Un soir chez Renoir nous replonge dans l’époque des Impressionnistes pour nous parler d’Art, mais aussi d’amitié.
Un soir chez Renoir nous ramène en hiver 1877. Renoir, Monet, Morisot, Degas et Zola préparent joyeusement leur troisième exposition indépendante. Mais Renoir cache un secret qui ne va pas tarder à faire l’effet d’une bombe. Après quatre années d’inertie, et pour pouvoir manger à sa faim, il a décidé d’exposer au Salon Officiel, où ils s’étaient tous et toutes jurés de ne pas remettre les pieds. La soirée va alors prendre une autre tournure…
On vous le disait dans un précédent article, c’est toujours une promesse qui nous guide vers un spectacle plutôt qu’un autre. Celle d’un titre, d’une affiche, d’un théâtre, d’une mise en scène, d’un(e) auteur(e), d’un artiste, d’une recommandation… La promesse, ici, était celle d’une compagnie qui les tient toujours : la compagnie Hé ! Psst ! Un soir chez Renoir faisait donc partie de notre sélection, de nos espoirs de ce OFF. Et il aura suffi d’un coup de pinceau pour que l’espoir se change en coup de cœur… !
Une distribution aux petits oignons !
Quelle joie de revoir sur scène Sylvain Zarli, dont la prestation dans Le journal d’un fou nous avait époustouflés lors du OFF 2019 ! Il incarne ici avec beaucoup de prestance et de solidité un Degas qui aime faire les choses à sa manière. Quel bonheur également – c’est peu dire – de retrouver tout le charme et la malice du jeu de Romain AK dans le rôle du peintre bohème, Renoir ! Un rôle (de plus) qui va comme un gant au talentueux comédien.
Nous avons aussi découvert le charisme d’Elya Birman, dont l’interprétation habitée de Monet nous a séduits. Alice Serfati a également retenu notre attention. Bien que les interventions de son personnage de servante effrontée soient rares, elles ont le mérite de ne pas passer inaperçu.
Cinq peintres aux ambitions différentes
On prend un plaisir fou à passer cette soirée en compagnie de ces personnages intensément vivants, vibrants, passionnés ; de les observer faire vivre leur amitié à coups de rires, de grivoiseries, de confidences, de débats et de désaccords. D’autant que l’histoire est intelligemment construite, de sorte que l’on saisit parfaitement la teneur des liens qui les unissent les uns aux autres, aussi bien que les enjeux personnels que nourrit chacun d’eux.
« J’essaye d’attraper des instants charmants et de les fixer sur mes toiles, c’est tout. »
Tandis que Degas est spécialiste des blancs, la seule obsession de Renoir est de capturer la beauté de l’instant. Monet, lui, c’est la lumière qui le fascine. Pour Zola en revanche, leurs toiles à tous devraient avoir l’ambition de changer le monde, de dénoncer. Il y voit là un moyen de fragiliser le Salon, d’attirer l’attention sur eux et sur leurs idées. Il reproche au reste du groupe sa légèreté. Si bien que les tensions qui vont surgir au sein du groupe semblent inévitables.
Une création exigeante et accessible
Le texte de Cliff Paillé – dont on ne se lasse pas de découvrir les créations toujours tout en finesse et poésie – est plein d’esprit, de doubles-sens, d’humour. Si bien que c’est une pièce que l’on irait sans se faire prier voir une seconde fois, pour être bien sûr de n’avoir rien manqué, de ne pas être passé à côté de l’une de ces formules qui nous décrochent un sourire, nous font réfléchir. Pour apprécier encore un peu aussi toute l’élégance qui se dégage aussi bien de la mise en scène que du décor parsemé de toiles retournées, ou encore des costumes.
L’auteur prolifique dont on peut retrouver deux autres petits bijoux dans ce festival – Tant qu’il y aura des coquelicots et Chaplin, 1939 – nous offre, comme à son habitude, une pièce documentée et instructive… mais ni pompeuse ni ennuyeuse, ça non, jamais ! Ainsi, non seulement on se cultive sans effort en découvrant le combat mené par les Impressionnistes pour faire accepter leur art, mais l’on nourrit également notre esprit critique.
« La foule, c’est la paresse des désirs intimes. »
Car, en filigrane de cette pièce, c’est une peinture sociale de l’époque qui s’esquisse. Une critique du conformisme qui vient étouffer les libertés, de l’industrialisation frénétique, des inégalités, de l’uniformisation. Uniformisation des goûts, des pensées, de l’Art… Un soir chez Renoir ouvre une fenêtre sur le passé pour nous parler d’aujourd’hui, aussi. Un moment aussi divertissant qu’intelligent que l’on vous recommande vivement !
Un soir chez Renoir, de Cliff Paillé, avec Romain Arnaud-Kneisky, Elya Birman, Alexandre Cattez, Lisa Garcia, Alice Serfati & Sylvain Zarli, mise en scène Cliff Paillé & Marie Broche, se joue à l’Espace Roseau Teinturiers, à Avignon, du 07 au 29 juillet à 18h50 (relâche le mardi).
[UPDATE 2023] : Se joue du 3 mai au 11 juin au Lucernaire.
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Avis
Nul besoin d'être passionné de peinture pour apprécier cette pièce, ni même de s'y intéresser à vrai dire. Le propos est rendu aussi accessible que passionnant par un texte fin qui mêle habilement richesse historique et humour.