La dernière lettre nous plonge dans une intrigue intime et judiciaire dans laquelle deux mères font face à un terrible enjeu.
La dernière lettre faisait partie de nos espoirs pour cette nouvelle édition du Festival Off. Il faut dire qu’il y a des auteurs, des metteurs en scène, des comédiens – hommes et femmes cela va sans dire – dont nous suivons le travail de très près car leur sensibilité, leur supplément d’âme donne à leurs créations ce truc en plus qui fait qu’elles nous restent dans le cœur et dans la tête longtemps. Et Violaine Arsac est de ceux-là.
Ainsi, après Les Passagers de l’aube, succès Off 2018 & 2019, c’est avec une histoire de justice réparatrice qu’elle vient, cette année, conquérir Avignon… et notre cœur.
Une improbable correspondance
Anna Larcher, expatriée aux États-Unis, vit seule avec sa fille depuis que son mari a été tué de deux balles dans la poitrine. Michaël Ellis a été arrêté et condamné pour ce meurtre. Il semblerait donc que justice soit faite aux yeux d’Anna. Mais une visite va venir tout bouleverser. Celle de Clémence, bénévole dans une association mettant en lien les familles des victimes et celles des condamnés, bien décidée à encourager Anna à croire en une autre forme de justice en lui remettant une lettre écrite par le meurtrier de son mari…
Un lien particulier se tisse entre les deux femmes qui sont encore loin de s’être tout dit. Et ce sont alors les idées, les valeurs, les certitudes, les sensibilités des uns et des autres qui s’entrechoquent. Que deviennent nos convictions lorsqu’on s’attaque à ceux qui nous sont le plus cher ? Obtenir justice suffit-il à retrouver la paix ? Est-il seulement possible de pardonner l’impardonnable ? Ne s’emprisonne-t-on pas aussi soi-même dans un désir de vengeance ? Ces questions sont les leurs, mais elles deviennent aussi les nôtres.
Une mise en scène intelligente
On est rapidement embarqués par l’atmosphère musicale, les jeux de lumière et le décor évolutif qui donnent à la pièce une dimension très cinématographique et accentuent le climat de tension. Et si le début nous a semblé s’étirer un peu, les échanges entre les deux avocats aux idéaux opposés – l’un beau-frère d’Anna en faveur de la peine de mort, l’autre humaniste et bénévole pour l’association de Clémence – viennent assez tôt apporter une nouvelle dynamique et une pointe d’humour qui permettent à la pièce de ne pas se laisser déborder par la dimension dramatique de l’histoire.
Quant à ces barreaux de prison – élément central autour duquel les personnages évoluent tout au long du spectacle – ils ne se contentent pas de représenter la cellule de Michaël Ellis. En effet, la prison apparaît rapidement comme un élément symbolique de l’histoire. Car chacun des protagonistes devra finalement réussir, à sa manière, à s’extraire des idées, croyances, certitudes qui l’emprisonnent aussi fermement que des barreaux d’acier.
Du talent en veux-tu en voilà !
Ces 4 personnages aux tempéraments très différents sont tous incarnés avec beaucoup de sincérité et de profondeur par des comédiens et comédiennes brillant(e)s. Quel bonheur de retrouver Mathilde Moulinat – découverte dans Pigments, puis Les passagers de l’aube – dans le rôle de cette avocate humaniste timide et maladroite, qui ne plaide pas car elle n’aime pas parler devant les gens ! Comme à son habitude, la comédienne est déconcertante de naturel et de simplicité.
Et nous nous sommes régalés des joutes verbales dans lesquelles elle se confronte à cet avocat cynique qui ne pense qu’à briller, et interprété de manière assez jubilatoire par Grégory Corre, lui aussi découvert dans Les passagers de l’aube. Marie Bunel est quant à elle poignante dans son rôle de bénévole, et Noémie de Lattre incarne avec solidité cette femme dont la colère va peu à peu se polir. Elle nous offre d’ailleurs l’un des moments, si ce n’est LE moment le plus fort du spectacle (larmes à l’appui !) : une tirade bouleversante sur le pardon.
Le pardon comme ultime libération ?
Par le profond cheminement intérieur qu’il impose et qui amène à se (re)connecter à ce qu’il subsiste d’humain en chaque être, le pardon est une richesse immense à bien des égards, pour celui qui l’offre comme pour celui qui le reçoit. C’est ce que cette pièce exprime avec beaucoup d’humilité et de délicatesse, sans pour autant faire l’impasse sur les doutes, les peurs, les bouleversements qui guettent au début du chemin.
« Je pensais que mes convictions étaient à l’abri… »
La dernière lettre offre ainsi une réflexion intelligente et sensible sur le système carcéral, la peine de mort et le pardon. Des thèmes dont le cinéma s’empare aussi en ce moment, avec les films Désigné coupable – actuellement à l’affiche – et Un triomphe, prévu en salles pour septembre. Tiens tiens, serait-ce que nous aurions besoin de remettre de l’Humanité, de la bienveillance et de l’amour dans nos visions du monde ? C’est ce que cette pièce nous propose en tout cas, et qui la rend nécessaire.
La dernière lettre, écrit et mis en scène par Violaine Arsac, avec Marie Bunel, Grégory Corre, Noémie de Lattre, Mathilde Moulinat, et la voix de Benjamin Penamaria, se joue au Théâtre Actuel, à Avignon, du 07 au 31 juillet à 16h35. Relâches le lundi, supplémentaire à 10h le mardi.
[UPDATE 2022] Se joue du 07 au 30 juillet 2022 au Théâtre du Girasole au Festival OFF d’Avignon.
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