S’il nous arrive, bon OK s’il m’arrive, d’être en retard pour critiquer certaines propositions sérielles, on se devait d’être à l’heure pour la conclusion de After Life, évidemment magnifique.
Toujours en plein deuil de son épouse, Tony continue d’aller de l’avant, bien décidé à savourer la vie, plutôt que de la vanner. Évènement sur Netflix qu’on ne pouvait louper, voici la troisième et dernière saison de After Life tout juste diffusée. Une nouvelle pépite dont seul un génie comme Ricky Gervais pouvait accoucher. Une fin simple, une belle fin, une fin parfaite.

Comédie anglaise la plus prisée du service de streaming dans le monde, After Life se devait de conclure avec panache. Ricky Gervais revient donc en grande pompe, en enfilant comme d’habitude les casquettes de scénariste, de réalisateur et de tête d’affiche, histoire d’avoir les pleins pouvoirs et de dormir tranquille, son bébé choyé avec attention et douceur. Évidemment, c’est une réussite.
Forever life
Pourtant la tâche n’était pas aisée. Achever simplement une histoire initiée deux saisons plus tôt, pour un total de 18 épisodes de 30 minutes s’annonçait compliqué. Une petite parenthèse de douceur et d’humour noir dans ce monde de brute. Or le papa de The Office, le vrai, l’original, ne s’enorgueillit pas de nous offrir quelque chose de capillotracté. Non, After Life décide de s’éteindre comme elle s’était allumée, dans une grimace, dans un rire, dans des larmes, dans un au revoir émotionnel et lourd de sens.
On craignait voir des violons sortis prématurément, de belles et convenues paroles moralisatrices s’harmoniser mais il n’en est rien. Lentement, affectueusement, Ricky Gervais prend le soin de clore soigneusement chacun des arcs narratifs de chacun de ses personnages. En leur laissant plus de place, pour terminer leur histoire respective, tous les interprètes s’en donnent à coeur joie, comme Tony Way, le compère de toujours, la névrotique Diane Morgan ou l’excellent David Earl. Ce beau monde fini de colorer la série d’interventions hilarantes ou qui feront verser une larme au plus insensible d’entre vous. D’ailleurs, en faisant le deuil de son père, le protagoniste joué par Gervais parvient enfin à faire le deuil de son épouse. Ainsi après avoir éprouvé la colère, exprimée dans une première saison magistrale, puis la tristesse dans une seconde saison un peu larmoyante, il se résigne maintenant à accepter cette inéluctabilité.
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En effet, point de déni dans After Life, c’est ici la force du show britannique. Jamais la série ne s’est voilée la face en proposant autre chose que ce qu’elle était : une comédie noire, dans le plus pur style british. Alors s’il semble filmer diverses scénettes éparpillées et dissonantes, comme autant de mini-sketch individuels, il n’en est rien et toutes ces digressions ne forment finalement qu’une grande et unique déclaration d’amour au vivre ensemble. A l’instar des habitants de la petite ville fictive de Tambury, où les douleurs et malheurs des uns se reportent sur les autres, il fallait bien un peu de joie pour terminer en beauté.
Alors, au milieu d’un ton cynique où blagues doucereuses côtoient les plus trashs des punchlines, pas de doute on tutoie l’excellence où l’humour grinçant de Gervais fait mouche à chaque fois. After Life passe ainsi de railleries glauques et délicieusement irrévérencieuses à des considérations pleines d’affection, le tout pour délivrer un message plein d’espoir et d’optimisme. Du grand art, ni plus ni moins.
After Life s’éteint, mais restera à jamais comme une respiration inédite dans le paysage télévisuel, une tranche de vie à nulle autre pareille, sombre mais irrésistiblement tendre, nécessaire. Merci Ricky.