La perspective, en voilà un concept qui nourrit l’imaginaire et avec lui, le puzzle game. Un principe qui mérite itération, tant il y a à faire. Un concept qui – ça tombe bien – est au cœur de Superliminal.
Superliminal donc, est un walking simulator un tantinet puzzle game – et pas l’inverse – développé par la petite et charmante équipe de Pillow Castle avec comme idée centrale, disons directrice, la perspective. Notez qu’ils s’éditent aussi, c’est toujours bon à savoir.
Le concept est simple, un objet saisi dont vous vous rapprochez grossit, un objet saisi dont vous vous éloignez rétrécit. La taille et en partie la position d’un objet sont relatives à votre personnage, à la perspective que vous avez dessus. Une idée qui pourrait vite créer une batterie mécanique fort intéressante pour un jeu vidéo… N’est-ce pas ?
Superliminal le Borgne
Le premier souci de Superliminal est peut-être de n’être finalement qu’un walking simulator. Et si certaines de ses inspirations évidentes lorgnent en effet du côté du jeu de puzzle, difficile de ne pas penser à Portal, il en reste que sa construction, la composition de son challenge, n’est pas celle qu’on attendrait d’un puzzle game.
Le jeu va sans cesse trouver un subterfuge pour se renouveler alors même qu’il n’avait fait qu’effleurer son concept de perspective, il n’y a pas vraiment de montée en gamme. Le jeu s’arrête en n’ayant même pas donné l’illusion de pousser à minima ses idées de gameplay. Rien n’est pressé jusqu’à en extraire tout son jus, ne serait-ce que quelques gouttes. Sans être désagréable et malgré quelques rares petits moments d’excitation, Superliminal ne passe jamais la quatrième vitesse, préférant divaguer plutôt qu’explorer ses propres idées. Un comble pour un jeu dont les idées mériteraient peut-être justement d’être explorées.
Stanley Paradox
Nous avons parlé de Portal ci-dessus, vient le temps maintenant d’évoquer le second éléphant dans la pièce : The Stanley Parable. Le jeu de Davey Wreden, comme celui de Valve, transpire par tous les pores de celui de Pillow Castle. Seul souci, Superliminal n’a narrativement rien de l’ambitieux périple de Stanley. Déjà, c’est peut-être bête mais le fait d’avoir cumulé une Glados discount à un Narrateur leader price fait que le jeu blablate continuellement, pas toujours de façon très appropriée ou intéressante. Peut-être aurait-il fallu ne se contenter que du narrateur, nous épargnant ainsi de l’humour “portalesque” qui peine à faire sourire.
Le jeu reprend, mais ne se décolle presque jamais de ses modèles. Le mur se brise plus mollement que dans Stanley Parable, et rien dans l’écriture ou même le doublage ne vient qualitativement titiller ses inspirations. On y retrouve les mêmes traits de façon un peu forcée. Il en va de même de son discours, à l’étroit dans 3 heures de jeu. Qu’est ce qu’une histoire dans un jeu qui peine à se raconter convenablement ? La symbolique en cache misère, encore faudrait-il une forme pour tenir le fond, si tant est qu’il en vaille la peine… Vous voulez un jeu narratif qui se tient ? Jouez donc à The Beginner’s Guide.
Mais au-delà de ce problème de fond et d’identité, il y a aussi cette dichotomie entre le narratif et le gameplay. Nous en parlions précédemment, mais le jeu est bavard sur un temps largement trop court et dans une forme qui y sied peu. Pendant une bonne première moitié du jeu, les interventions du narrateur sont limitées à des radios – comme des sortes d’audiologues. Si cela laisse au joueur le choix de s’intéresser ou non au narratif, leur gestion a un souci. En effet, ces radios ne sont activables qu’une seule fois. Quel est l’intérêt de placer un contenu audio sur un interrupteur fixe et possiblement activable à l’envie pour ensuite venir limiter son utilisation ? Le jeu est truffé de ce genre d’étrangetés qui laissent une sensation assez amère. Des erreurs de jeunesse ? Superliminal échoue en tant que jeu narratif, chargé d’une partie puzzle qui ne s’imbrique pas au mieux ; tout en échouant en tant que puzzle game, chargé d’une narration dispensable.
Superlimite
Superliminal laisse tiède, presque froid à la vue de sa partie technique. Côté rendu déjà, que cela soit un menu d’options visiblement bloqué en 1080p ou une qualité discutable des ombres, et cela peu importe vos configurations – le résultat ci-dessous est obtenu avec l’option ombres douces activée… -, on sent les accrocs, mineurs certes, mais assez symptomatiques. Le vrai problème, c’est surtout cette pléthore de bugs, accompagnés de soucis de physique et de collisions. Pour vous dire, nous avons rencontré notre premier couac après 30 secondes de jeu à peine.
Parfois les soucis sont tellement énormes que l’on se demande si ce n’est pas normal, si cela ne fait pas “partie” du jeu. Une technique qui vient – et ça c’est grave – entraver la résolution de quelques puzzles déjà entamés par des choix de design pas toujours malins et qui multiplient les fausses pistes.
C’est assez simple, Superliminal ressemble à un jeu étudiant – et en est d’ailleurs issu. Attention, un excellent jeu étudiant, il y a un concept viable et une exécution convenable derrière (doublée cuire côté musique)… mais avec aussi un trio de soucis “typiques” : beaucoup de failles techniques, des idées survolées et des influences évidentes qui minent le jeu. C’est peut-être cela dit une partie de son charme, en résonance avec cet excellent making-of – d’ailleurs c’est une chose trop rare des bonus d’une telle qualité. C’est un jeu dont la petite ampleur nous laisse malgré tout proche de ses développeurs. Néanmoins, venu le temps du bilan, en considérant le prix (environ 16€) et en jaugeant le résultat plutôt que la bonne volonté, il nous faut dire que nous avons trouvé Superliminal très bancal, malheureusement.