Blue Giant de Yuzuru Tachikawa fait du jazz sa ligne directrice en proposant une immersion par l’image dans des compositions musicales originales signées Hiromi Uehara. Un film d’animation qui vaut le coup d’être vu mais surtout… d’être entendu.
Il paraissait évident que le manga éponyme de Shinichi Ishizuka finirait par être adapté au cinéma. En basant son histoire sur la passion du jazz, les planches laissaient entendre par le silence et les dessins cette musique si singulière. Le son du saxophoniste Dai Miyamoto ne pouvait être qu’imaginé par le lecteur. Une prouesse de création qu’a réussi à relever le mangaka, si on en croit les critiques unanimement positives. Mais alors, qu’en est-il du film de Yuzuru Tachikawa ?
Ce n’est pas la première fois que le cinéma d’animation japonais retranscrit à l’écran l’univers vibratoire de la musique. En 2007, Piano Forest de Masayuki Kojima s’était donné cette mission en s’emparant de la passion du piano et de la musique classique. Blue Giant, lui, laisse de côté Berlioz et Chopin et se tourne vers John Coltrane et Sonny Stitt. Le jazz devient la raison d’être du film qui le donne à voir et à écouter avec toute sa puissance.
La musique des émotions
Pour Dai Miyamoto, le protagoniste principal de Blue Giant, le jazz est “la musique des émotions”. Et à en croire ses prestations, qu’elles soient sur scène ou devant un public imaginaire, il a trouvé son moyen de communication. Le langage parlé devient alors inutile. Il suffit de le voir avec son instrument en main pour accéder à ses pensées. Toute sa fougue et son énergie se retrouvent dans les notes de son saxophone ténor, qu’il fait vibrer sur le rythme de ses sensations. En cela, l’intention de Yuzuru Tachikawa de nous faire accéder aux émotions des personnages à travers leur musique est amplement atteinte.
Les compositions de Blue Giant ont entièrement été confiées à la pianiste Hiromi Uehara. Elle livre une partition vivante et pleine d’intensité qui ravit les oreilles. Secondée par Tomoaki Baba au saxophone et Shun Ishikawa à la batterie, le trio est inarrêtable. A l’instar de celui du film, qui est prêt à tout pour monter sur la scène du plus grand club de jazz du Japon. Entre improvisations et solos, on est hypnotisé par les mélodies du saxophone dont on ressent chacune des vibrations.
La musique en image
Alors que le film commence en douceur, avec des séquences musicales assez brèves, celles-ci finissent par envahir l’écran. Les répétitions et les concerts se multiplient, la musique devient le point central du film. Il n’y en a plus que pour elle. Cette montée en puissance du jazz corrèle avec l’histoire, bien que celle-ci reste secondaire. Certes on apprécie suivre les pérégrinations du trio, mais c’est quand ils commencent à jouer ensemble qu’on ne peut plus les lâcher du regard. La fougue de la jeunesse dans toute sa splendeur.
Les choix faits dans l’animation retranscrivent une volonté de mettre en avant les séquences musicales. Alors que l’animation reste assez traditionnelle dans les scènes de la vie quotidienne, un lâcher prise l’envahie au moment des concerts. La 2D laisse le pas à la 3D et à une caméra virevoltante qui multiplie les angles de vue. Elle s’immisce au plus près des musiciens, filmant des détails de leurs corps. Les inserts sur les instruments se multiplient, ils se métamorphosent. Et puis il y a ces formes plus abstraites. La liberté de la musique se retrouve au cœur même des dessins qui s’écartent des lignes déjà tracées. La flamme de la musique est plus communicative que jamais…
Blue Giant nous en met plein les oreilles et on en ressort empli d’une envie d’écouter du jazz, et encore du jazz. Heureusement que leurs temples sont nombreux …
Blue Giant est à découvrir au cinéma à partir du 6 mars.
Avis
L'adaptation signée Yuzuru Tachikaw du manga Blue Giant de Shinichi Ishizuka est emplement réussie. Un film d'animation qui fait du jazz son centre de gravité en faisant entendre des compositions dans toute leur splendeur. Un film puissant et vibrant.