Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu s’avère être un beau rendez-vous manqué pour Guillaume Canet, et on revient donc logiquement sur tout ce qui ne va pas (du tout).
Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu était un défi de taille (peut-être trop) pour Guillaume Canet. Devant à la fois renouer avec les énormes succès des deux premières adaptations de Claude Zidi et de l’indépassable Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre d’Alain Chabat, et rompre avec les plus petits scores des ratés Astérix et Obélix aux Jeux Olympiques et Astérix et Obélix : Au service de sa Majesté, tout en proposant un nouveau casting issu d’un désir de reboot de la franchise, la tâche était immense. Surtout pour Guillaume Canet, ici crédité en tant que metteur en scène, coscénariste et acteur qui ne parvient malheureusement jamais à imprimer de sa marque un projet trop grand pour lui, et bien trop éloigné de son univers.
Après notre critique, on a donc décidé de vous parler plus posément de tout ce qui ne va pas dans ce que l’on considère comme un beau rendez-vous manqué, point par point, et avec donc énormément de spoilers. Pour vous permettre une meilleure découverte d’Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu, on vous conseille donc d’avoir vu le film avant de lire cet article, où alors vous vous en fichez, et au fond vous avez peut-être (un peu) raison, et on va tenter de vous montrer pourquoi.
Guillaume Canet n’avait-il pas les épaules ?
On l’a connu auteur d’excellentes comédies égratignant le milieu du show-business, de son superbe Mon idole au surprenant Rock’N’Roll. Après son adaptation réussie de Ne le dis à personne d’Harlan Coben couronnée de succès et le sacrant au passage du César du meilleur réalisateur, ce beau départ s’est ensuite quelque peu gâté. Tout d’abord Blood Ties, son adaptation américaine des Liens du sang, dans laquelle il dirigeait un prestigieux casting (Clive Owen, Mila Kunis, James Caan), s’est avérée être un échec. Et malgré les quelques qualités que l’on peut trouver aux Petits Mouchoirs, sa suite Nous Finirons Ensemble, malgré les deux beaux succès populaires rencontrés, ont démontré tous les défauts dont était capable Guillaume Canet en tant que metteur en scène.
Des déceptions confirmées par l’inutile Lui, délire faussement auteuriste mais véritablement égocentrique écrit en plein confinement, dans lequel l’acteur parvenait à démontrer le vide abyssal d’une proposition pourtant portée par un casting prestigieux. Mais voilà, rien ne laissait présager pour l’auteur de s’emparer de l’univers d’Astérix et Obélix, dont le seul point commun était son goût pour la comédie et son éventuelle ressemblance avec Astérix. Et cela se ressent dans Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu, qui ne s’avère jamais lui ressembler, que cela soit l’acteur, le metteur en scène, où même les thématiques inhérentes à son cinéma, ici lourdement rattrapées dans une scène finale consacrant l’amitié entre Astérix et Obélix, ultime refuge d’une intrigue emballée à la va-vite.
De plus, un tel projet, alliant gros budget et grand-spectacle à des influences revendiquées par le metteur en scène comme Tsui-Hark où même Sergio Leone, que Guillaume Canet n’avait jamais dû affronter, se contentant ici de viser la parodie où même d’éviter la mise en scène dans une scène de bataille survendue où rien ne paraît du nombre impressionnant de figurants au million de soldats vanté par l’Impératrice de Chine. Malgré l’ampleur du budget et des moyens mis en place, rien n’est jamais visible dans cet Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu qui aligne les vignettes sans jamais n’y apporter la moindre signature, d’un Guillaume Canet ici clairement extérieur à l’univers et aux personnages qu’il se doit pourtant de dépeindre.
Casting impressionnant, mais inutile
C’était l’un des nombreux reproches très justement fait à Astérix aux Jeux Olympiques, que réitère Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu avec une flemmardise presque identique. Où le luxe même de pouvoir se payer la présence de quasiment tout le cinéma français sans jamais ne savoir quoi en faire. Parce qu’à l’exception de quelques seconds rôles, Marion Cotillard, Vincent Cassel et Audrey Lamy, Guillaume Canet ne sait jamais vraiment quoi faire de son parterre de stars. Ce n’est pas très grave lorsqu’il sacrifie à la fois OrelSan, Angèle, Bigflo et Oli, McFly et Carlito et d’autres, c’est cependant plus problématique lorsqu’il s’agit d’un certain Zlatan Ibrahimovic, vendu comme LE supersoldat de Jules César et un sacré argument commercial. Parce qu’après une introduction réussie, le footballeur, comme le film, semble se heurter à l’ambition jamais affrontée de Guillaume Canet et quitte le métrage sur une blessure.
Une solution plus que flemmarde, appliquée à un OrelSan, baptisé Titanix et consacré en meilleur navigateur de Gaulle et réduit à tenir la barre quelques secondes, mais c’est pire lorsqu’Angèle doit pêle-mêle réunir tous ses titres de chansons en une seule et même réplique. Tandis que Jonathan Cohen semble perpétuellement condamné à rejouer son Marc de La Flamme, alors qu’il a su être très bon dans d’autres projets, le sort est tout aussi cruel avec Ramzy Bedia, et Julie Chen, révélation du film ici condamnée à jouer au premier degré face à des acteurs en pleine cour de récréation. Personnage fil-rouge devant passer de l’adolescente à la jeune guerrière, rien ne lui permet de mener de front ce rôle sur-écrit, en total désaccord avec tout le reste du casting. On passe ainsi sur tout le reste du village où tout le monde apparaît au minimum, pire lorsque la bonne idée de caster Pierre Richard en Panoramix reste sur un mauvais gag de sable mouvant, clin d’œil forcé à La Chèvre.
Une nouvelle histoire pas (du tout) originale et des blagues ratées
La question d’appropriation est très importante dans chacun des longs-métrages en live des aventures des Gaulois. On peut penser ce que l’on veut des précédentes itérations, des meilleures avec Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, aux pires avec Astérix aux Jeux Olympiques et Au service de sa Majesté. Mais toutes ces précédentes adaptations comportaient (au moins) une tentative d’appropriation de leur auteur, de l’esprit Nul et parodique permanent d’Alain Chabat, aux improvisations parfois géniales de Benoit Poelvoorde, ainsi qu’une course de char réussie, à l’idée de l’homosexualité d’Astérix et Obélix lâchée par un Vincent Lacoste hilarant dans le pourtant très fade Au service de sa Majesté. Dans Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu, il n’en est quasi rien.
L’histoire de Julien Hervé, Philippe Mechelin et Guillaume Canet se contente d’enchaîner les situations attendues propres à la saga sans jamais ne rien y apporter. On reconnaît ainsi ça et là quelques clins d’œil peu inspirés à Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, jusqu’à complètement repomper l’histoire d’amour contrariée entre Cléopâtre et César, où Ti Amo d’Umberto Tozzi remplace Lionel Richie et Itinéris avec le gag du pigeon qui vibre et n’a plus de batterie, blague très lourde gardée pour les scènes post-génériques. Les ajouts « romantiques » avec le Say You, Say Me de Lionel Richie et la version italienne des Mots Bleus de Christophe s’avèrent appuyés et forcent en des montages grossiers le côté inutilement romantique d’une intrigue qui n’en a finalement que faire. Et ces derniers confirment ainsi la vision erronée de Guillaume Canet, faisant de ses personnages des bulles vides inconséquentes, dont la seule réussite notable réside alors dans l’interprétation respectueuse de Gilles Lellouche et de son duo avec Leanna Chea.
Une mise en scène pauvre
Nous avions étés grandement déçus par la promesse d’adaptation cinématographique du Kaamelott d’Alexandre Astier, auquel le réalisateur-acteur-scénariste-compositeur n’avait malheureusement su apporter aucun souffle, jusque dans ses scènes de bataille, très très modestes et mal mises en scènes. Il en est de même pour Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu, qui rate absolument toutes ses tentatives, les transfigurant parfois même en parodies involontaires. De l’idée d’absorber toute l’influence du cinéma chinois, Guillaume Canet ne garde ainsi que quelques scènes de kung-fu mollassonnes, transfigurées en une horrible scène de démontage d’un bateau, sous-éclairée et très mal chorégraphiée où tout se conclut à la farce, sur le Say You, Say Me de Lionel Richie (encore lui).
Le constat est pire pour les nombres de décors à peine survolés, et cette bataille finale en forme d’énorme promesse tuée dans l’œuf, où Canet s’avère complètement incapable de mettre en scène une scène de bataille, malgré un nombre impressionnant de figurants et de costumes. Même si l’humour s’avère maigre, compter sur le spectacle pour rehausser une telle proposition était ainsi fondamental, une promesse que ne parvient jamais à tenir Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu. Autant de raisons d’être à la fois déçus et pris d’une totale incompréhension face à ce qui parait aisément comme le pari le plus ambitieux et risqué de notre cher cinéma hexagonal depuis la pandémie, avant la relecture des Trois Mousquetaires d’Alexandre de La Pattelière et Matthieu Delaporte.