Njim est une pièce de danse théâtralisée qui raconte l’histoire d’un jeune homme champion du monde de hip hop le jour, voyou la nuit.
Njim est le tout dernier spectacle de la compagnie de hip-hop Wanted Posse, dont nous suivons le travail depuis 2018. Nous les avons découverts avec leur fabuleux cabaret hip hop Danse N’Speak Easy, premier de nos coups de cœur du OFF cette année-là. Puis nous les avons retrouvés en 2021 avec Steps on Strings, où le hip hop venait rencontrer la musique classique aux côtés d’un quatuor à cordes et d’un pianiste.
Conquis par leur créativité, leur complicité et leur talent, nous guettions donc impatiemment leur nouvelle création. Et, non seulement nous n’avons pas été déçus, mais celle-ci est probablement notre préférée de toutes…
Une enfance entre ombre et lumière
Njim vit avec sa mère et ses trois frères et sœurs. Ses parents sont nés au Cameroun mais, son père, il ne l’a vu qu’une fois. La seule figure masculine qu’il admire, c’est Bruce Lee. « La connaissance te donnera du pouvoir » a un jour dit son idole, alors le jeune garçon travaille bien à l’école. Mais, alors qu’il n’a que 8 ans, il doit partir vivre en foyer. Là-bas, il n’y a ni règles, ni cadre, ni interdictions. La devise c’est plutôt « Soit tu frappes, soit on te frappe. »
Alors, quand il retourne habiter chez sa mère, à 10 ans, Njim se laisse progressivement entraîner dans les mauvais coups et devient accro à l’adrénaline qu’ils lui procurent. Ce n’est d’abord qu’une brique de lait volée dans un supermarché… Puis, c’est une succession de cambriolages, braquages, trafics qui se mettent à rythmer une partie de son quotidien. L’autre partie, c’est la danse, soudainement entrée dans sa vie pour ne plus jamais en sortir.
Nous sommes en 1986. Passionné par le hip hop – tout nouveau mouvement artistique à l’époque – et pris sous son aile par Vegas, un danseur virtuose, Njim créé le groupe Wanted. D’abord deux, ils intègreront peu à peu de nouveaux membres, enchaîneront les spectacles dans les MJC, les battles, se rêveront champions du monde, et…
L’émotion est au rendez-vous
L’histoire est belle, touchante, et interprétée avec beaucoup de sincérité par ces trois artistes complémentaires. Pauline Durand est la captivante narratrice qui s’adresse à nous, mais parfois aussi directement aux deux danseurs, quand elle ne danse pas à leurs côtés. Ces différentes postures créent une grande proximité avec le public, facilitent notre immersion dans l’histoire, et contribue à donner au spectacle un rythme haletant.
Rythme que l’on doit aussi à la superbe création musicale de Franck Chenal, qui joue également de la batterie en bord de scène, et dont quelques envolées lyriques soutenues par les lumières de Romain Titinsnaider nous transportent. Avec ses saltos et autres figures acrobatiques, Martin Thai nous impressionne. Il est un partenaire de jeu vif et drôle pour Carlos Da Silva. Ce dernier est si expressif et sincère dans son interprétation de Njim que l’on s’attache immédiatement à ce personnage, à son histoire, à ses rêves, à ses ombres. Le danseur est évidemment talentueux, mais le comédien que nous découvrons nous a bouleversés !
Deux langages pour une même histoire
En plus de retracer l’évolution de la danse hip hop depuis son apparition, ce spectacle nous replonge aussi dans une époque. Celle des années 80-90, avec son Histoire, ses références, ses drames, ses objets du quotidien… Ainsi, magnétoscope et VHS, Tac o tac, francs, et autres Fiat Punto nous décrochent forcément quelques sourires.
Et si cette nouvelle création du crew fonctionne aussi bien, c’est aussi parce que la danse vient véritablement servir l’histoire. C’en est même assez épatant. La chorégraphie de Njagui Hagbe est réfléchie dans ses moindres détails. Aucun mouvement n’est là par hasard ni pour simplement faire le show. Les deux langages fusionnent merveilleusement dans une mise en scène très habile et esthétique signée Éric Bouvron.
Ainsi, portés par les mêmes intentions, les corps racontent l’histoire tout autant que les mots, et nous transmettent les émotions avec la même force. L’ensemble est parfaitement fluide, intensément vivant et entièrement lisible. Ni le rythme ni notre attention ne faiblissent à aucun moment. La compagnie Wanted Posse est donc une fois de plus à la hauteur de nos espoirs : c’est un coup de cœur.
Njim, écrit par Njagui Hagbe, Éric Bouvron et Pauline Durand, chorégraphie Njagui Hagbe, mise en scène Éric Bouvron, avec Pauline Durand, Martin Thai, Carlos Da Silva & Franck Chenal, se joue du 7 au 29 juillet, à 10h10 (relâche les mercredi), au Théâtre des Lucioles.
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Avis
Cette histoire originale et inspirée de faits réels nous offre un très beau moment d'humanité. La symbiose entre le théâtre et la danse est parfaite et rend le récit particulièrement visuel. Comme toujours, à la fin du spectacle, le public est debout.