Black Mirror revient avec cinq nouveaux épisodes, sûrement ceux de trop, et on a donc décidé de vous proposer notre classement.
Black Mirror est donc revenue : la série anthologique de Charlie Brooker, dont la qualité s’étiolait (déjà) au fur et à mesure de ces cinq saisons et surtout de son film, nous propose donc cinq nouveaux épisodes, confirmant au passage nos pires craintes. Parce que si la série demeure toujours portée par un casting prestigieux d’acteurs et de réalisateurs, l’inspiration de Charlie Brooker semble quant à elle belle et bien à court d’idées neuves pour un concept hélas trop rapidement rattrapé par une réalité repoussant sans cesse les limites de l’absurdité. Alors, malgré quelques très beaux moments, comme seule Black Mirror sait nous en proposer, ces derniers s‘avèrent hélas trop maigres pour tenter de cacher la déception. Cette sixième saison, même dotée de cinq petits épisodes, est définitivement celle de trop.
N’allant jamais jusqu’au bout de son propos féroce sur la plateforme de streaming sur laquelle elle est pourtant diffusée (deux épisodes dédiés à Netflix, ici rebaptisé Streamberry), où tentant vainement un hommage aux films d’horreur avec des figures iconiques du genre très mollement revisitées, ce n’est qu’en revenant vers le récit d’anticipation, de la science-fiction minimaliste et initimiste que la série semble nous offrir son seul bel épisode digne de ses plus brillants prédecesseurs. Sans grande originalité (vous trouverez cette proposition de classement par paquets sur beaucoup, beaucoup d’autres sites), à l’image donc de cette très banale sixième saison, l’on vous propose donc notre top (évidemment subjectif) de ces cinq nouveaux (et presque tous dispensables) épisodes, classés du pire au meilleur, sans spoilers.
5. Mazey Day
Une excellente actrice, en la personne de Zazie Beetz, et un propos sur les paparazzis et les ravages de la célébrité : tout commence très bien. Dans ce regard critique dans le rétrovieur sur l’avènenement de la presse people, on croit même apercevoir des clins d’oeil à Britney Spears, à Tom Cruise, et à toute l’horreur de cette démarche carnassière, détruisant des vies sur l’autel du voyeurisme. Le scénario, mettant en scène une jeune photographe en pleine remise en question (Zazie Beetz) et celle d’une jeune star (Clara Rugaard) basculant dans la toxicomanie, s’avère immédiatement prenant. Mais voilà, passé toute son introduction, Mazey Day n’a finalement plus grand chose à raconter, et se réfugie facilement et rapidement dans l’horreur pour conclure de la plus expéditive des façons un propos intéressant alors aussitôt tué dans l’oeuf.
Si l’idée aurait pu être amusante sur le papier (on vous laisse quand même le minime plaisir de la découverte), Mazey Day semble pourtant se réfugier dans une surenchère sanglante gratuite alors que toute l’introduction de l’épisode avait su saisir tout le contraire. Des zones d’ombres des deux côtés de l’objectif, rapidement gommées par un final poussif et en total pilote automatique, Mazey Day s’avère incarner à merveille l’esprit à bout de souffle de cette sixième saison et de son auteur, se réfugiant dans la facilité en dépit d’idées neuves et d’un propos qui aurait pu demeurer véritablement glaçant s’il s’avérait tenu de bout en bout.
4. Joan Is Awful
Et voilà le premier pétard mouillé de cette nouvelle saison, qui annonce la déception à venir avec brio puisque ce Joan is Awful sert également de mise en bouche. À savoir, la destinée contrariée de Joan, une femme dont la vie commence à être adaptée en temps réel sur une plateforme de streaming nommée Streamberry (dont la police d’écriture et le son sont à peine modifiés par rapport à celui de Netflix) et qui verra peu à peu son petit monde s’effondrer. Si l’épisode commence de manière fort intéressante, en abordant à la fois les thématiques des algorithmes, des données personnelles et de la standardisation, tout cela s’avère rapidement noyé par un final poussif et surligné où le concept finit par se contredire, d’inutilement sur-appuyer son propos, et donc de lasser. Les actrices y sont géniales, et Annie Murphy tout comme Salma Hayek s’avèrent réjouissantes, mais le scénario de Charlie Brooker s’avère bien trop fade et répétitif pour leur rendre la pareille.
Aussi, Black Mirror perd en cruauté ce qu’il gagne en efficacité automatique tournant cependant très rapidement à vide. L’épilogue sucré de l’épisode efface ainsi toute la méchanceté de ses personnages et de sa diabolique plateforme pour se muer en un récit très plan-plan sur le fait de réaliser ses rêves et d’être soi-même dans un monde de plus en plus standardisé. On a vu mieux, plus sombre, plus novateur et plus torturé pour un épisode dont le concept s’avère donc à la fois inabouti, cruellement fade et surtout frustrant.
3. Demon 79
Sûrement l’épisode le plus ambitieux et surtout le plus frustrant de cette nouvelle série. Parce que Demon 79 s’attaque au sort d’une jeune femme indienne dans un Londres en proie au chaos, plus précisemment à la veille de l’élection du Parti Conservateur de Margaret Thatcher, annonçant alors une des plus graves récessions du pays. Un contexte passionnant, porté par une réalisation soignée et une merveilleuse actrice (Anjana Vasan, immense révélation), annoncé comme un hommage aux films d’horreur bis de l’époque puisque la jeune femme, vendeuse de chaussures opprimée, verra ses envies de meurtres traduites par l’arrivée d’un démon, envers lequel elle devra s’acquitter de trois meurtres pour éviter l’Apocalypse. Et l’on est pris, grâce à l’interprétation merveilleuse de l’actrice, dans ce jeu de massacre à la fois jouissif et désepérement triste.
À la fois attachante et bouleversante de sincérité, Anjana Vasan porte sur ses épaules toutes les maladresses de cet épisode qui réserve une fois de plus une conclusion très décevante. Pourtant, face à la montée d’une extrême-droite décomplexée, d’un pays en totale perte de repères moraux et idéologiques et en proie au chaos, il y avait tellement plus à offrir que cette virée sanglante et jouissive mais cruellement (une fois de plus) inaboutie. Sur une heure et quatorze minutes, les pistes sont nombreuses mais s’avèrent parfois simplement évoquées où maladroitement balayées, et l’idée du démon s’avère ainsi aussi riche que finalement maladroitement exploitée. Une vraie belle déception pour une proposition qui en méritait vraiment beaucoup plus.
2. Loch Henry
Deuxième épisode dédié à l’avatar de Netflix, ici renommé Streamberry, et du goût morbide de la plateforme pour les documentaires « true-crime« . On y suit donc un jeune couple de documentaristes, Pia et Davis, de retour sur les terres natales de ce dernier, décidant de s’intéresser à une affaire de crime morbide ayant terrorisé l’île durant des années. Et c’est, aussi, peut-être, la reprise de tous ces codes chers à la plateforme, et aussi d’un goût prononcé pour le thriller qui rend cet épisode aussi prenant et réussi. Il y a ici tout le côté méta que Joan is Awful avait échoué à pleinement saisir, rendant cette histoire aussi prenante qu’addictive : de la création de ce contenu terrifiant, ici filmé avec le même voyeurisme sordide poussé jusque dans ses pires retranchements, amené avec la même joyeuseté et entrain par nombre de producteurs avides de contenus, au mépris du traumatisme de familles et de secrets qui ne méritaient peut-être pas d’être dévoilés sur la place publique.
Loch Henry s’avère ainsi aussi efficace que passionnant et véritablement tendu, offrant une conclusion désabusée et tragique faisant honneur à ce que la série a su proposer de meilleur. À l’heure où le succès de la série Dahmer s’apprête à faire des petits sur la plateforme, il est donc plus que temps d’observer cet autre côté de la caméra, celui de vies brisées par ces véritables drames initimes transfigurés en contenus, et surtout de produits d’appel comme les autres.
1. Beyond the Sea
La voilà, la seule raison valable de se plonger dans cette décevante sixième saison. Un troisième épisode comme un petit long-métrage d’une heure et vingt minutes, mis en scène avec beaucoup de soin par John Crowley, qui oscille entre le manque d’humanité d’une navette spatiale et de missions répétitives et incompréhensibles de maintenance et du refuge d’un foyer en péril. Porté par des acteurs bouleversants de justesse (Aaron Paul et les trop rares Josh Hartnett et Kate Mara, tous deux habitués de la plateforme), Beyond the Sea, très mollement traduit chez nous par Un coeur pour la vie, sait montrer ce que Black Mirror sait sûrement proposer de mieux en terme de récits de science-fiction, ici transfigurés en un drame intimiste à fleur de peau dont l’absence de surenchère permet une véritable valse de sentiments contrariés.
D’un concept simple mais jamais simpliste (des astronautes en mission, dont une réplique synthétique de leurs corps leur permet de rester proches de leur foyer), Charlie Brooker tisse ici un drame très fort, où l’amour demeure comme un dernier refuge aussi fragile que précieux et incontournable. Il fallait ainsi une véritable justesse d’écriture pour croquer avec finesse ce triangle amoureux véritablement bouleversant où brillent à la fois et dans des registres différents Aaron Paul, Josh Hartnett et Kate Mara. Et surtout, d’incarner pour ce superbe épisode comme une anti-thèse parfaite à toute cette saison, se réfugiant en de concepts répétitifs et inaboutis où en de déluges gratuits d’hémoglobine : Beyond the Sea s’en avère presque totalement dénué (en ne surjouant jamais sur aucun tableau), et c’est ce qui fait son infinie préciosité.
3 commentaires
Je suis d’accord avec votre classement ! Je venais simplement vérifier mon avis avec d’autres ! Bonne journée.
Merci d’avoir pris le temps de lire notre article et d’avoir partagé votre avis ! A très vite sur L’Info Tout Court !
Voilà, je viens de terminer la saison et je rejoins et comprends votre classement. Merci pour vos analyses, je suis une fan inconditionnelle de Black Mirror, La meilleure série. Il m’arrive parfois de revoir certains épisodes tels que The National Anthem, White Christmas, Nosedive, Shut Up and Dance, Arkangel, Crocodile, Black Museum ou white bear dont les twists finaux sont époustouflants et inattendus, toujours avec le même sentiment malaisant.