Suikoden I Gate Rune HD Remaster fait vœu de fidélité à son matériau d’origine remarquable, mais non exempt de quelques faiblesses.
Suikoden I Gate Rune HD Remaster entend happer les cœurs des fans de JRPG 2D, tout comme à la sortie initiale de Suikoden en 1995 sur Playstation 1. Konami nous replonge 30 ans plus tard dans l’Empire de la Lune Écarlate en proie au chaos. Notre héros, Tir McDohl, découvre la vérité cachée derrière le règne tyrannique de l’Empereur Barbarossa. Alors qu’il est fraîchement promu chevalier, il doit subitement protéger une puissante rune convoitée par la conseillère de l’Empereur, Lady Windy. Rejoint par un groupe de résistants, Tir se lance dans une aventure pour recruter les 108 étoiles du destin. Ces guerriers l’aideront à renverser l’Empire et à rétablir la justice par des combats en tour par tour à 6 personnages et des grandes batailles stratégiques.
À la guerre au galop
Suikoden I HD Remaster se caractérise principalement par son intrigue resserrée. Cette adaptation libre du roman chinois Au bord de l’eau en brasse les principales thématiques. Tout fraîchement promu au sein de l’armée de l’Empire, Tir bascule soudain du côté rebelle de la force. Grâce à ce retournement de situation, toutefois un peu maladroit, Suikoden I nous plonge rapidement dans les affaires sérieuses. Et cette rébellion contre le pouvoir en place est traduite pour la première fois en français ! Le soft affiche une durée compacte de 15 heures, voire 20 si le cœur vous dit de partir à la chasse de l’intégralité des 108 guerriers à recruter. Cet exploit de concision s’explique par le fait que le jeu ne nécessite pas de farm. Mais aussi, et surtout, car Suikoden I éprouve grand mal à approfondir convenablement son sujet.

Suikoden I peut laisser sur sa faim. Son sujet principal, l’organisation de forces armées à l’encontre du pouvoir, se repose sur des bases solides. Le processus de ralliement des guerriers peut donner du fil à retordre, car certains ne se laisseront pas recruter facilement. Notre base, au bord de l’eau, est tout aussi bien pensée. Bâtie comme un village autonome, nos recrues permettront de développer des services pratiques (ascenseur, auberge, etc.). Cela dit, l’intrigue se déroule mécaniquement. Nous combattrons quasiment à la chaîne les cinq grands généraux, puis l’Empereur, sans véritable encombre. Un scénario somme toute très linéaire, sans surprise et qui aurait gagné à prendre un peu plus son souffle.
Les relations entre les personnages demeureront aussi relativement superficielles. Et les lieux, bien que très jolis, souffrent de manière corrélée de ce manque d’approfondissement. Suikoden I provoque la désagréable sensation de se faire ballotter invariablement d’un point A à un point B, sans pouvoir apprécier les espaces, nos compagnons et les PNJ. Il se rythme toutefois au gré de nombreux moments de tristesse. La dureté de la guerre transparait dans la mort de nos amis. Beaucoup se sacrifieront en chemin pour nous permettre de délivrer l’Empire de la Lune Écarlate. De plus, quelques trépas pourraient directement découler de nos choix lors des grandes batailles stratégiques.
Stratège en mal de stratégie
Pour jouer dans la même cour que Final Fantasy et Dragon Quest, Suikoden I devait trouver une recette prodige. Il se pare de trois modes de combat intéressants. Le tour par tour classique du JRPG est agrémenté d’une pincée de positionnement stratégique. Les batailles s’effectuent à 6 personnages, répartis sur deux rangées et chacun se caractérise par une portée courte, moyenne ou longue. Il faudra composer stratégiquement son équipe en variant les portées pour anéantir tous les ennemis avant qu’ils n’aient pu porter la moindre offensive. Enfin, il ne s’agit là que de promesses. Le jeu s’avère trop facile pour concrétiser nos ambitions de stratège. Même en difficulté normale, bourriner aléatoirement suffira amplement pour laminer les ennemis et les boss. Et tragiquement, nous ne pouvons sélectionner la difficulté maximale qu’avant de commencer le jeu. Une fois la partie lancée, il ne nous sera plus possible de basculer en mode difficile.

Les deux autres modes de combat ajoutent une part d’aléatoire revigorante. L’aventure se ponctue de batailles décisives contre l’armée de l’Empire. En ces occasions, nous aurons le choix entre des attaques de charge, de magie ou d’arc. Et si l’offensive échoue sérieusement, nos compagnons pourraient y laisser la vie. Seule ombre au tableau, ce remaster aurait dû se montrer visuellement plus ambitieux. Les troupes sont matérialisées par des bonhommes de quelques gros pixels piteux et misérables en 2025… Le dernier mode de jeu repose sur la logique circulaire du pierre-feuille-ciseau, avec les options attaque-défense-spéciale. Sous forme de duel, nous ferons face à un seul personnage clé, comme Téo McDohl, qu’il faudra défaire. Avec un peu de chance, l’ordinateur choisira une attaque simple contre notre spéciale imparable. En cas inverse, si l’adversaire se met en défense contre notre attaque ? Mort quasi-assurée, puis repartir depuis la dernière sauvegarde, comme à l’ancienne.
L’empire éclatant
Suikoden I HD Remaster a à cœur de ne pas pervertir l’essence rétro de son matériau de travail. Le pixel art des personnages se marie à merveille avec ces décors resplendissants entièrement retravaillés. Et la remasterisation intégrale de la bande-son parachève cette sublimation de l’Empire de la Lune Écarlate. Il sera particulièrement plaisant de le parcourir à la découverte de ses villages chatoyants. Cependant, ce remaster conserve aussi quelques désagréables, voire fâcheux, archaïsmes de l’époque. La piètre carte ratatinée en bas à droite de l’écran n’apportera pas grande utilité. Et le fait que les équipements de nos personnages (armures, boucliers, etc.) soient considérés comme des objets charriés ne facilite pas les choses. Cette configuration ne laisse que trois ou quatre emplacements pour les véritables objets transportés comme les médicaments ou les breloques.

Le jeu se ponctue toutefois de détails amusants qui ajoutent une touche de légèreté bienvenue à l’univers. Suikoden I prend un malin plaisir à nous faire tourner en bourrique et en fait sa marque de fabrique. Un petit chat tout mignon, allons lui parler… Essayez-donc de l’attraper, ce vilain matou qui se carapate dès qu’on l’approche un peu trop près ! Certains guerriers à recruter ne se gêneront pas pour nous frustrer plus encore. Les joueurs de dés truqués engloutiront notre fortune lorsqu’il faudra gagner des sommes folles contre eux. Et si le memory jouit de tendres souvenirs d’enfance dans nos mémoires, Suikoden I en fera presque un cauchemar. Battre le record de vitesse de Georges au memory relève quasiment de la torture.
Believe, croire en ses forces
Suikoden I est définitivement un premier jet qui porte en germe les succès futurs de la saga. Les troubles politiques, bien qu’encore un peu chétifs, dessinent les contours d’un univers dense et attrayant. Et ce sont autant de faiblesses énoncées qui seront corrigées, comme de rouages du pouvoir qui seront mieux développés, dans Suikoden II. Pour en revenir à Suikoden I, son gameplay innovant et stratégique lui vaut aussi d’entrer dans le cercle des JRPG les plus remarquables. Ce remaster permet ainsi de replonger dans ce titre incontournable pour en redécouvrir les décors sublimés et la toile de fond des troubles politiques de l’Empire de la Lune Écarlate. Cependant, cette nouvelle version affiche des manquements qui ternissent l’expérience de jeu, comme les quelques archaïsmes demeurant et la difficulté très mal ajustée.
Initialement sorti en 1995 sur PS1, Suikoden I a bénéficié d’une remasterisation HD parue le 6 mars 2025. Uniquement disponible en bundle avec Suikoden II, les deux opus sont jouables sur PS4/5, Xbox One/Series X|S, Switch et PC.
Avis
Suikoden I, malgré ses faiblesses initiales, pose les fondations d'une saga prometteuse avec son univers politique dense et son gameplay innovant. Ce remaster permet de redécouvrir ce JRPG incontournable de la grande époque de la PS1 avec une ambiance visuelle et sonore remarquables. Cependant, quelques éléments entachent le plaisir de jeu, comme certains aspects archaïques et la difficulté mal équilibrée.
- Scénario
- Durée
- Gameplay
- Graphismes
- Bande-son