Après le réussi Teddy, Ludovic et Zoran Boukherma rempilent avec L’Année du Requin. Porté par Marina Foïs, Jean-Pascal Zadi, Christine Gautier et Kad Merad, ce nouveau film de genre tourné dans le Sud-Ouest hexagonal se veut le tout premier film de requin bien de chez nous. Verdict :
Les deux frères Boukherma ont une carrière relativement précoce, mais Teddy sorti l’an dernier les avait déjà placé dans le collimateur de futurs espoirs intéressants dans du cinéma de genre français. En convoquant le film fantastique, le folklore du loup-garou et une dose d’humour, Ludovic et Zoran arrivaient à créer leur univers, entre amour du cinéma d’exploitation et identité française assumée jusque dans les accents du Sud-Ouest.
Avec L’Année du Requin, les Boukherma entendent refaire le même plat mais avec d’autres ingrédients. On se retrouve donc avec une jolie promesse, à savoir le tout premier film de requins français ! Prenant place à la pointe du Cap Ferret, le métrage débute via un passage obligé : un surfeur disparaît « mystérieusement » de manière assez sanglante. Rapidement, on découvre qu’un requin blanc s’est aventuré jusque dans nos eaux de par le réchauffement climatique, et menace désormais nos belles plages girondines.
Proche de la retraite, la gendarme Maja (Marina Foïs) voit l’occasion de capturer ce grand squale comme moyen de marquer le coup, au grand dam de son mari Thierry (Kad Merad). Rapidement épaulée par Blaise (Jean-Pascal Zadi) et Eugénie (Christine Gautier), Maja va tout tenter pour protéger les vacanciers, jusqu’à ce que ça en devienne une obsession.
Vous avez-dit Requin ?
En Eaux Troubles, Instinct de Survie, Peur Bleue, 47 Meters Down, The Reef….la sharksploitation est presque devenu un genre à lui seul, avec évidemment l’inénarrable Les Dents de la Mer comme monumental géniteur. Il est donc relativement difficile de se démarquer, mais passée une introduction attendue et fastoche, L’Année du Requin semble trouver son angle d’attaque. En effet, à l’instar de Teddy, les réalisateurs parviennent assez immédiatement à imposer leur mariage d’influences, entre pastiche référencé du genre, humour et même un zeste de suspense.
Ainsi, lors de la première moitié de L’Année du Requin, ce cocktail fonctionne relativement bien, alors que l’on suit cette petite communauté de bons vivants adeptes de far niente découvrir ces évènements improbables. Ainsi, les pérégrinations de Maja font souvent sourire, et l’on se croirait presque dans un Fargo français, où la protagoniste aux réelles motivations se heurte à des badauds plus ou moins débiles plus enclins à se dorer la pilule que de prendre au sérieux la possible menace.
On pourrait même y voir un certain parallèle avec le Covid, via une scission entre l’opinion publique en proie au doute, et les informations alarmistes venant de plus haut. Il faudra également saluer Jean-Pascal Zadi, qui après Coupez !, s’impose comme une valeur sûre de second rôle humoristique via un capital sympathie certain ! Passées ces saillies humoristiques agréablement aidées d’une photographie chaude adéquate et d’une réalisation carrée, L’Année du Requin bifurque en terme de tonalité, pour un résultat bien moins maîtrisé et beaucoup plus impersonnel.
Il leur fallait un plus gros bateau
Alors que Maja devient de plus en plus obsessionnelle à l’idée d’en finir avec le vilain requin (au grand dam de son mari plus enclin à profiter de la retraite), L’Année du Requin devient premier degré et un tantinet bas du front. Et forcément, on va automatiquement sur les plates-bandes de Jaws avec son requin mécanique que l’on tente d’harponner, ses volonté de tension, ses possibles morts de personnages et un climax certes divertissant, mais que l’on regarde avec le sentiment d’avoir franchement perdu ce qui faisait jusqu’ici la singularité du métrage.
Ainsi, L’Année du Requin mute en film de requin tout à fait lambda, et malheureusement limité par son budget. Une excuse qui finalement n’a pas lieu d’être vu les déboires de Spielberg à l’époque, qui usait de sa maîtrise hallucinante de la mise en scène, d’un montage imparable et d’un sound design faisant office de personnage à lui seul. Rien de tout cela ne se trouve dans le film des Boukherma, malgré une première moitié loin d’être déplaisante.
En conclusion, un film de genre non-dénué d’intérêts, aux acteurs attachants et à la fabrication carrée. Mis à part le titre de premier film de requin français, on en ressortira malheureusement avec un goût de trop peu, et l’impression que les influences du genre n’ont finalement pas été complètement digérées. Too bad !