Le premier sexe ou la grosse arnaque de la virilité est un seul en scène qui aborde avec intelligence et humour le thème de la masculinité.
Dans Le premier sexe ou la grosse arnaque de la virilité, Mickaël Délis nous raconte son parcours d’adolescent, puis d’homme, dans une société engluée dans les conditionnements et les stéréotypes. Avec sincérité et humour, il nous livre une réflexion sensible et drôle sur la masculinité. Et si, être un homme, ce n’était finalement qu’être soi ? Un premier seul-en-scène réussi.
Le récit touchant d’une quête de soi
Être un homme. Vaste sujet ! La société évolue, fort heureusement, autour des questions de genre, n’empêche que les conditionnements sociétaux sont coriaces et imprègnent encore bien des esprits et des comportements. « On ne naît pas femme, on le devient. » écrivait Simone de Beauvoir en 1949 dans Le deuxième sexe. S’inspirant de cette œuvre pour construire son spectacle, Mickaël Délis esquisse un écho masculin à cette ode à l’émancipation féminine.
Ainsi, ce dernier nous ouvre les portes de son intimité pour nous raconter des moments-clés de sa construction identitaire et de son cheminement personnel. Du petit garçon mal dans sa peau, qui préfère jouer avec des poupées, jusqu’à l’acceptation de soi sans concession : tout un programme. Et il le fait avec un certain charme et beaucoup de simplicité, sur un plateau dépouillé qu’il habite avec une belle aisance.
Une belle galerie de personnages
Au fil de ces souvenirs, on rencontre des personnages qui ont eu leur rôle à jouer dans ce parcours semé d’embûches, et que le comédien interprète avec finesse. À commencer par sa mère, “la plus belle des mamans tristes”, qui les calmait avec du Lexomil son frère et lui, et pour qui la vision des hommes est sans demi-mesure : « tous des salauds ! ». Un personnage complexe et torturé dont l’ouverture d’esprit est touchante.
« On laisse les autres s’étouffer avec leur silence, nous on parle. »
Parmi les plus marquants il y a aussi la coiffeuse, qui clame que les cheveux courts, le bleu et les petites voitures, c’est pour les garçons, pour « avoir des repères » ; le chercheur en sociologie masturbatoire qui, quant à lui, nous livre ses théories un peu douteuses sur un tableau à la craie ; sans oublier ce psy, exquis, qui prend un plaisir non dissimulé à parsemer son accompagnement de toutes sortes de jongleries linguistiques !
Une identité à construire… et à déconstruire
Le comédien questionne cette virilité dressée aussi fièrement que leur sexe au-dessus des hommes, comme un étendard. Une virilité qui lui fait de plus en plus peur à mesure qu’il se sent rejeté par ceux de son propre genre plus que par qui que ce soit d’autre. Même si… ça commence à bien faire la boulangère qui le prend pour une petite fille ! Oui parce qu’avec ses traits fins, forcément… Les hommes, c’est bien connu, ça a les traits épais, les épaules larges, c’est fort, puissant ! La belle arnaque…
« Des hommes pas franchement admirables, des femmes pas franchement admirées… », comment s’y retrouver au milieu de tout ça ? C’est avec l’aide d’un psy, donc, qu’il se fraye un chemin à travers les attentes, les peurs, les jugements, ou encore la pression des autres pour questionner ses désirs et se rencontrer véritablement. Ainsi, à travers son propre parcours, sans rancœur ni aucune aspiration revendicative, Mickaël Délis aborde les interrogations, les clichés, mais aussi la pression sociale, familiale, qui soutiennent ce fameux concept de virilité qui conditionne encore les hommes dès leur plus jeune âge à être « Normal, normé, hétéronormé, rassuré, rassurant… pour les autres. »
Une forme d’intolérance qui peut d’ailleurs subsister là où l’on s’attendrait à ce qu’elle ait fondu comme neige au soleil. Quand, une fois son homosexualité assumée, il faut tout de même faire attention à ne pas « faire trop pédé »… S’assumer, d’accord, mais avec discrétion sinon d’autres étiquettes sont toutes prêtes à être collées. Il y a encore du chemin à faire…
Un joli moment
Mickaël Délis est parfaitement à l’aise dans l’exercice du seul-en-scène, très convaincant dans les personnages qu’il interprète, sympathique, et touchant de naturel et de sincérité. Mais alors, avec tout ça, pourquoi avons-nous quitté la salle avec cette étrange sensation qui nous accompagne parfois de ne pas vraiment savoir ce que nous en avions pensé ? La certitude d’avoir passé un bon moment, ça oui, mais…
À bien y réfléchir, l’ensemble nous a paru rester un peu en surface de tout. On rit, mais pas tant que ça ; on est touché, à peine ; on prend plaisir à découvrir son histoire, son analyse, mais elle ne nous apprend rien, n’apporte pas ce petit quelque chose en plus pour permettre de véritablement marquer les esprits. Le notre en tout cas. Il n’en reste pas moins que ce généreux moment de partage a tout à fait sa place sur scène et révèle un comédien talentueux.
Le premier sexe, de et avec Mickaël Délis, mise en scène Vladimir Perrin, se joue au Théâtre La Reine blanche Avignon, du 7 au 25 juillet, à 20h (relâche les 12 et 19 juillet).
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Avis
Si Le premier sexe est également le titre du pamphlet en faveur des idées masculinistes, écrit en 2006 par un certain Éric Zemmour, ce premier seul en scène de Michael Délis en prend le contrepied. En s'affranchissant du diktat de la virilité, il invite finalement chacun à être soi, tout simplement.