Borderlands succède brillamment à Uncharted, Venom et ses nombreux monstrueux rejetons dans ce que le divertissement hollywoodien peut proposer de plus tristement opportuniste et désincarné.
Pour apprivoiser Borderlands, l’expression ne pas juger un livre à sa couverture paraît être un exercice plus que complexe. Ainsi, rien qu’en admirant sa superbe affiche, de mémorables souvenirs cinéphiliques affluent : de l’esthétisme fluo rappelant la récente campagne promotionnelle de l’inoubliable Expend4bles, en passant par la mention « par les producteurs d’Uncharted, Venom et Spider-Man« , il est difficile de ne pas y voir une promotion suicidaire (n’étant tout de même pas allé jusqu’à mentionner Morbius ou Madame Web), ou bien, pour employer une autre expression, le fait de tendre le bâton pour se faire battre. Puisqu’il s’agit normalement pour vendre un projet de rassurer le public visé, il est ainsi curieux de ne citer que des exemples récents d’adaptations complètement ratées, et ce, quel qu’en soit le médium originel.
Des choix curieux, on en trouve également au casting, puisqu’aux noms prestigieux de Cate Blanchett et de Jamie Lee Curtis, on y voit accolés ceux de Kevin Hart et d’Eli Roth. Voir ainsi se mêler les récents Tàr, Everything Everywhere All at Once à ceux des remakes honteux de Jumanji et de Death Wish, confirme ainsi la schizophrénie certaine d’un projet qui commence alors à éveiller notre curiosité. Heureusement, au vu de la bande-annonce, copie générique de n’importe quel blockbuster utilisant un langage fleuri (des blagues scatologiques, quelle audace) et une bande de freaks complètement zinzins comme principal argument, avec Borderlands, l’on sait rapidement où l’on arrive, et on devine aussi rapidement que ce ne sera jamais dans la bonne direction.
Boring-land
Les amateurs de jeux-vidéo sont ainsi condamnés à vivre avec résignation, surtout lorsqu’ils apprennent que leur univers préféré sera adapté au cinéma en prise de vues réelles. Ainsi, si Borderlands ne tutoie jamais la grâce d’un Resident Evil, d’un Alone in the Dark ou bien de Max Payne, le produit calibré d’Eli Roth semble plutôt directement suivre la voie du récent Uncharted, dans son incapacité totale à se saisir de quoi que ce soi de cinématographique. Ainsi, qu’on ait joué ou non à Borderlands, une impression réunira dans les salles obscures joueurs et non-joeurs, adeptes et novices : une impression perpétuelle de néant, à la fois artistique et scénaristique, d’un divertissement tellement désincarné qu’il en devient rapidement monstrueux de mépris.
Des personnages caricaturaux vus mille fois, qui même sous les traits d’actrices de talent, ne se voient cantonnées qu’à quelques mimiques et postures ridicules, et surtout, un scénario qui ne prend jamais la peine d’installer ni la moindre émotion ni même une quelconque notion de tension, lancé à toute vitesse telle une intelligence artificielle répondant bêtement à une requête. Cette dernière, on se l’imagine, est celle de mixer sans aucune prise de risques quelques succès récents avec des références reconnues, faisant s’accoquiner Les Gardiens de la Galaxie à Star Wars pour un résultat tout bonnement honteux. De flemmardise, d’opportunisme, et surtout de vide, Borderlands réussit à peu près à être tout ça sans ne jamais rien proposer du tout.
Border de nouilles
Visuellement affreux, scénaristiquement indigent, sur le fond aussi creux qu’une huître, on ne se fatiguera même plus à vous détailler un scénario dont vous devinerez jusqu’au moindre rebondissement dès les premières minutes. C’est ainsi un spectacle cruellement triste que celui du vide, qui a au moins le respect de ne pas s’étaler sur deux heures (seule véritable qualité du film, qui n’empêchera hélas personne de s’ennuyer, ou de s’endormir pour rentabiliser le confort de la salle climatisée), prenant une référence connue du jeu-vidéo pour capitaliser sans trop se fatiguer sur un scénario qui n’aurait jamais dû être validé, même si l’on se doute que les scénaristes du brillant Star Wars – L’Ascension de Skywalker n’étaient finalement pas passés si loin.
Borderlands aurait ainsi pu être l’adaptation de n’importe quelle autre franchise susceptible d’être rachetée par des producteurs avides de capitaliser sur un titre reconnu pour nous resservir la même soupe de mépris et d’opportunisme. Miroir déformant de tout ce que le divertissement hollywoodien peut proposer de pire, la seule chose à faire de Borderlands est de l’ignorer de la même manière qu’il se contrefiche de la créativité, de l’amour, et de tout ce qui rend le septième art immortel, et de le laisser sombrer dans son propre néant.
Borderlands est actuellement en salles.
Avis
Si vous désirez voir du vide gratuitement, il vous suffit juste de prendre un Tupperware sans nourriture et d'en admirer le fond pendant très exactement 1h40. Cela vous fera ressentir, en vous déplaçant simplement dans votre cuisine, la même impression que celle laissée après avoir vu Borderlands.