La vie est une fête est une chronique émouvante et piquante qui retrace 45 ans du parcours de la vie d’un homme en quête de lui-même.
La vie est une fête est la nouvelle mise en scène de Virginie Lemoine, habituée du Festival OFF. Habituée aux succès aussi ! Et ce n’est pas cette année que ça risque de changer ! C’est avec le bon goût et la finesse qui la caractérisent qu’elle revient avec une mise en scène de la pièce de Lilian Lloyd autour de l’homosexualité.
C’est l’histoire de Romain. L’histoire d’une rencontre avec soi-même, des obstacles qu’il faut franchir pour espérer vivre en paix avec sa différence quand on est, au fond, si semblable aux autres. C’est une comédie parsemée de drames quotidiens, ceux de l’intolérance et de la bêtise. Une histoire simple et légère, portée par des comédien(ne)s qui la rendent probablement plus géniale encore qu’elle ne l’est !
Le long chemin vers soi
À la fois narrateur et personnage de son histoire, Romain s’adresse régulièrement à nous au gré des incursions dans son passé pour nous raconter son parcours de vie. Ainsi, nous assistons à un enchaînement rythmé de scènes de son quotidien qui se rejouent sous nos yeux. Sa première relation sexuelle avec sa meilleure amie, l’annonce de son homosexualité à ses parents, le rejet de ses premiers élans homosexuels, ou encore sa première relation avec un homme…
Et puis il y a l’ignorance et la culpabilité de ses parents qui cherchent une cause, une explication à une réalité qui n’en a pas, qui est simplement ce qu’elle est. La fascination de son meilleur ami aussi, un peu vexé de ne pas avoir été l’objet d’un quelconque désir de sa part ! Bref, des idées reçues et des préjugés en veux-tu en voilà. Beaucoup d’ignorance aussi.
« La vie est une fête, habille-toi pour ça. »
Audrey Hepburn
Il faut dire qu’il n’est pas aidé avec cette mère cynique et dépressive, incapable d’amour, et ce père tendre mais maladroit. « Si en plus t’es pédé, j’aurai vraiment tout raté. » se désole-t-elle. Mais Romain ne veut pas se battre, ni contre ses parents, ni contre la société. Il ne veut rien défendre ni être le symbole d’aucune cause. Tout ce à quoi il aspire c’est qu’on le laisse vivre à sa manière, sans aucune forme d’engagement.
La petite histoire doit-elle écrire la grande ?
Mais peut-on se tenir à l’écart de l’engagement politique et sociétal que représente le fait d’être homosexuel dans une société qui a encore tant de chemin à parcourir en terme de tolérance et d’égalité ? L’acte de militer est-il un droit ou devient-il un devoir dans de telles circonstances ? C’est la principale question qui se pose tout au long de ce récit, et qui fait évidemment réfléchir même si la réponse est tout de même assez fortement suggérée.
Car, en même temps que Romain déroule le fil un peu noué de son histoire, c’est aussi l’Histoire mouvementée des années 80 à nos jours qui s’esquisse. Et, nous retourner sur cette époque charnière pour la libération de l’homosexualité en France, c’est aussi l’occasion de se souvenir que les acquis sont récents, fragiles. Et que les peurs irrationnelles et autres idées reçues à combattre sont encore nombreuses.
En effet, rappelons-nous que ce n’est qu’en 1990 que l’Organisation Mondiale de la Santé a retiré l’homosexualité de son registre des maladies. Et que le don du sang n’est autorisé aux hommes homosexuels que depuis 2016…
Un casting qui fonctionne à merveille
Julien Alluguette – que l’on retrouve notamment dans la série de TF1 ‘Ici tout commence‘ – est captivant, attachant et vrai dans ce rôle si contemporain. Il pourrait être le frère, le fils, le meilleur ami de chacun de nous. Il pourrait être nous. Et si ses camarades de scène sont tous à la hauteur, nous avons eu un petit faible pour Alexis Victor & Valérie Zaccomer qui incarnent notamment ses parents.
Tous deux sont très convaincants et nous font ressentir des sentiments vifs à leur égard. Alexis Victor incarne ce père aimant et généreux mais pudique et plein de maladresse avec une justesse qui le rend touchant. Quant à Valérie Zaccomer, elle est incroyable dans le rôle de cette mère antipathique et névrosée qui aurait préféré une fille et reporte sans cesse son amour à plus tard.
La mise en scène de Virginie Lemoine est pleine de fraîcheur et de dynamisme. Elle s’articule autour d’un décor épuré, en arc de cercle, comportant plusieurs portes par lesquelles les personnages vont, viennent et s’entrecroisent au rythme de la chronologie des évènements, de leurs émotions, réflexions et prises de conscience. Ce qui donne une impression de mouvement perpétuel qui nous entraîne littéralement dans l’histoire.
Une comédie feel good
Les années passent au rythme des anniversaires de Romain et des cadeaux de son père qui sont autant de clins d’œil aux différentes époques traversées. Le comique de répétition fonctionne à merveille, notamment dans une scène rendue hilarante par l’hyperactivité soudaine de la mère ! Et c’est précisément ce qui rend cette pièce si plaisante et pétillante : cette simplicité dans la manière d’aborder les choses. Cette priorité donnée à la vie, à la joie, à l’espoir. Dommage que le propos se fasse parfois un peu moralisateur.
La vie est une fête est une pièce qui milite sans trop en avoir l’air, qui parle avant tout d’amour et d’humanité et qui, après nous avoir beaucoup fait sourire et rire, a fini par nous décrocher une larme.
La vie est une fête, de Lilian Lloyd, avec Julien Alluguette, Ariane Brousse, Benjamin Tholozan, Alexis Victor & Valérie Zaccomer, mise en scène Virginie Lemoine, se joue au Théâtre Actuel, du 07 au 30 juillet, à 19h05 (relâche le mardi).
[UPDATE 2023] Se joue du 7 au 29 juillet, à 10h, au Théâtre du Roi René au Festival d’Avignon.
Retrouvez tous nos articles consacrés au Festival Off d’Avignon ici.
Avis
La vie est une fête est frais et léger dans la forme, profond et engagé dans le propos. On rit beaucoup, on est parfois attendri, on fredonne sur quelques notes de Supertramp, Pink Floyd, Police, Queen ou David Bowie. Un moment divertissant et touchant qui célèbre avant tout la vie.