Le fils est le récit pudique et poignant de la mort fulgurante du fils du narrateur par le jeune homme lui-même.
Le fils, c’est Lion. Brutalement décédé à l’âge de 21 ans, emporté par une méningite fulgurante. Il revient dans le théâtre familial pour mettre en scène son histoire.
Céline Pitault signe l’adaptation de l’œuvre de Michel Rostain, récompensée du prix du Goncourt du premier roman en 2011. Le récit du deuil difficile de ce père à travers la voix tendre et ironique de son fils. Un moment de théâtre d’une grande intensité, qui parle de la mort tout en célébrant la vie.
Le lent va-et-vient du deuil
C’est donc à travers la voix du fils qui s’adresse directement à lui que ce père nous raconte d’abord les instants qui ont précédé l’impensable. Une mise à distance qui permet d’accéder à l’émotion avec une certaine pudeur, d’y mettre de l’humour, de l’oxygène. Minute par minute, nous revivons avec lui les banalités du quotidien qui prennent soudain une toute autre dimension dès lors qu’ils deviennent les derniers instants de bonheur, d’insouciance, de ce qui s’appellera désormais « avant ». Depuis allées du supermarché jusqu’à la dernière nuit de fièvre, la salle de réanimation…
« La mort, c’est une machine à regrets, papa ! »
Et puis il y a l’après. Le catalogue de cercueils, les obsèques, l’absence, le chaos. Il y a le deuil qui vient forcer le passage pour se frayer un chemin à travers les photos, les souvenirs, le déni. Et si la vie était le meilleur moyen de faire face à la mort ? Si l’existence de l’être aimé pouvait se prolonger au-delà de sa présence visible ? Dans l’éruption d’un volcan en Islande par exemple… Dans ces synchronicités par lesquels la vie nous fait des clins d’œil.
La vie qui bouillonne
Il y a quelque chose de puissamment tendre et de merveilleux dans cette histoire douloureuse ; dans l’énergie exaltée de ce fils disparu qui encourage ses parents à raconter la vie, encore et encore, pour que ce soit elle qui triomphe ; dans ces musiques qui viennent réveiller l’enfance ou transformer l’enterrement en fête ; dans ces paysages enchanteurs d’Islande qui semblent devenus son au-delà…
Un voyage intime et pudique
En orfèvre des mots et de l’émotion, Céline Pitault vient porter la voix de ce fils disparu, mais aussi celles de son père et de sa mère qui se débattent comme ils peuvent avec leur culpabilité, leur quête de sens, l’immensité de leur chagrin. Et il n’y avait probablement qu’elle pour transmettre avec tant de délicatesse toute l’émotion et la pudeur de ce récit bouleversant et par moments presque onirique.
« La parole, la musique et l’image poétique sont les trois langages de la pièce. Dans un même mouvement, j’ai fait un travail sur le rythme, la respiration, la texture des mots afin d’aboutir à une partition d’émotion. « explique Céline Pitault qui gère elle-même et avec une remarquable précision les respirations musicales du récit. Rien que des pulsations de vie, encore.
Dans une mise en scène épurée, elle habite aussi bien l’espace que les rôles qu’elle incarne ou encore les différents lieux que traverse le récit, et que l’on peut contempler dans son regard. Si bien que nous ne sommes pas les spectateurs de ce voyage, nous voyageons à ses côtés, à leurs côtés.
Transcender la mort par la vie
Le thème est douloureux, bien sûr, et l’on sort forcément chahutés de cette exploration intime du deuil. Mais c’est aussi ça, la mort, et cette pièce ne cherche pas à le nier ni à l’éviter. Elle nous invite en revanche à la regarder en face, sans trembler ; à saisir la nécessité de son acceptation et tout ce qui peut éclore de cette indicible douleur.
« Merci à je ne sais quoi ; pour le récit des mille beautés au milieu de notre chaos. »
C’est toujours un véritable bonheur de retrouver Céline Pitault sur scène, de l’observer transcender ainsi chacun de ses rôles, faire jaillir la poésie et la beauté du plus profond de son âme avec tant de grâce et de justesse. Qu’il s’agisse donner la parole à un fils décédé ou à une poétesse russe comme dans sa précédente pièce, Celle qui revient là.
C’est un merveilleux hommage qu’elle rend là au roman de Michel Rostain, à ces parents endeuillés. C’est un merveilleux hommage qu’elle rend à Lion, à l’amour, à la vie.
Le fils, d’après le roman de Michel Rostain, mis en scène et avec Céline Pitault, se joue au Théâtre Transversal, à Avignon, du 07 au 26 juillet, à 16h20 (relâche le mercredi).
Retrouvez tous nos articles consacrés au Festival Off d’Avignon ici.
Avis
Difficile de parler d'un seul en scène tant la présence de ces trois personnages se fait sentir. Ce récit d'une grande délicatesse est avant tout un témoignage d'amour puissant auquel Céline Pitault donne vie avec beaucoup de beauté et cette sensibilité qui la caractérise.