Bien au-dessus du silence est un spectacle de poésie entièrement théâtralisée qui nous parle du monde d’hier et d’aujourd’hui.
Bien au-dessus du silence est une création de Violaine Arsac, dont nous suivons de très près le travail depuis quelques années. Après avoir conquis plusieurs éditions du Festival OFF avec Les passagers de l’aube et La dernière lettre – qui fait partie de notre sélection pour cette édition 2022 – c’est avec cette sensibilité que l’on aime tant, et toujours accompagnée de la formidable équipe du Théâtre des Possibles, qu’elle donne ici voix aux mots des poètes engagés.
« Peu importe que les textes aient été écrits il y a deux siècles, 50 ans, ou 10 jours, en français, en espagnol, en russe, ou en arabe : la parole du poète a une portée universelle, qui garde le fil ténu de l’espérance allumé. »
Violaine Arsac
La poésie pour étendard
Maram al-Masri, Louis Aragon, Aimé Césaire, René Char, Jean-Baptiste Clément, Marianne Cohn, Robert Desnos, René Depestre, Paul Eluard, Victor Hugo, Abdellatif Laâbi, Pablo Neruda, Jacques Prévert, Yannis Ritsos, Constantin Simonov, Anne Sylvestre. Autant de poètes dont l’inspiration et l’engagement viennent donner à ce spectacle toute son essence.
Les nommer est important car ce qu’ils disent est essentiel et traverse le temps. Ils revendiquent la liberté, l’égalité, la fraternité, devise qui leur appartient à eux plus qu’à nul autre. Ils combattent la guerre, la peine de mort, la misère, l’injustice, l’oppression et tout ce qui empêche de vivre ensemble et libres ; défendent la paix, l’humain, la Terre qui « n’en peut plus (…) qui vous a tout donné et qui a tant perdu. »
Un propos intemporel
On pourrait dire que les mots de ces poètes résonnent tout particulièrement avec notre époque. Mais, à y regarder de plus près, chaque époque a matière à les faire résonner avec la même force. Car ce qu’ils écrivent, ce qu’ils murmurent, ce qu’ils hurlent est intemporel et universel. Leurs vers et leur prose évoquent les combats qui n’en finissent pas d’être menés, les causes qui s’obstinent à vouloir être perdues. Triste constat que celui-là, au fond.
Mais pas question de se résigner, de renoncer, et encore moins de se taire. Car c’est par la poésie, par ce qu’elle donne à voir et à comprendre du monde, par ce qu’elle soustrait au silence, par ce qu’elle parvient à extraire du pire, que le monde pourra continuer à avancer ; qu’il aura une chance au moins. La main du poète, « imperméable à la noirceur », montre la direction.
« L’impossible nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne. »
Les trois comédiens et les deux comédiennes qui ne quittent jamais le plateau s’emparent de ces textes avec une belle complicité. Ils sont merveilleux et dégagent une lumière qui vient transcender les nuits dans lesquelles ils se retrouvent plongés. Olivier Bénard, Steven Dagrou, Nadège Perrier, Florence Coste – également à l’affiche du désopilant Titanic des Moutons Noirs – et Nicolas Taffin – que l’on retrouve à la mise en scène de Danny and the deep blue sea – sont puissants et vrais dans leur présence et leur interprétation.
Quand la poésie prend corps
Ce qui est tout aussi puissant, c’est la mise en scène de Violaine Arsac. Ce n’est pas tellement courant que l’on puisse aussi facilement reconnaître une empreinte dans l’esthétique d’un spectacle. La sienne est poétique et sensible. Elle est aussi très contemporaine et donne une place importante au mouvement. Ainsi, ce n’est pas seulement avec leurs mots mais aussi avec leurs corps que ces artistes-poètes sont engagés.
Sur les très belles musiques de Stéphane Corbin et dans des ambiances superbement posées par les lumières de Rémi Saintot, les chorégraphies d’Olivier Bénard apportent une dimension charnelle à l’ensemble. C’est une très belle image aussi qu’offrent ces tenues suspendues à des cintres en fond de plateau. On ne peut s’empêcher d’y voir l’Humanité toute entière incarnée. Le symbole d’un propos qui n’a ni visage, ni âge, ni couleur de peau.
« Ne rien sentir ou consentir. Jusqu’à quand ? Il n’est plus temps de se taire. »
Toutes ces paroles de poètes déclamées jusque sous les bruits des bombes étreignent ainsi les corps affamés de liberté jusqu’à une scène finale sublimement symbolique qui vient refermer la boucle. Et qui résonne comme un cri d’espoir. Un cri de la liberté elle-même, bien décidée à ne jamais renoncer. Bien au-dessus du silence.
Bien au-dessus du silence, créé et mis en scène par Violaine Arsac, avec Olivier Bénard, Florence Coste ou Charlotte Durand-Raucher, Steven Dagrou, Nadège Perrier & Nicolas Taffin, se joue du 07 au 30 juillet, à 19h au Théâtre La Luna (relâche le mardi).
[UPDATE 2023] Se joue du 7 au 29 juillet, à 13h, au Théâtre La Luna au Festival d’Avignon.
Retrouvez tous nos articles consacrés au Festival Off d’Avignon ici.
Avis
Il y a beaucoup d'élégance dans la manière dont les mots de ces poètes s'articulent entre eux, s'organisent en dialogues, composent des tableaux. L'ensemble est fluide et harmonieux. Et l'on est immédiatement happé par ce besoin d'écrire qui surgit comme une urgence, un besoin vital, un devoir.