Les mémoires de Paul Palandin est l’histoire drôle et touchante d’un homme à la recherche de ses souvenirs perdus.
Les mémoires de Paul Palandin est l’une de nos belles découvertes de ce OFF. Nous n’avions pas vraiment d’attentes quant à cette pièce, nous avions surtout envie de découvrir le travail de Grégory Corre à l’écriture. Car nous connaissions déjà les qualités du comédien, que l’on retrouve dans deux très belles créations durant cette édition du Festival OFF : La dernière lettre, de Violaine Arsac, et Titanic, des Moutons Noirs.
La mémoire de Paul Palandin va et vient. Et ça ne semble pas aller en s’arrangeant quand viennent s’y ajouter des hallucinations. Enfin, surtout une : une pianiste aveugle et très bavarde qui ne le quitte quasiment plus ! Entre passé et présent, ce récit tendre et drôle nous a serré dans ses bras et nous a enthousiasmés.
Quand les souvenirs se font la malle…
Après Oublie-moi, notre gros coup de cœur de ce OFF, Les mémoires de Paul Palandin nous offre une nouvelle plongée dans les méandres de la mémoire qui s’effiloche. C’est probablement parce que ce thème est douloureux et qu’il nous concerne potentiellement tous que l’humour semble être l’approche privilégiée pour l’aborder. Et ça fonctionne merveilleusement bien, sans pour autant que le propos n’y perde de son intensité.
Avec l’aide de sa psy, Paul tente de comprendre. Comprendre pourquoi sa mémoire lui joue ainsi des tours, pourquoi Rose ne vient pas le voir, pourquoi ses souvenirs lui échappent inlassablement à chaque fois qu’il parvient à leur remettre la main dessus… Et pourquoi cette pianiste que personne d’autre que lui ne semble voir vient de débarquer dans sa chambre ! Du coup, nous aussi on aimerait comprendre comment tout a pu ainsi basculer…
« Je veux comprendre pourquoi, parfois, je me sens vide. »
Pour cela, nous suivons Paul dans ses nombreux allers-retours dans le passé et observons ainsi l’histoire se recomposer depuis ce dîner avec Auguste et Susan, un couple d’amis, qui avait rapidement fini par devenir gênant. Son histoire, mais aussi celles des autres personnages par la même occasion. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises !
Une distribution réjouissante
On prend beaucoup de plaisir à passer ce moment avec cette équipe sur scène et ces personnalités qui se complètent fort bien. On adore le personnage improbable et un peu (beaucoup !) barré de la pianiste qui apporte une dose d’humour et de légèreté vivifiantes à la pièce. Avec son petit côté Marie-Anne Chazel, sa voix aiguë et ses interventions décalées, Emmanuelle Bougerol est désopilante, sans jamais en faire trop. Si bien que l’on finit par rire rien qu’en la voyant !
On aime aussi beaucoup Rose, sa fraîcheur, et son sens de la répartie qui laisse entrevoir un tempérament assumé. Lætitia Vercken apporte à ce personnage un charme, un naturel et une finesse qui la rendent très attachante.
Yannick Mazzilli incarne avec toute la force et la subtilité nécessaires un Auguste sympathique un instant, et exécrable l’instant d’après, surtout avec sa femme. La passivité de cette dernière, interprétée par Sandra Colombo, nous a d’abord un peu gênés. Heureusement elle ne dure pas ! Quant à Johann Dionnet, il est juste, et donne à ce Paul un côté à la fois touchant et troublant. Bref, on les aime tous !
Une construction efficace
La construction de l’histoire est aussi géniale que surprenante. Elle donne du rythme au récit, permet d’instaurer un certain suspense, et offre de nombreux rebondissements. Entre les allers-retours dans le passé, les effets de répétition – comme cette formidable scène de la rencontre du couple au restaurant ! – et ces éléments de réponse qui nous parviennent petit à petit…, il n’y a aucun temps mort.
On adore aussi la manière dont les personnages des flashbacks s’adressent parfois au Paul du présent pour y aller de leurs commentaires, puisqu’après tout c’est dans sa mémoire qu’ils se trouvent, tout est donc possible !
C’est dans la tête de Paul que nous avons finalement aussi l’impression de nous retrouver ! La mise en scène de Christophe Canard & Constance Carrelet est habile et rendue très contemporaine par de nombreux aspects. Elle nous fait habilement flirter entre passé et présent avec des transitions très fluides et réussies entre les scènes, le tout soutenu par un jeu de lumières efficace.
Une jolie manière d’aborder un sujet douloureux
Les mémoires de Paul Palandin nous fait passer par beaucoup d’émotions différentes. On est intrigué par ces zones d’ombres autour de la vie de Paul ; on rit chaque fois que la pianiste se manifeste ; on est attendri de sa complicité avec Rose lorsqu’ils emménagent ensemble ; et on est touché par leur histoire à mesure que les pièces du puzzle se mettent en place et que l’on comprend ce qui se cache derrière ces amnésies.
Avec ce texte, Grégory Corre aborde la perte de la mémoire sur un ton léger et dédramatisant. Ce qui se joue de douloureux dans cette histoire est à peine effleuré, l’auteur ne s’y attarde pas. Car retrouver ces souvenirs égarés permet surtout à Paul Palandin de comprendre que ce n’est pas là que son présent se joue, et de s’en libérer. Avec cette question étrange – quoi que pas tant que ça – qui se pose en filigrane : et s’il suffisait de savoir oublier pour être heureux ?
Une belle réussite.
Les mémoires de Paul Palandin, de Grégory Corre, avec Johann Dionnet, Laetitia Vercken, Yannik Mazzilli, Sandra Colombo, Emmanuelle Bougerol, mise en scène Christophe Canard & Constance Carrelet, se joue du 07 au 30 juillet, à 16h au Théâtre des Béliers Avignon (relâche le mardi).
[UPDATE 2024] Se joue le 11 janvier à 19h30 au Grand Point Virgule.
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Avis
À la fois comédie romantique et dramatique, cette pièce intelligente et moderne nous fait passer un délicieux moment. Chacun de ses personnages a un rôle fort, ce qui enrichit la pièce d'intrigues multiples. Tous les ingrédients du succès sont réunis et cet Avignon ne devrait être qu'un début pour Paul Palandin