils y défendent.