BigBug marque le grand retour de Jean-Pierre Jeunet après (presque) dix années d’absence. Un projet ambitieux sur l’intelligence artificielle sur Netflix, qui n’a malheureusement de moderne que ses décors.
BigBug est un titre qui résumerait bien la posture actuelle de Jean-Pierre Jeunet. Cinéaste et plasticien adulé dans les années 90 pour sa fructueuse collaboration avec Marc Caro, le metteur en scène a cependant connu un spectaculaire ralentissement dans sa carrière depuis le succès international du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain et d’Un Dimanche de Fiançailles. Relégué à rejouer ses motifs et une compilation de son cinéma dans l’oubliable Micmacs à tire-larigot en 2009, son aventure américaine s’est soldée par un flop total avec L’Extravagant Voyage du jeune et prodigieux T. S. Spivet. Disparu de nos écrans depuis bientôt dix années, Jean-Pierre Jeunet fait son grand retour sur Netflix, pour un come-back malheureusement médiocre.
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Jeunet plus 20 ans
BigBug disposait d’images plus qu’alléchantes. Le retour aux décors de Madeline Fontaine et d’Alain Carsoux aux effets visuels, tous deux fidèles de Jean-Pierre Jeunet depuis ses débuts, était à la hauteur de l’attente. Parce que pour son retour, le cinéaste s’est entouré de sa famille de cinéma jusqu’au scénario, co-signé avec Guillaume Laurent, présent depuis La Cité des enfants perdus et auteur récemment du fantastique J’ai perdu mon corps, César du meilleur long-métrage d’animation en 2020. Tout était donc réuni pour un retour réussi, loin d’un box-office qui ne s’est jamais remis de l’épidémie, pour permettre, sur Netflix, à Jean-Pierre Jeunet de signer un fracassant retour. Il n’en est malheureusement rien.
On plonge dans ce très long BigBug (près de 2h, ressenti beaucoup plus long) comme dans une comédie datée à la direction artistique cependant fantastique. Porté par des acteurs de talent, ici réduits au minimum boulevardier, le supplice est long de ces ridicules et malaisantes histoires de coucheries scrutées en long et en large par un cinéaste qui délaisse la poésie et l’ode aux petites gens pour une comédie potache, aussi vulgaire qu’affreusement datée. Jean-Pierre Jeunet ne sait ainsi que faire de son imposante palette des gadgets, semblant ainsi plus préoccupé à filmer des personnages tout bonnement détestables se malmener autour d’histoires de fesses plutôt que de creuser un concept follement alléchant.
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Intelligence complètement artificelle
Parce que d’intelligence artificielle et de son poids de plus en plus imposant et étouffant sur nos vies, il n’en sera quasiment jamais rien qu’un gloubi-boulga indigent et lourdingue perdu entre Fahrenheit 451 et une pièce de théâtre ringarde pour le troisième âge. Un scénario que le cinéaste a pourtant traîné pendant quatre longues années, comparant même son sort au The Irishman de Martin Scorsese, trouvant enfin en Netflix son sauveur. On se demande ainsi où a bien pu passer le talent de Jean-Pierre Jeunet au visionnage de ce navet tape à l’œil qui s’avère, en plus d’être dépassé, être un produit complètement déconnecté de son époque.
Parce que la vision qu’a le cinéaste du couple nous ramène facilement cinquante années en arrière. Un temps où les femmes sont perçues comme futiles, inconsistantes et obsédées par le sexe, constat partagé par une gente masculine égoïste, manipulatrice et prête à toutes les veuleries pour une partie de jambes en l’air. On passera son regard houleux sur l’adolescence en dernier remède de l’humanité, et d’une conclusion malaisante voulant nous vendre la famille et l’amour comme valeurs éternelles. Ringard, puant, affreusement daté et vraiment malaisant, BigBug coche ainsi toutes les cases du comeback complètement raté et d’une heure pour la retraite qui s’annonce définitivement nécessaire pour Jean-Pierre Jeunet.