Maryvonne est une pièce de théâtre documentaire qui explore la relation entre une grand-mère et sa petite-fille, en quête de réponses.
Maryvonne est l’une de nos surprises de cette édition du Festival OFF. Surprise car, tout comme pour Traversée en eau sombre d’une piscine peinte en noir, qui se joue d’ailleurs dans le même théâtre, cette pièce n’avait à priori rien pour nous plaire. Et pourtant…
En effet, le théâtre documentaire, dans l’idée, ce n’est pas vraiment ce qui nous stimule. Mais un ensemble de « hasards » – qui n’en étaient certainement pas – ont fini par nous rendre curieux. Et puis, à Avignon, un coup de cœur assuré est toujours plaisant, mais il faut aussi savoir prendre des risques et laisser de côté ses craintes et ses à -priori…
Plus captivant qu’on ne l’aurait imaginé
Cette création rejoue la conversation filmée entre une grand-mère de 85 ans et sa petite fille venue renouer le lien. Cette grand-mère n’est pas la nôtre, et ce qu’elle nous raconte n’a rien d’incroyable. Elle ne raconte pas tant de choses que ça d’ailleurs, et se raconte encore moins. Et pourtant, on est captivé par cet échange, par certaines réalités qu’il nous force à regarder en face, par cette forme aussi qui offre bien plus de possibilités de mise en scène qu’on ne l’aurait pensé.
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En effet, Camille Berthelot parvient à rendre le procédé dynamique et vivant. Il y a ce qui se joue dans la vidéo projetée en fond de scène, et ce qui se joue sur le plateau. Il y a cette grand-mère qui dissimule ses émotions derrière sa cigarette, son café, sa pile de livres et un visage impassible, et cette petite-fille qui dialogue depuis la scène avec cette image filmée, qui l’écoute, l’observe, la questionne.
Une image dans laquelle les jeux de lumière semblent parfois la projeter elle aussi, dans laquelle elle vient d’autres fois fondre son ombre. Et puis il y a ses mots qui viennent parfois se poser sur la vidéo – soudain rendue muette – qui continue à défiler. À d’autres moments, l’image se fige et la jeune femme s’adresse alors à nous pour commenter, nous raconter.
Un moment d’échange attendrissant
Les extraits de livres que choisit de partager Maryvonne sont inspirants. Ils parlent d’amour, du deuil, de la jeunesse, de tendresse. Un peu d’elle sans doute aussi. Et puis, la trivialité de certains mots, de certains gestes, devient poétique. On sourit beaucoup tout au long de ce spectacle car il s’en dégage quelque chose de parfaitement authentique, de pur. Si bien que l’on se laisse même parfois surprendre par l’émotion.
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Car, même s’il y a beaucoup de pudeur dans cet échange qui donne l’illusion de se dérouler en temps réel, la tendresse s’invite dans quelques instants où la petite-fille s’approche de l’écran et caresse ce visage absent. Dans ces instants de silence, aussi, où Maryvonne semble s’échapper dans un ailleurs qui n’appartient qu’à elle…
« Je devrais sourire plus souvent mais je ne sais pas faire. »
Et puis elle est touchante cette « petite vieille un peu grognon et pas commode », ainsi qu’elle se définit ! Et drôle aussi, dans cette façon qu’elle a de dire les choses, sincère, sans filtre et avec une bonne dose d’auto-dérision.
Une interprétation tout en délicatesse
Avec sa présence sensible et lumineuse, Alma Livert était certainement la comédienne idéale pour ce rôle. La preuve, nous étions persuadés que cette grand-mère était la sienne. Son interprétation est délicate, sobre. Elle est cette petite-fille qui veut juste créer le lien qu’elle n’a jamais eu avec sa grand-mère, sans la juger, sans la brusquer. Cette petite fille qui espère que les mots viendront, ceux qui parleront enfin d’une disparition brutale, ceux qui parleront d’amour.
Camille Berthelot, autrice de la pièce – et vraie petite fille de Maryvonne – se demandait : « Est-ce que ça va parler à quelqu’un ce que je raconte ? ». Ce petit morceau d’intimité ne nous appartient pas, c’est vrai, mais il nous renvoie à bien d’autres choses qui appartiennent à chacun de nous. À ce qui est essentiel.
Maryvonne, de Camille Berthelot, avec Alma Livert, mise en scène Camille Berthelot, se joue du 08 au 27 juillet, à 13h05, au Théâtre du Train bleu (relâche le jeudi).
Puis, à Paris les 7, 8 et 9 décembre au Nouveau Théâtre de l’Atalante.
Retrouvez tous nos articles consacrés au Festival Off d’Avignon ici.
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Avis
Par ce film, Camille Berthelot voulait rencontrer, raconter cette grand-mère dont elle n'a jamais été proche mais qu'elle avait besoin de connaître. De cet échange fragile et pudique nous devenons les spectateurs privilégiés. Un joli moment.