Dans La maison du loup, Benoit Solès imagine les circonstances de la création de l’œuvre de Jack London, Le Vagabond des étoiles.
La maison du loup est l’un des grands succès de ce Festival OFF. Après le succès de La machine de Turing – récompensée de 4 Molières 2019 – la nouvelle collaboration de Benoit Solès et Tristan Petitgirard nous emmène sur les pas de Jack London. Et si nous ne sommes pas passés loin du coup de cœur, l’émerveillement était quant à lui bel et bien là.
« C’est une histoire entre jour et nuit, entre douceur et violence, entre chien et loup. »
Trois comédiens éblouissants
On est immédiatement happés par la poésie et le réalisme du décor qui nous emmène sur le pas de porte de la jolie demeure dans laquelle Jack London vit avec sa femme, Charmian. Un écrin de nature sauvage à l’écart du monde ; lieu que l’on imagine propice à l’inspiration. Pourtant, celle-ci est à sec tandis que l’écrivain se perd de plus en plus dans sa soif d’argent et d’alcool. « Tu ne rêves plus, tu comptes ! » lui reproche Charmian.
Amaury de Crayencour incarne avec brio un Jack London désabusé, provoquant et cynique, dont les failles sont visibles à l’œil nu. Dans le rôle de son épouse, de sa « partenaire », la charismatique et solaire Anne Plantey incarne la force et la pugnacité. C’est elle, la force de ce duo. Et c’est elle qui fait venir Ed dans leur propriété. Impressionnée par le courage et la détermination de cet ancien prisonnier, elle espère qu’il provoquera l’élan d’inspiration qui manque à Jack.
« Je préfère être une étincelle qui brille plutôt qu’une flamme qui vacille. »
Des êtres qui s’apprivoisent
Benoît Solès est majestueux et bouleversant dans ce personnage d’humaniste révolté, engagé dans la lutte pour la réforme du système pénitentiaire. Il se heurte d’abord à l’hostilité de Jack qui voit en lui une menace, un rival potentiel. Leurs échanges sont tendus. Et la communication se rompt à plusieurs reprises avant que la rencontre ne se fasse vraiment et que les barrages ne cèdent.
Nous avons particulièrement été séduits par les échanges entre Charmian et Ed. Par la manière dont leurs sensibilités se rencontrent, presque immédiatement. Par les parenthèses de douceur qu’ils ouvrent. Mais Benoît Solès résiste de justesse à la tentation facile d’un début de romance que l’on sent poindre entre ces deux-là. Car tout semble fait pour que le charme opère tandis qu’ils se racontent tour à tour l’un à l’autre, qu’elle lui confie ses fêlures, sa blessure profonde.
Une pièce très soignée
La maison du loup est un voyage au cœur de l’imaginaire, de la créativité, de la complexité humaine. La mise en scène de Tristan Petitgirard, les jeux de lumière et la musique rendent le récit des souvenirs particulièrement vivant tandis que les projections visuelles complètent efficacement le décor et nous plongent littéralement dans cette nature sauvage en mouvement.
Et au-delà de tout le charme qui s’en dégage, cette pièce est un plaidoyer pour l’humanité, le respect de l’autre, de l’être quel que soit son espèce. Ainsi, de nombreux thèmes y sont effleurés comme le sens de l’existence, la peine de mort, l’alcoolisme, ou encore les droits des animaux. Le monologue de fin, sublimement mis en scène, nous laisse sur un sentiment d’émerveillement. Avec cette conviction d’avoir assisté à quelque chose de grand et de beau.
La maison du loup, de Benoit Solès, mis en scène par Tristan Petitgirard, avec Benoit Solès, Amaury de Crayencour & Anne Plantey, se joue au Théâtre du Chêne Noir à Avignon, du 07 au 31 juillet à 14h30. Relâche les lundis.
[UPDATE 2023] À partir du 14 septembre 2023 au Théâtre Rive Gauche.
Retrouvez tous nos articles consacrés au Festival Off d’Avignon ici.