Énorme réunit Jonathan Cohen et Marina Foïs devant l’œil acide de Sophie Letourneur. Pour une comédie bien plus gonflée qu’on ne le croit.
Énorme, c’est l’histoire de Frédéric qui à la quarantaine passée veut un bébé. Sa compagne, Claire n’en veut pas. Il décide alors de lui faire un bébé dans le dos…
Énorme c’est également la place qu’occupe Jonathan Cohen en cette rentrée particulière. Présent cet été dans Terrible Jungle, et à l’affiche d’une série Netflix et Canal +, l’acteur est omniprésent, à l’image de son rôle dans le film, où devant une Marina Foïs désemparée, l’acteur se lâche complètement. Si auparavant ses envolées lyriques pouvaient provoquer l’hilarité, le film de Sophie Letourneur l’éclaire sous un autre jour, rendant son numéro aussi égocentrique que dangereux.
Appropriation corporelle
Car Énorme est bien plus qu’une comédie volontiers auteuriste ; Sophie Letourneur signe ici une comédie grincante sur le corps d’une femme donnée en pâture au bon désir de toute une société consentante. Le corps de cette femme, c’est celui de Marina Foïs, malléable à merci et surtout par son agent de mari, homme à tout faire consentant qui rêverait de caler un heureux événement de plus sur l’agenda de sa femme pianiste de renommée. Cette femme, on ne lui demande jamais vraiment son avis, se contentant du bonheur des autres et surtout de celui de son mari pour continuer à avancer avec des œillères dans une vie qu’elle ne maîtrise plus.
La Femme en Sainte
Car Énorme livre un bien triste constat sur la maternité. Passage obligé dans la vie d’une femme qu’elle le veuille où non, le film le symbolise par le numéro survolté d’un homme qui s’approprie après la vie, le corps de sa femme dans un numéro aussi drôle que glaçant. Car le show de Jonathan Cohen symbolise le bonheur qu’une société patriarcale associe à la maternité, en effaçant les douleurs et la déformation d’un corps déformé à merci, illustrant avec intelligence le sommet d’une liberté féminine confisquée.
Le film de Sophie Letourneur livre ainsi après plusieurs scénettes aussi acides que brillamment mises en scène deux climax finaux qui font basculer son film vers une profondeur et un pessimisme bienvenus, finissant d’asséner avec intelligence son propos sur les notes majestueuses de Ravel. Car plus que l’appropriation d’un corps, Énorme nous conte l’envahissement de l’espace intime et personnel, broyant peu à peu le corps d’une femme dans un combat aussi injuste qu’oublié, corps malléable à merci jusqu’à l’essoufflement. Véritable prison sur pattes, le show de Jonathan Cohen peut ainsi enfin faire finir de rire. Pour que les silences de Marina Foïs puissent enfin mieux nous bousculer.
Énorme est sorti le 2 septembre.
Critique écrite par Kantain.