Jonasz au grenier est un spectacle musical tendre, fantaisiste et poétique autour de l’œuvre de Michel Jonasz.
Chaque nuit, dans le grenier-atelier d’une costumière, trois mannequins de celluloïd prennent vie dès que celle-ci est endormie. Ils se plongent alors dans le journal intime de l’ancien propriétaire pour se frotter à toutes ces émotions humaines qui les font rêver à travers le répertoire de Michel Jonasz…
Jonasz au grenier était l’un de nos espoirs pour cette nouvelle édition du Festival OFF. C’est que la pièce avait quelques arguments pour nous séduire. Mais nous ne nous attendions pas à en prendre à ce point plein les yeux. En effet, rares sont les scénographies qui nous marquent à ce point, la dernière en date étant très probablement, dans un autre style, celle de la pièce Oublie-moi, dont le succès au dernier festival hante encore les rues d’Avignon… Là encore, il y a de la beauté dans l’air…
Un bijou d’esthétisme
Impossible, donc, de ne pas commencer par parler de cette scénographie fabuleuse et envoûtante qui nous a laissé les yeux écarquillés pendant tout le spectacle. Quelle merveille ! Philippe d’Avilla et Franck Harscouët nous offrent ici un pur bijou. On délaisse d’ailleurs parfois un peu les comédien.ne.s pour explorer du regard les moindres détails de ce décor foisonnant d’objets en tous genres.
![Avignon 2023 – Jonasz au grenier_2](https://linfotoutcourt.com/wp-content/uploads/2023/07/Avignon-2023-–-Jonasz-au-grenier_2.jpg)
Des bougies aux flammes vacillantes, des malles empilées les unes sur les autres, une grande horloge dépossédée de ses aiguilles, un gramophone, de grands rouleaux de tissus, un saxophone, des morceaux d’étoffes encore piégés dans une machine à coudre… Et puis un piano en bois dont les notes vont résonner durant presque 1h20…
Un moment hors du temps
Nous sommes, il est vrai, « un peu » corruptibles à la beauté, à la poésie et à l’émerveillement ! Nous étions donc déjà assez acquis à la découverte de ce grenier un peu magique que les lumières de Philippe d’Avilla plongent dans une atmosphère légèrement enfumée et absolument féérique, aux nuances de rose, de bleu, ou encore de rouge.
Et puis, c’est aussi dans cet instant où le décor prend vie, s’éclaire ; où les mannequins s’animent soudain, telles des poupées désarticulées, que la magie opère. « Coudes montés à l’envers, jamais servi. », explique l’une d’elle, lovée dans un épais fauteuil, pour justifier qu’elle ait été remisée dans ce grenier. Avec son imposante jupe en tulle étalée tout autour d’elle, elle semble directement sortie d’une boîte à musique de notre enfance et nous captive.
Jonasz, un répertoire musical poétique
Un petit nouveau vient de rejoindre la famille du grenier après avoir travaillé pendant 20 ans dans une galerie marchande. Les annonces promotionnelles, ça le connaît ! Et il a d’ailleurs un peu de mal à s’en défaire ! Dans ce rôle, l’attachant Tristan Garnier, que nous avions découvert et adoré dans Zourou, au-delà des mots, l’un des spectacles de notre sélection pour cette nouvelle édition du OFF, est tout à fait à sa place.
En effet, le comédien apporte, ici encore, une touche d’humour et de sensibilité qui nous charment. Aussi bien dans le jeu qu’en tant que musicien d’ailleurs, puisqu’en plus d’en interpréter certaines, il accompagne au piano ou au saxophone la plupart des chansons du spectacle. Nous retiendrons surtout sa très jolie version du magnifique blues, Le piano et le pianiste.
![Avignon 2023 – Jonasz au grenier_3](https://linfotoutcourt.com/wp-content/uploads/2023/07/Avignon-2023-–-Jonasz-au-grenier_3.jpg)
À ses côtés, Amala Landré et Malaurie Duffaud nous livrent des interprétations tout en dentelle des chansons de Jonasz dont la poésie ne nous était pas très familière. Cette dernière nous offre d’ailleurs une version de J’veux pas qu’tu t’en ailles venue des tripes qui nous secoue, tandis qu’Amala Landré aborde avec grâce et délicatesse le classique Je voulais te dire que je t’attends. Probablement nos moments musicaux préférés.
Un spectacle avant tout musical
Nous avons aimé rêver les yeux ouverts ; nous avons aimé découvrir le répertoire d’un artiste que nous connaissions peu ; nous avons même finalement aimé que ce spectacle se déroule à 23h, juste avant l’heure où les mannequins du grenier commencent à s’animer, dans l’ambiance feutrée de ce grenier que nous n’avons plus vraiment envie de quitter. Les vingt dernières minutes de cette parenthèse enchantée, qui voient s’enchaîner plusieurs chansons sans plus vraiment de connexion à l’histoire, nous ont toutefois paru un peu longues.
![Avignon 2023 – Jonasz au grenier_4](https://linfotoutcourt.com/wp-content/uploads/2023/07/Avignon-2023-–-Jonasz-au-grenier_4.jpg)
Malgré cela, nous ne sommes vraiment pas passés loin du coup de cœur. Pour cela, nous aurions aimé que l’histoire ainsi que les liens entre les personnages et l’émotion prennent au moins autant de place que les chansons et tissent un véritable lien avec elles. Il faut dire que ce décor ainsi que le postulat de départ de cette histoire constituent un terreau fertile à l’imaginaire et viennent à frapper à mille portes que l’on aurait envie d’ouvrir… Quoi qu’il en soit, Jonasz au grenier est un spectacle qui risque de beaucoup faire parler de lui durant ce festival !
Jonasz au grenier, écrit et mis en scène par Franck Harscouët, avec Amala Landré, Tristan Garnier & Malaurie Duffaud, se joue du 7 au 28 juillet, à 23h (relâche les vendredis), au Théâtre Actuel.
[UPDATE 2023] Se joue à partir du 8 octobre au Théâtre La Bruyère.
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![Avignon 2023 – Jonasz au grenier](https://linfotoutcourt.com/wp-content/uploads/2023/07/Avignon-2023-–-Jonasz-au-grenier.jpg)
Avis
"Il n'y a pas de matière morte", tel est, en résumé, le postulat final de ce spectacle, qui gagnerait d'ailleurs à se placer en préambule, à la manière d'un 'Il était une fois...' Bien qu'il n'ait pas exploré tout son potentiel, ce spectacle aux airs de conte, de chimère, nous offre une superbe parenthèse enchantée.