Un des immanquables de la fin d’année débarque sur les écrans après sa présentation à la Mostra de Venise : Conclave de Edward Berger s’impose comme un thriller politique prenant en quasi huis-clos au sein de la communauté des Cardinaux catholiques.
Edward Berger avait frappé un grand coup il y a 2 ans avec sa réadaptation d’À l’Ouest rien de nouveau. Et il s’apprête peut-être à refaire parler de lui aux Oscars avec Conclave, film présenté à la Mostra de Venise en septembre dernier et déjà porteur de belles critiques Outre-Atlantique. Et pourtant, le récit du film de Berger remonte à une dizaine d’années, issu du roman éponyme de Robert Harris (auteur de J’Accuse et The Ghost Writer).
Alors que le Pape décède soudainement, un conclave est rapidement organisé à Rome ! En effet, l’ordre cardinaliste mondial se réunit afin de vivre en quasi autarcie, dans le but de trouver quel candidat sera le mieux à même de devenir le nouveau Pape de l’Église catholique ! Sous la supervision du cardinal Dean Lawrence (Ralph Fiennes), les élections semblent se dérouler sans accroc malgré certaines tensions entre partis. C’est alors que débarque Vincent Benitez (Carlos Diehz), un prêtre venu d’Afghanistan…
Quand politique et religion se mêlent
Avec un tel pitch, Conclave aurait pu s’engoncer dans une posture théorique, théologique voire prosélyte sur les difficultés et les enjeux à devenir le Pape parfait. C’est sans connaître le talent de l’auteur original, ou même celui du scénariste Peter Straughan (l’excellent La Taupe), faisant de Conclave un véritable film d’enquêtes s’apparentant à un drame d’espionnage.
En effet, c’est bien ce qui se trame dans les non-dits et en hors-champs qui tient en haleine au sein d’une intrigue principalement en huis-clos au sein du Vatican, en suivant un Ralph Fiennes toujours aussi impeccable (accent italien en bonus !). Très vite le scénario et la mise en scène ample de Berger (capable de ne jamais filmer une scène d’élection ou de débat de la même manière, et de donner du souffle à chaque décor) nous font découvrir ce qui se cache derrière la soutane de chacun.
Un candidat traditionnaliste comme l’ancien Pape est-il le meilleur choix, ou bien surtout s’il s’agit d’un ami ? Ou au contraire le rival d’origine sub-saharienne (une première pour le Vatican) aux idées conservatrices pourrait être le favori ? C’est dans cet enchevêtrement d’opinions que Conclave se mue progressivement en réel thriller politique, dépassant le cadre restreint de la Croix pour mieux énoncer des missives directement à destination de tout régime autoritaire.
Croix sous nuances de gris
L’ouverture d’esprit est-elle synonyme d’abandon de convictions morales ? Ou bien tout aspect vraisemblablement dogmatique et traditionnel véhicule une image archaïque ? C’est via ces questionnements à la fois simples universels et vertigineux que Conclave puise sa substantifique moelle, ainsi que sa force motrice de narration. Le tout jusque dans un dénouement dressé telle une injonction audacieuse en dehors du cadre cinématographique ou littéraire.
Il est même particulièrement grisant de voir une peinture du milieu religieux qui ne sombre pas dans l’élégiaque, le dolorisme, la complainte facile ou l’accusation crasse. Tout reste finement en zone de gris, mettant en avant au sein du conclave que malgré les titres honorifiques de chacun, tous demeurent de simples humains.
La fabrication de Conclave n’est d’ailleurs pas en reste pour illustrer sa lutte de pouvoir intestine au sein de l’Église, sublimée par la mise en scène classieuse de Berger et une impressionnante reconstitution signée Suzie Davies (on croirait presque se balader dans la vraie Chapelle Sixtine). Mais là encore, c’est bien le casting (Stanley Tucci, John Lithgow, Sergio Castellitto, Isabella Rossellini, Diehz et Fiennes) qui terminent de faire de Conclave un exercice aussi appliqué que captivant ! Une belle réussite donc, à ne pas manquer !
Conclave sortira au cinéma le 4 décembre 2024
avis
Avec Conclave, Edward Berger signe une nouvelle réussite incarnée par ce thriller résolument politique, questionnant un positionnement moral et la nécessité de bousculer les codes dogmatiques. Intrigue haletante, mise en scène ample, reconstitution au cordeau, casting aux petits oignons : Habemus Papam !