C’est la rentrée, et Boîte Noire s’impose comme déjà comme un des meilleurs films français de l’année ! Après Un Homme idéal et Burn Out, Yann Gozlan nous livre ici son meilleur film. Des retrouvailles avec un Pierre Niney impeccable font de ce thriller paranoïaque une franche réussite, malgré une intrigue des plus simples !
En une petite poignée de films, Yann Gozlan est entré dans le cercle des cinéastes de genre français. Après Un Homme Idéal en 2015 qui citait ouvertement Hitchcock, et Burn Out en 2018 avec François Civil, le réal s’impose aujourd’hui comme une vraie valeur sûre. Avec Boîte Noire, Gozlan s’attaque au milieu de l’aviation via un angle des plus originaux : l’utilisation éponyme des fameuses boîtes noires par le bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile.
Nous suivons donc Pierre Niney (nommé Mathieu Vasseur comme dans Un Homme Idéal) en technicien investigateur du BEA. Véritable oreille d’or, ce dernier se verra plongé dans une enquête concernant le récent vol Dubaï-Paris. En effet, l’avion s’est crashé dans les Alpes, et ce sans aucun rescapé. De plus, l’enregistrement de la boîte noire semble endommagé. Acte terroriste, défaillance technique, erreur de pilotage…toutes les hypothèses vont être étudiées, jusqu’à ce que Mathieu Vasseur s’embarque dans une spirale paranoïaque pour déceler une sombre vérité.
Mettons tout de suite les pieds dans le plat, en abordant LE défaut du film, à savoir une trame scénaristique dont les tenants et aboutissants s’avèrent des plus simples, voire carrément attendus à mesure que l’on avance dans l’intrigue. Alors que l’hypothèse terroriste est rapidement écartée, le spectateur n’aura alors aucun mal à deviner vers où le métrage l’emmène, et surtout qui sont les antagonistes, dès lors que Boîte Noire côtoie les ficelles du thriller politique.. Un brin dommage donc pour un film à suspense, qui bien heureusement a aussi son lot de qualités et de très belles surprises à offrir.
Citant ouvertement d’illustres ténors du genre, telles que Conversation Secrète de Francis Ford Coppola, Klute de Alan J. Pakula ou bien Blow Out de Brian De Palma, Boîte Noire renoue avec la fibre paranoïaque du cinoche américain des 70’s. Digérant admirablement ces influences (on pourra même citer le The Game de David Fincher), Yann Gozlan nous happe pendant 2h sans (presque jamais) nous lâcher, malgré un chemin régulièrement balisé. Si le talent de metteur en scène du réalisateur n’y est pas pour rien, sa nouvelle collaboration avec Pierre Niney est également un des atouts miracles !
Niney à son meilleur
Depuis son César du meilleur acteur pour Yves Saint-Laurent, Pierre Niney n’aura cessé d’enchaîner les projets (déjà très bon et versatile dans Un Homme Idéal). Avec Boîte Noire, le comédien impressionne ici par un jeu en retenue, dans ce rôle de polytechnicien jusqu’au-boutiste, qui ira jusqu’à l’implosion à mesure que sa quête de réponse impactera son entourage. En résulte un personnage héroïque qui va lentement tomber dans la paranoïa la plus totale, au point où le spectateur lui-même questionnera l’obstination du protagoniste. Une plongée en eaux troubles des plus délectables, et magnifiquement portée par son interprète principal.
A ce titre, la charmante présence de Lou de Laâge (très bonne au demeurant) permet sur le papier d’offrir un contre-poids émotionnel et un ancrage intime. Malheureusement, son personnage reste bien trop superficiel et périphérique pour pleinement satisfaire. Un retrait dommageable étant donné son caractère sous-exploité et fonctionnel, avant d’être utilisée à bon escient pour le final. Trop tard donc ?
Si justement cette partie finale demeure un tantinet programmatique, le plaisir est présent tout du long via une maîtrise absolue en terme de mise en scène. De son superbe plan-séquence d’intro (contextualisant d’entrée de jeu les promesses du film) à ces séquences où Vasseur se promène dans une reconstitution de carlingue (avec une utilisation pertinente du hors-champ), Boîte Noire témoigne d’un profond désir cinégénique de chaque instant.
Se déroulant quasi intégralement dans des bureaux et autres décors gris, l’œil précis de Gozlan, associé à un montage admirable finissent de magnifier une fabrication de haute tenue : c’est sans doute cliché de le redire, mais pour un film français qui se veut populaire (sans jamais renier son envie de cinéma), cela fait un bien fou !
Sound of Metal
Si la photographie élégante de Philippe Cotterau (Le Chant du Loup) offre un certain plaisir visuel, c’est avant tout au niveau du son que Boîte Noire impressionne ! Immersif, jouant à la fois des silences et renforçant une tension sourde (superbe séquence nocturne en apnée dans une demeure lors du dernier segment), c’est un acteur à part entière. Un sound design épousant à merveille chaque mouvement de caméra et la psyché du héros, mais qui aurait être utilisé de manière plus centrale allié au storytelling (l’analyse des enregistrements des fameuses boîtes noires reposent in fine beaucoup plus sur le verbe que sur l’audition lui-même).
Au final, Boîte Noire est encore la preuve que le cinéma français en a dans le ventre. Yann Gozlan signe son meilleur film : une vraie leçon de mise en scène et de design sonore, avec une gestion admirable de sa tension et un Pierre Niney inondant l’écran de son talent. Malgré une structure légèrement étirée sur 2h, un chemin balisé (notamment dans sa dernière ligne droite) et un personnage féminin aux abonnés absents, Boîte Noire est évidemment un des meilleurs films français de l’année. Un de ceux qui redonnent foi en l’efficacité du langage cinématographique, et font de Gozlan un de ses meilleurs ambassadeurs !