Moi vivante est un seule-en-scène qui nous plonge dans la vie d’une femme qui collectionne les avis de décès et se croit immortelle.
Moi vivante est l’histoire coquasse de Ferdinande Mouthe, 44 ans, vivante. La mort, elle en est persuadée, c’est pour les autres. D’ailleurs, elle collectionne depuis son plus jeune âge les rubriques nécrologiques. Preuve que ce n’est pas à elle que ça arrive de mourir ! Elle nous raconte son existence et nous fait rencontrer quelques personnages qui l’ont marquée…
C’est une petite pépite de poésie que nous offre Marie-Hélène Goudet. Avec beaucoup de légèreté et d’humour, elle nous fait réfléchir à la mort… mais surtout à la vie.
« Mourir ? Moi vivante JAMAIS ! »
Une jolie galerie de personnages
C’est dans un petit appartement au papier peint fleuri que Ferdinande apparaît. Une pile de journaux entassés sur un bureau, un mur couvert de photos encadrées et quelques bouteilles de vin posées au sol complètent ce décor intimiste. Quand elle était petite, ses albums Panini à elle étaient des cahiers remplis d’avis de décès qu’elle découpait soigneusement, nous raconte-t-elle. Elle nous en lit d’ailleurs quelques-uns, tirés de ses quelques 34 années de collection !
Puis, on rencontre sa tante, pas toujours tendre, qui se désole de ne pas la voir plutôt jouer à la marelle ou à la corde à sauter. On croise aussi Marguerite, une voisine qui perd la mémoire mais qui n’oublie pas qu’elle « aime les bêtes, même les hommes qui deviennent des bêtes ». Sans oublier la coiffeuse commère, un curé et une psychologue clinicienne dont la caricature nous a bien fait rire ! Des personnages que la comédienne incarne avec finesse et drôlerie, et que l’on prend plaisir à découvrir.
Une plume qui cajole
Décidément, la mort et le sens de la vie sont des thématiques particulièrement présentes dans les spectacles de cette édition du OFF. De quoi nourrir comme il faut quelques réflexions philosophiques et autres questionnements existentiels dont nous ne manquions déjà pas ! Parce que c’est aussi à ça que ça sert, le spectacle vivant.
Moi vivante nous a rappelé Le tout petit prince minuscule d’Yves Cusset, interprété par Ernaut Vivien, qui nous avait tant bouleversés au OFF 2019 que son retour cette année lui a valu une place dans nos recommandations pour cette nouvelle édition du Festival.
Ce que ces spectacles ont en commun, c’est leur profonde humanité. C’est leur manière d’aborder des thèmes pas forcément simples avec une touche de naïveté, un peu de dérision et beaucoup de tendresse. Si bien que c’est directement à notre cœur qu’ils s’adressent. Ainsi, à travers ce personnage hors du commun qu’elle interprète généreusement, Marie-Hélène Goudet nous donne aussi à réfléchir sur nous-mêmes.
Une interprétation sensible
Cette Ferdinande se défend d’être mortelle, mais elle fait tout de même attention à « ne pas vivre trop fort » pour que la mort ne la remarque pas et continue à se concentrer sur les autres. On comprend surtout que c’est sa peur de la perte et de l’absence qu’elle dissimule au milieu de ces avis de décès bien organisés et du soin qu’elle prend à ne vivre que dans l’instant présent, sans étreinte.
« Dans une étreinte, on peut entendre le cœur de l’autre. Et s’il s’arrêtait de battre d’un coup ? »
Marie-Hélène Goudet est très touchante dans son interprétation et dans cette présence attentive que l’on ressent dès les premiers instants. Elle joue avec le cœur, c’est évident. Il n’y a qu’à voir les larmes qui habitent ses yeux à certains moments, et qui résistent de justesse à la gravité. Des larmes qui deviennent les nôtres dans les dernières minutes du spectacle, bouleversantes de simplicité et teintées d’une douceur éternelle.
Moi vivante, de et avec Marie-Hélène Goudet, mise en scène Emmanuel Besnault, se joue au Théâtre Isle 80, du 07 au 30 juillet, à 19h05 (relâche le mardi).
[UPDATE 2023] Du 07 octobre au 09 décembre au Théâtre La Flèche.
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Avis
Quelques très jolis effets de mise en scène viennent appuyer la poésie de ce texte rempli de merveilles. On écoute attentivement chaque phrase, guettant le jeu de mot, la formule poétique ou le trait d'humour. Et quand ça se termine, c'est comme si on refermait une boîte à musique après s'être laissé bercer par sa mélodie mélancolique